Le cabri saute encore…

Le drapeau bleu étoilé de l'Union européenne a été hissé vendredi matin à 11 heures sur le toit du Quai d'Orsay, le ministère des Affaires étrangères et européennes, où il va désormais flotter en permanence.
De quoi réveiller mes instincts européens et me faire sauter comme un cabri, ou comme un impala (pardonnez-moi cette "private joke", mais quelques lecteurs apprécieront !).

Le Quai d'Orsay est le premier ministère français où la bannière de l'Union restera toujours déployée au côté du drapeau tricolore. Plus qu'un symbole, une révolution ! Que de temps a passé… Je me souviens d'une demande que j'avais faite en 1981 (j'avais 17 ans). Je dirigeais à l'époque les Jeunes Giscardiens du Rhône. La requête était simple : hisser le drapeau européen sur la façade de l'Hôtel de Ville de Lyon, au côté du drapeau français. Sacrilège ! J'avais eu droit à une réponse du style "on ne hissera pas un drapeau étranger sur un édifice public…" Etranger. Et pourtant, la ville était tenue par l'UDF, donc à l'opposé d'un Chirac nostalgique de Cochin ! Du coup, par réaction et avec la complicité de quelques élus dont un certain Robert B. (il se reconnaîtra), j'avais nuitamment hissé le drapeau européen sur les tours de la piscine du Rhône. Ce qui m'avait valu la Une de Lyon Figaro. Souvenirs…

Le temps a bien passé et l'idéal aussi. Car il faut bien le dire, l'Europe actuelle, technocrate, est bien loin de mes rêves fédéralistes. L'Europe s'est progressivement éloignée de sa base, passant du statut d'ambition à la dure réalité des négociations, des élargissements sans idée de nation et des pâlottes concessions…
Giscard a bien tenté de faire repartir la machine, mais elle s'est grippée le 29 mai 2005. Tiens, à propos d'Europe, allez donc faire un tour sur son blog (http://vge-europe.eu ). De très haute tenue. Et on n'y parle que d'Europe…

Et puis Sarko est arrivé… Grâce au travail préparatoire effectué avec nos partenaires allemands, il a redonné dans l'hexagone une visibilité à l'Europe. On pourrait dire beaucoup de choses de ce "mini-traité", à commencer par sa complexité puisqu'au lieu de remplacer les traités existants, il les empile. Mais bon… Sarko maîtrise parfaitement bien une donnée : il faut faire de la communication, donc de la pédagogie et de la répétition. Et en l'espèce, il réussit parfaitement bien. Face à l'abandon de deux symboles forts dans le "mini-traité" (le drapeau et l'hymne, éléments fondateurs d'un territoire, d'une reconnaissance), il oppose le drapeau européen sur sa photo officielle, puis sur le Quai d'Orsay et un défilé du 14 juillet inédit avec la présence de contingents des 27 Etats membres de l'Union. "Je voulais que la France soit de retour en Europe et que l'Europe soit présente en France", a-t-il souligné. Provoquant le satisfecit du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso : "C'est un symbole mais plus qu'un symbole, il y a un sens politique très fort, l'Europe unie, l'Europe de la défense, l'Europe politique".

Le drapeau européen reste d'ailleurs pour une large majorité des Français un symbole fort, selon une étude Eurobaromètre rendue publique jeudi dernier par le bureau de la Commission européenne à Paris.
Pour 84% des Français, il s'agit d'un bon symbole pour l'Europe (+6 points en un an) et pour 77% d'entre eux, ce drapeau "représente quelque chose de bien" (+7). 65% des Français pensent d'ailleurs qu'il devrait se trouver sur tous les bâtiments publics, au côté du drapeau national (+4).
L'étude montre également une nette progression du sentiment européen en France, avec 51% des Français déclarant faire confiance à l'Europe, contre 40% il y a un an et 39% en 2005, au lendemain du rejet par référendum du projet de Constitution européenne.
"Cela montre qu'au-delà des symboles écrits, les symboles de l'Europe restent bien vivants en pratique, bien sûr, mais aussi dans l'imaginaire des Français et des Européens", a déclaré le Président Sarkozy.

Autres temps forts du 14 juillet de l'An 1, Benoît, 13 ans, qui a lu la Déclaration du 9 mai 1950 prononcée par Robert Schuman et considérée comme l'acte de naissance de l'actuelle Union européenne. "L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes, créant d’abord une solidarité de fait." Puis l'Hymne à la joie, notre hymne européen, a été entonné par le chœur de l'armée française et la chorale des petits chanteurs à la croix de bois…

Après les symboles, place à la dure réalité. Journal de France 2, ce lundi soir. Un reportage présente ces européens (des Bulgares en l'occurrence), immigrés légaux et travailleurs clandestins, faute d'autorisation. Une main d'œuvre exploitée par des entreprises qui n'hésitent pas à créer, aux portes de nos villes, un lumpen prolétariat pour qui espoir rime avec bidonville. "Ici, j'ai en une semaine ce que je gagnerai en un mois chez moi", se satisfait l'un d'entre eux. De quoi faire oublier les symboles, la com, le drapeau, l'hymne. Ou quand l'Europe perd ses racines… Robert Schuman rêvait d'une Europe "où le niveau de vie s’élèvera grâce au groupement des productions et à l’extension des marchés qui provoqueront l’abaissement des prix." On en est loin vu des nouveaux entrants…

Rien à voir, mais je vous livre l'info…
J'apprends enfin à l'instant une heureuse nouvelle : Gérard et Caroline Collomb attendraient un enfant. La naissance serait prévue deux mois avant les municipales de mars 2008. Si je fais le compte à rebours, ce nouveau lyonnais aurait été conçu (peut être) le soir des résultats du second tour des présidentielles. Une victoire de Nicolas qui a su donner du tonus à not'bon maire ! Félicitations… A propos, pour le prénom, je suggère Nicolas pour un garçon et Ségolène si c'est une fille.

