Cet essai de 143 pages a enchanté mon samedi… Jacques Rigaud est un fin connaisseur des mondes de la politique et des médias. Haut fonctionnaire, il fut également le patron de RTL. Il dissèque au scalpel l'étrange fortune posthume du secrétaire florentin, notamment en ces temps où la démocratie représentative a laissé sa place à la démocratie d'opinion dans laquelle "la scène médiatique domine la scène parlementaire. (…) C'est ainsi que les médias ont imposé leur tempo aux gouvernants. (…) Les médias finissent par se prendre pour un pouvoir et le pouvoir pour un média."
Il décrypte avec talent le machiavélisme de Mitterrand puis de Chirac avant de se pencher sur les prétendants au trône… Je vous laisse le soin de lire les dernières pages du livre après l'avoir acheté….
Une indication ? "S'il fallait définir l'originalité principale de la pensée de Machiavel au sujet de l'action politique, ce n'est pas le bon usage de la dissimulation, de la ruse et du mensonge que l'on devrait retenir, mais le refus de la fatalité et l'héroïsme de la volonté." Mon petit doigt me dit…
En sortant du rayon Politique-Histoire contemporaine, je suis tombé en arrêt devant un présentoir de la NRF. Un nom a retenu mon regard : Françis Ponge. Sourire intérieur et plongée 25 ans en arrière. J'entrais dans une salle de classe vide. Un professeur m'attendait assis derrière une table. Je lui tendis une liste. La même, sûrement, que mes camarades passés avant moi. Un nom a retenu son regard : Francis Ponge. Un texte "Pluie", morceau d'anthologie, de finesse et de poésie. Nous avons discuté durant plus de 45 minutes de cet auteur trop rare, trop oublié. Peut-être pace que si peu classique. Je suis parti de ce bac de français le cœur léger grâce à Francis Ponge… Je viens de relire Pluie. Et puis La fin de l'automne, les Proêmes… Tiens, en allant acheter le bouquin de Rigaud, prenez celui de Ponge Le parti pris des choses suivi de Proêmes (Editions NRF-Gallimard). Vous ne le regretterez pas !
Le Président de la République vient de parler en direct sur les chaînes de télé. Je pense au dessin de Faizant à la Une du Figaro le lendemain de la mort de De Gaulle : un chêne déraciné gisant au sol.
La fin de la carrière de Chirac, c'est un pan entier de la vie politique française qui tombe. Sauf que cet arbre, lui, n'avait pas de racines…
40 années. Presque une vie pour moi qui ai 41 ans ! Décidemment, la France est bien le seul pays qui ne sache pas régénérer ses élites politiques.
Je me souviens aussi de la dernière allocution de Giscard qui scellait ma première campagne électorale militante. "Au revoir…". Fauteuil vide, le Président part discrètement. Un nouveau septennat commence.
Chirac, ce soir, a prononcé un texte fort, humain et humaniste à la fois. Un vraie déclaration d'amour… Un texte qui affirme quatre grandes convictions :
• "tout dans l'âme de la France dit non aux extrémismes" et "l'honneur de la politique est d'agir pour l'égalité des chances"
• "il faut croire en nous et en la France qui a tant d'atouts"
• l'Europe puissance politique est une obligation car seuls, "nous ne pourrons faire face aux bouleversements du monde"
• "la France n'est pas un pays comme les autres" qui a une voix à porter dans le monde.
Ce grand fauve politique aura réussi, une fois encore, à nous émouvoir. Je retiens sa conclusion : "Cette France, croyez-moi, n'a pas fini d'étonner le monde !" Un cri du cœur qui trace une route…
Jacques Rigaud a la plume féroce. Il écrit de Chirac, dans son livre, "Lion très féroce et très astucieux, renard, grand simulateur et dissimulateur… ces traits du Prince s'appliquent à Jacques Chirac. (…) Quand Jacques Chirac quittera l'Elysée en 2007, une époque s'achèvera. Les historiens s'interrogeront sur la trace qu'il laissera et s'étonneront qu'elle soit si légère. Aucun grand dessein, aucune vision n'auront en effet marqué sa longue présence au centre des affaires publiques. Il n'est même pas certain que l'on retienne de lui un mot, une répartie, un geste emblématique, une image émouvante. Peut-être évoquera-t-on le musée du quai Branly qu'il a voulu, mais auquel il a eu la pudeur de ne pas chercher à attacher son nom. (…) Car en vérité, ce personnage hors normes et, à tant d'égards attachant, n'aura dépensé ses prodiges d'énergie et de volonté qu'au service de sa passion personnelle du pouvoir, et non d'une cause plus grande que lui. Sinon celle sincère, mais vague et un peu creuse, de "la France". C'est en cela qu'il est un disciple de Machiavel, mais au petit pied."
