Un élu en colère

Conseil municipal du 15 novembre 2006

C'est un élu en colère qui s'exprime cet après-midi devant vous… Cela fait maintenant des mois, Monsieur le Maire, que nous vous alertons sur la difficulté que nous rencontrons, sur ces bancs du conseil, à accéder à la totalité de l'information sur les dossiers qui sont soumis à notre vote. Nous demandons copie de certains dossiers en commission, nous relançons… et puis rien. Ou parfois, miracle, nous recevons une liasse de photocopie une ou deux heures avant le conseil. Je crois que ce n'est pas sérieux. Certains de vos adjoints aiment se draper dans une posture de grands démocrates, ils devraient alors apprendre que le droit à l'information des élus est primordial, à fortiori lorsqu'il s'agit de votre opposition. Je conçois que ces détails bassement matériels échappent à votre quotidien de Maire. Mais ils ne devraient pas échapper à celui de l'homme politique que vous êtes et à l'opposant que vous avez été.

Il faut dire, Monsieur le Maire, que ma colère a été soigneusement entretenue par un membre de votre majorité qui, lors de la dernière commission Economie-International, s'est permis de nous demander de cesser de poser des questions sur les dossiers. Il était près de midi, et cet élu avait sûrement faim. Et pourtant, nos questions étaient légitimes, pas du tout polémiques, Pierre-Alain Muet, votre adjoint qui anime cette commission avec tact et impartialité pourra en témoigner. Non, ce qui était insupportable à cet élu affamé, c'est tout simplement que votre opposition veuille s'informer, comprendre, pour pouvoir voter en toute connaissance de cause. Il serait tellement plus simple de vivre entre vous, sans nous. Malheureusement pour vous, nous sommes là. Et bien là. Et nous entendons bien faire porter notre voix !

Alors, solennellement, Monsieur le Maire, je vous demande au nom de l'opposition de veiller désormais à ce que les droits les plus élémentaires de l'opposition soient respectés en tout lieu de cet hôtel de ville.

Cette saine colère passée, revenons au dossier. Vous nous demandez de verser une subvention de 15 000 euros à l'association "La voiture autrement". Voici justement un dossier pour lequel on nous avait promis en commission la diffusion d'une étude de marché réalisée récemment ainsi que l'ensemble des éléments ayant concouru au montage de cette demande de subvention. A l'arrivée, rien ! Pour mémoire, Monsieur le Maire, la commission avait lieu le 4 novembre. En 11 jours, le temps a sûrement manqué pour faire des photocopies !

Madame l'adjointe nous disait en 2002 qu'il s'agissait "d'une expérimentation dont l'objectif est de permettre aux citadins qui n'utilisent qu'occasionnellement leur véhicule de se passer totalement de l'achat et de l'entretien d'une automobile et ce, pour un coût très faible. (…) L'auto-partage permet limiter l'emprise au sol, une voiture partagée remplaçant 8 à 10 voitures particulières, limiter les voitures dans l'hyper centre et donc, la pollution atmosphérique. (…) A Lyon, l'objectif moyen à atteindre est de 63 véhicules et 1 050 adhérents en 2005 pour permettre l'auto-financement de la structure et la pérennisation des emplois créés."

La ville a déjà versé à cette association 35 000 euros en 2002 et 20 000 euros en 2004. Soit un total de 55 000 euros, 360 000 francs. Et pour quel résultat ? Neuf voitures disponibles là où vous en promettiez 63, 150 adhérents là ou vous en promettiez plus de 1 000. La ville, donc les contribuables, a donc déjà dépensé une moyenne de 440 euros par adhérent gagné, l'association en comptant 25 à sa création… Avouez que pour une entreprise commerciale, fut-elle innovante, ça fait cher le contact utile !
Vous nous parlez d'ailleurs de deux autres expériences en réseau avec la nôtre à Marseille et à Strasbourg. A Marseille, l'échec est patent. Les 150 adhérents ne sont même pas atteint. A Strasbourg, où les abonnements sont couplés avec ceux des transports en commun, le nombre d'adhérents semble inférieur à 500. Il faut dire que la collectivité a mis 100 000 euros dans la balance. Question de volonté politique…

Justement, parlons-en de cette volonté politique. Monsieur Giordano s'enthousiasmait sur ce projet en 2002. "Comme souvent dans ce type de projet novateur, les mesures d'accompagnement et toute la politique de déplacement doivent être en accord avec l'esprit du projet. Un PDU volontariste, une communication interne aux collectivités qui privilégie les alternatives à la voiture, élaborer des plans de déplacement d'entreprise, et surtout combiner les abonnements auto-partage en partenariat avec les transports en commun." Et à l'arrivée, rien ! Notre Plan de Déplacement d'Entreprise, voté en mars, est étrangement muet à ce sujet. Et au Sytral ? Rien là encore. Et Lyon Parc Auto ? Avec une offre cantonnée à trois parkings, il est évident que l'auto-partage ne peut pas décoller. Je crois, Madame Gouzou-Testud que sur ce dossier, vous prêchez dans le vide. Même l'exécutif dont vous faites partie ne vous entend pas, n'agit pas.

Vous nous demandez aujourd'hui d'ajouter 15 000 euros aux 55 000 déjà votés. Alors même que l'association s'oriente vers la création d'une structure commerciale plus en adéquation avec les services marchands qu'elle propose. Vous nous annoncez également que des partenaires majeurs entrent au capital, comme Europcar. Je crois qu'en l'espèce, il faut désormais laisser les actionnaires, professionnels de la location, soutenir ce projet qui, d'ailleurs, fonctionne fort bien dans d'autres pays européens comme l'Allemagne ou la Suisse.

Ne croyez pas pour autant que nous sommes farouchement hostile à l'auto-partage. J'ai, pour ma part, la conviction profonde que le statut de la voiture dans la ville va changer. Une voiture est aujourd'hui un bien matériel, cher, qui représente une dépense importante pour le budget de chaque famille. Je suis persuadé que dans l'avenir, et cet avenir se dessine déjà dans de nombreuses métropoles, la voiture deviendra un bien de consommation. Tout comme l'eau ou l'énergie. Alors, l'auto-partage, la location de courte durée…, seront des services reconnus, appréciés. Les professionnels le savent, le nombre de foyers sans voiture à Paris est, par exemple, en progression. Et les utilisateurs de taxis, de transports en commun ou de formules alternatives comme le co-voiturage, en augmentation.
Sur ce dossier, nous avons déjà investi 55 000 euros. Il me semble plus efficace et plus pertinent d'aider cette association à trouver des grands comptes et des actionnaires pour qu'elle atteigne la taille critique nécessaire à sa viabilité plutôt que de la maintenir en perfusion sur les deniers publics.

Nous voterons donc contre ce rapport.

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