La signature de cette seconde convention consécutive avec Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, ville de plus d'1,2 million d'habitants, est une bonne nouvelle !
C'est l'opération de coopération décentralisée la plus aboutie conduite par la ville et le Grand Lyon. Notre action a contribué à la formation de nombreux cadres et à la modernisation de services urbains majeurs comme la propreté, la voirie, la police municipale, l'éclairage public, la recherche et la gestion de l'eau…
Si les lois de décentralisation de 1982, puis de 1992, ont donné un cadre juridique précis à la coopération décentralisée, il nous appartenait d'en tracer l'essentiel : l'ambition, la méthode de travail et les actions.
L'ambition tout d'abord. Qui connaît, dans cette enceinte, l'ambition de la ville ou du Grand Lyon, votre ambition, dans le domaine de la coopération décentralisée. Bien peu de monde. Et ce n'est pas faute de demander, depuis le début du mandat, une commission générale sur le sujet, suivi d'un vrai débat, afin que nous puissions tous ensemble tracer de nouvelles lignes d'horizon.
Pour nous, une ambition doit d'abord s'ancrer dans une histoire et dans une pratique.
Lyon a, depuis près de 200 ans, une véritable histoire d'amour avec l'Afrique noire. Des Missions Africaines, fondées à Lyon en 1856 par Mgr de Bresillac, à l'investissement fort, sur le terrain, des ONG lyonnaises ou encore d'entreprises majeures comme bioMérieux.
Cette Afrique noire, si proche de nous, c'est aussi celle de la francophonie. Celle qui, sous l'impulsion notamment de trois chefs d'État africains, Senghor du Sénégal, Bourguiba de Tunisie et Diori du Niger a choisi de se donner le français en partage.
Or la Francophonie a aujourd'hui besoin d'une ville "chef de file". Lyon, par son histoire et son présent, peut jouer ce rôle. Grâce à l'Université Jean Moulin Lyon 3, Lyon rayonne dans le monde avec l'Institut d'Etudes de la Francophonie et de la Mondialisation ou encore grâce au réseau des Chaires Senghor de la Francophonie, né entre Rhône et Saône. Et je n'oublie pas l'action de la toute jeune Association Internationale des Régions Francophones, dont le siège est à Lyon, et qui fédère déjà 80 régions représentant 20 pays…
Vous le voyez, Monsieur le Maire, mes chers collègues, notre histoire comme notre présent est intimement lié à l'Afrique noire et à la francophonie. Nous pourrions dès lors, tout naturellement, axer en priorité nos actions sur l'Afrique noire francophone, en s'intégrant, bien entendu, dans les objectifs du Millénaire pour le Développement décidés à l'ONU. Voici une belle ambition pour la ville…
Mais c'est encore insuffisant… Après l'ambition, voyons la méthode de travail.
Je me félicite que l'on assiste partout à une mobilisation des collectivités territoriales pour co-financer le développement. Un mouvement parti il y a quelques années d'Afrique du Sud… Mais, si ces collectivités mènent chacune de leur côté des programmes, on risque des actions désordonnées, un gaspillage et même parfois des incohérences. Sans parler du manque de lisibilité.
Notre action est, en l'espèce, un modèle du genre… Là ou nous pourrions mutualiser les intervention, améliorer notre efficacité, bénéficier d'effets de leviers puissants, nous avons choisi d'agir seul, par de simples accord bilatéraux. Or je crois à la force de la mobilisation et je crois en la valeur de l'exemple.
Si nous étions à votre place, voici les quatre axes sur lesquels nous nous appuierons pour décliner notre ambition :
1- Que Lyon prenne l'initiative de constituer et d'animer un réseau de collectivités locales de Rhône-Alpes pour mettre en oeuvre une ambition partagée, aux côtés de la Région, déjà fortement impliquée auprès des pays francophones.
Revenons à Ouagadougou. Rhône-Alpes intervient à Bobo, capitale des Hauts-Bassins, une région à cinq heures de route de la capitale du Burkina. Grenoble à Ouagadougou même. Chambéry au Nord du pays, à Ouakigouya… En tout, plus de 102 projets de coopération décentralisée sont conduits avec le Burkina Faso depuis notre région. Et que fait Lyon ? Elle verse sa goutte d'eau alors qu'une grande ambition aurait consisté à fédérer ces actions, à créer, à l'initiative de Lyon, capitale de Rhône-Alpes, un véritable élan qui leur donnerait de la lisibilité et en augmenterait l'efficacité.
2- Que Lyon prenne l'initiative de proposer à la région Rhône-Alpes de créer, avec nous, la Maison de l'International et de la Francophonie, qui pourrait prendre place à proximité les futurs locaux de la région, au Confluent.