Le trait est rude, mais il correspond malheureusement au sentiment de nombreux interlocuteurs qui croisent ma route.
Il n'en reste pas moins que l'on retiendra de ces 12 ans un geste : le refus de la guerre en Irak. Paradoxalement, celui qui avait à l'origine peu de goût pour la diplomatie a, en l'espèce, marqué l'histoire par une vision du monde, notamment au Proche-Orient et en Asie.
Autres paroles marquantes, celles concernant la protection de l'environnement ("la maison brûle et nous regardons ailleurs") et le dialogue des cultures. Jacques Chirac a, en l'espèce, un point de vue trop rare en politique. Dommage que ses convictions n'aient pas rencontré plus d'écho, notamment par un développement plus politique, plus combatif, de la Francophonie. Cette Francophonie active, pilier de la présence de la France dans plus de 60 pays, sur 5 continents, est l'une des chances que nous devons saisir. Comme l'écrivait Dominique Wolton dans son ouvrage Demain la Francophonie (Editions Flammarion), "seule la Francophonie donnera demain un statut mondial à la France". Mais c'est déjà une autre histoire, celle de notre avenir, dans laquelle Lyon sera, j'en suis intimement persuadé, partie prenante. Nous aurons l'occasion d'en reparler très vite sur ce blog ! Tiens, le 20 mars, c'est le jour de la Francophonie dans le monde. Rendez-vous dans 9 jours sur ce blog pour parler Francophonie…
Comme beaucoup de français et de françaises, j'ai écouté le discours de Jacques Chirac sur sa fin de « règne ». Je trouve qu'il est toujours triste de voir un vieux lion se retirer après avoir été le maître du groupe. Je ne ferai pas de commentaires sur le sujet, les journalistes politiques sont mieux placés que moi pour en tirer une analyse. Non, je n'ai retenu qu'une chose le mot de J.P. Raffarin sur « La France de l'Edit de Nantes » L'ancien premier ministre cherche-t-il à se placer auprès du Béarnais. Il va devenir presque jouissif de surveiller les appels des uns et des autres dans les prochains jours.
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« » Que nul Seigneur ne pense pouvoir jamais choisir un parti qui soit sûr,
qu'il estime plutôt qu'il faut qu'il les prenne tous incertains: car l'ordre des choses humaines est tel que jamais on ne peut fuir un inconvénient sinon que pour encourir un autre. Toutefois la prudence gît à savoir connaître la qualité de ces inconvénients et choisir le moindre pour bon. » Le Prince p145 ed; de Cluny
Tel a été le Machiavilisme de Chirac, et ce doit être à son honneur pour la France. Ma nostalgie aujourd'hui c'est qu'aucun de nos candidats ne mette en valeur « La grandeur de la France »
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Bravo Nicole,
Cette connaissance intime du Prince ne me surprend qu'à moitié…
Quand à la grandeur de la France, ce n'est pas une question de taille du candidat mais d'ambition et d'amour.
Je pense que sur ces deux points, Nicolas n'est pas en reste!
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Si la France se limite à un bureau aux tapis épais, alors « raz moquette » peut incarner la grandeur de la France !
Quand j'entends « grandeur de la France », je pense à Henri IV, Louis XIV, Mandel, de Gaulle, Mitterand,et même à Napoléon, mais sûrement pas à N.Sarkozy.
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Du haut de mes 30 ans, la fin de règne de ce vieux lion c'est avant tout la fin de l 'ère « Mitterand-Chirac », ces deux « monstres » politiques !
Si leurs exceptionnelles carrières politiques respectives, et finalement assez semblables, forcent, d'une certaine manière ,notre respect , ils auraient suscité notre admiration et notre reconnaissance s'ils avaient servi …. la France !
Mr le Président, le respect dù à votre fonction ne souffre,me concernant, d'aucune contestation, mais si vs aimez tant cette France, à la place qu' elle doit tenir en Europe et dans le Monde, si vs croyez en ns , Français, alors partez dignement et ne soutenez …. personne !
Alors, ns pourrons ns relever, en finir avec les extrémistes et peut etre garder un bon souvenir vs concernant….
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