Les Commentaires ( 7 )

  1. de Roman Bernard
    posté le 17 juil 2007

    Bonjour Erick,

    Je débute mon commentaire par un cliché : le monde est petit, et Lyon à plus forte raison. Figurez-vous que mon frère Matthieu (Bernard), qui faisait partie des jeunes barristes en 1995, vous connaît! J'ai trouvé cela amusant.

    A présent, pour parler d'Europe, je suis surpris d'apprendre en lisant ces lignes que vous êtes un fervent fédéraliste. Votre patriotisme et votre attachement à la Francophonie m'avaient laissé penser l'inverse. Notez que je n'essaie pas de pointer une contradiction, puisqu'il n'y en a pas : on peut très bien être patriote et européen. C'est mon cas, mais si l'on pouvait se contenter d'une confédération sur le modèle de la Suisse, cela m'irait très bien. Si on se dirigeait vers un modèle « à l'allemande », où les Etats-nations auraient le statut des Länder en Allemagne, j'aurais peur que l'Europe y perde son âme…qu'en pensez-vous?

    Roman Bernard, Criticus
    http://criticusleblog.blogspot.com/

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  2. de Erick Roux de Bézieux
    posté le 17 juil 2007

    Bonjour Roman, alias criticus

    Mon Dieu, 1995, Barre. I'm burned ! Eh oui, UDF j'étais, UDF canal historique j'assume…
    Et bien entendu, je suis naturellement fédéraliste, comme beaucoup d'UDF, quoique plus réaliste (ou moins idéaliste) aujourd'hui !
    Ce qui n'est pas antinomique avec le désir de francophonie, le fédéralisme n'étant pas la négation des identités.
    Donc effectivement, un modèle à la Suisse, confédéral, serait tout à fait approprié. Mais c'est encore (et pour longtemps) du domaine du rêve. Mais si la politique ne porte plus de rêves, elle va devenir bien triste…

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  3. de John Silva
    posté le 18 juil 2007

    J'ai moi aussi vu ce reportage, hallucinant la scéne digne d'Hollywood où les patrons passent prendre leur quota de petites mains le matin en camionette, je ne croyais que cela n'existait qu'avec les méxicains dans la sun belt. Je reléve aussi un autre point en complément de l'harmonisation des régimes sociaux des travailleurs au sein de l'UE.

    Je remarque que le Bulgare du reportage parle aussi (je résume) « trop compliqué et trop long pour avoir des papiers » : nous sommes donc incapable de donner un toit et des papiers à des immigrés qui veulent travailler dans des secteurs de l'économie française qui manque cruellement de main d'oeuvre. D'autant plus que ces professions sont officiellement « ouverte » à l'immigration économique.

    Faillite du système par les 2 bouts : des travailleurs sans aucune protection, des entreprises qui se livrent à de la concurence déloyale et qui asséchent les régimes sociaux. Je résume car les conséquences néfastes sont encore plus nombreuses.

    Je pense réellement que notre modèle social pourra survivre en autre grâce à la responsabilisation des bénéficiaires (particpation, sanction, etc.) et à des contrôles renforcés, systèmatiques et dissuasifs.

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  4. de John Silva
    posté le 18 juil 2007

    Vous comprenez bien que je ne fais pas que poster dans ce blog pendant la journée ;-)

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  5. de Roman "aka" Criticus
    posté le 18 juil 2007

    Bonjour,

    Puisque vous êtes un fervent européen, je vous invite à lire un billet que j'ai écrit sur le plus européen des héros de bande dessinée : Tintin.

    http://criticusleblog.blogspot.com/2007/07/non-tintin-nest-pas-raciste.html

    Roman Bernard, Criticus
    http://criticusleblog.blogspot.com/

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  6. de mediamemoire
    posté le 20 juil 2007

    Amusante votre anecdocte sur le drapeau européen que vous aviez hissé en compagnie de votre ami Robert B. sur la piscine du Rhône. J'avour toutefois que je m'étonne un peu. Vous évoquez dans ce même article la date de 2001. J'imagine que l'affaire de la piscine est bien postérieure. Sinon, je ne vois pas comment vous avez pu faire la une du regretté Lyon Figaro dont le premier numéro est paru début septembre 1986.
    FP

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  7. de Erick Roux de Bézieux
    posté le 20 juil 2007

    Bonjour cher lecteur,

    merci de ce rappel historique. Profitons-en pour saluer la mémoire du premier patron de Lyon Fig, Alain
    Buhler…
    Si vous relisez bien mon papier, j'avance la date de 1981. J'ai du hisser le drapeau dans ces eaux… Quelqu'un aurait-il la Une en archive ?

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