Lieu d'échanges, cette Maison pourrait abriter le siège des nombreuses ONG lyonnaises, affirmant ainsi notre ambition de devenir la "capitale française de la solidarité internationale", le GIE Resacoop dont le travail admirable mérite d'être salué, et également des bureaux et des salles de réunions à la disposition du Corps Consulaire de Lyon et du monde associatif, et notamment de mes amis représentant les pays francophones qui souffrent cruellement du manque de moyens mis à leur disposition. Vous avez créé le "Village de la solidarité internationale" une fois l'an. Il est temps d'aller plus loin, de porter une ambition nouvelle !
3- Que Lyon et le Grand Lyon soient à l'initiative de la création d'une "Fondation pour la Francophonie et le Développement". Cet organisme pourrait être le coeur de nos actions, fédérant entreprises, collectivités locales françaises ou étrangères, organisations consulaires, fédérations professionnelles et ONG. Il serait porteur d'une double vocation :
• une vocation culturelle, dans la droite ligne de la "convention internationale sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles" signée à l'Unesco par 146 pays sur les 154 présents en octobre 2005. Convention qui place la Francophonie, ses 63 pays et ses 711 millions d'habitants, à un tournant, celui d'une autre mondialisation enfin axée sur la culture et respectueuse des diversités.
• une vocation de solidarité envers les pays francophones. La ville et le Grand Lyon pourraient alors amorcer un formidable élan en contractualisant la possibilité à leurs salariés d'intégrer, de façon volontaire, une véritable filière d'experts. Ces experts pourraient alors, sous des conditions à définir, être missionnés auprès des ONG ou des collectivités francophones.
Ce réseau d'expert pourrait être renforcé, sous l'égide de la Fondation, par un réseau de "Volontaires de la Francophonie" qui accepteraient de mettre leurs compétences professionnelles au service des entreprises locales et du développement.
4- Que Lyon, à partir de ce réseau des collectivités, des ONG et des entreprises concernées, se rapproche des organisations internationales, telles que la FAO, le Programme alimentaire mondial, la Banque mondiale ou encore la Banque africaine de développement afin d'engager des actions sur le long terme. Aujourd'hui, monsieur le Maire, mes chers collègues, ces organisations souhaitent renforcer ce type de coopération qui leur permet de diversifier leurs sources d'expertise. Ainsi, la FAO a mis en place une cellule chargée de la coopération décentralisée qui est toute prête à venir travailler avec Lyon pour définir des programmes spécifiques. C'est le sens également de la demande récente de la Banque Mondiale aux villes, et notamment à Lyon, en faveur de la reconstruction du Liban.
Après l'ambition et la méthode, permettez-moi enfin quelques mots sur l'action…
La coopération décentralisée est aujourd'hui surtout axée sur l'Afrique de l'Ouest. Et le Burkina Faso, qui compte certes parmi les pays les plus pauvres du monde, est l'un des plus couvert par l'aide internationale.
102 projets de rhônalpins concernent le Burkina, nous l'avons vu, et la ville de Ouagadougou compte 6 conventions de coopération avec des villes ou des agglomérations françaises. Alors que de nombreux autres pays francophones sont aujourd'hui abandonnés, notamment en Afrique Centrale. Je pense au Congo Brazzaville, dont je recevais il y a quelques semaines deux président de région, (11 programmes seulement), au Congo Kinsasha (0 programme), au Gabon (0 programme), au Niger (13 programmes), en Centrafrique (7 programmes).
La vraie stratégie serait justement d'aller là où les autres ne vont pas, là où notre action mobilisatrice porterait de véritables fruits et offrirait une lisibilité à notre action.
Un mot encore, pour conclure, sur le retour que nous pouvons attendre de ces actions. Car l'aide au développement, pour réussir, doit s'appuyer sur deux conditions de base : un Etat fort et un secteur privé dynamique reposant sur un véritable entrepreneuriat local. Il y a quelques mois, j'animais une rencontre entre la communauté sénégalaise de Lyon et Monsieur Lamine Ba, ministre de la Coopération internationale et de la Coopération décentralisée du Sénégal. Notre objectif était de convaincre les sénégalais de Lyon d'investir dans leur pays pour y créer un maillage de micro entreprises.
La croissance économique de l'Afrique s'établit à 5% par an depuis deux ans, 10 pays dépassant depuis plus de 10 années ce chiffre de 5%, et elle devrait se maintenir à ce niveau dans les deux prochaines année. La coopération décentralisée doit également être une formidable opportunité pour accompagner les entreprises de Rhône-Alpes. Face aux investissements massifs de nouveaux pays comme l'Inde, la Malaisie, la Corée, la Chine, la Thaïlande qui, aux côtés des anglo-saxons, contribuent de plus en plus fortement au développement industriel local, nous devons aussi jouer la carte du développement économique. Les différents experts et politiques réunis par l'Institut Aspen à la Fondation Mérieux il y a 15 jours tiraient le signal d'alarme. Les entreprises françaises sont encore trop éloignées de l'Afrique. A nous de les accompagner, avec les instances consulaires et les fédérations professionnelles, par une politique volontariste. Car si l'aide à ces pays est l'objectif, il ne pourra se faire de façon pérenne qu'en construisant avec eux le socle d'un réel développement durable qui passe par le développement économique local.
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