A Dieu, monsieur le Maire !

La mort de Raymond Barre a été l'occasion de rappeler dans les médias le rôle de celui qui fut, sous les quolibets et la grogne, "l'un des meilleurs serviteurs de la France. Un homme d'Etat qui ne poursuivait aucun objectif personnel" comme l'a fort bien souligné VGE.
Bien loin des hommages convenus, mon papier parlera de ses yeux qui parfois pétillaient d'humour…

Car Raymond Barre était loin d'être, dans la vie de tous les jours, le père la rigueur décrit par les journalistes. Il aimait rire et la moquerie bien sentie, façon chansonnier, le mettait en joie. Même quand il s'agissait de lui !
Je me souviens de la campagne des municipales. La première réunion à laquelle j'ai assisté, place Bellecour, respirait l'ennui. Il fallait réveiller tout ça, donner du peps, attirer les jeunes. Pas facile ! Je lui ai soumis quelques propositions qu'il a immédiatement validé.
A cette époque, les Guignols le caricaturaient en météorite s'écrasant sur Lyon. Un petit film vraiment ironique qu'il accepta de mettre en boucle à l'accueil de la permanence. Histoire de ne pas donner prise à la moquerie.
Dans la foulée, nous avions fait imprimer des tee-shirt détournant des slogans publicitaires : "Un coup de Barre, et ça repart", "Barre à Lyon, pour rugir de plaisir" et "Avec Barre, on va faire un tabac", ce qui, par la magie de la mise en pages, faisait ressortir barre-tabac. Il fallait voir la tête des élites, persuadées que nous étions, avec mon équipe de jeunes, en train de torpiller sciemment la campagne ! Résultat des courses, les tee-shirt furent le seul poste bénéficiaire de la campagne. Il s'en est vendu des wagons. Et de nombreux lyonnais ont compris que Barre était différent de son image publique.
Il suffit d'ailleurs de se souvenir de la campagne des présidentielles, de ses traits d'humour (souvent vache) ou des portes clés Barzi, à l'effigie de sa marionnette du Bébête Show, largement offerts dans les permanences.
 
En fait, je pense qu'il aimait l'humour parce qu'il était pleinement conscient de la vanité du monde et du recul qu'il fallait prendre en toute chose. Ce fut d'ailleurs l'une de ses caractéristiques. Indépendant, pour mieux analyser, regarder les choses et les événements d'un œil différent.
Une dernière anecdote. C'était en 1998. J'étais candidat aux cantonales dans le 6è arrondissement. J'avais organisé à sa demande une réunion d'amis au Martini, avenue Foch, à deux pas de ma petite permanence. Orchestre de jazz, plus d'une centaine d'amis. Lui d'habitude si ponctuel est en retard. 15 mn, 30 mn… Je suis inquiet. Les journalistes se demandent s'il viendra. Puis il arrive à pied, avec 45 mn de retard. "J'avais envie de me promener dans Lyon…" Du recul en toute chose !

Les Commentaires ( 4 )

  1. de romain
    posté le 26 août 2007

    je crois aussi au départ qu'il n'aimait pas lyon (et sa femme encore plus) mais qu'il a fini par vraiment s'attacher à notre ville.

    romainblachier.typepad.fr

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  2. de pat69200
    posté le 26 août 2007

    Bien vu Erick, heureusement que ta mémoire est meilleure que la mienne (en ce qui concerne seulement le nom du Bar (re !) pour l'anecdote de 98) ! Comment, surtout pour moi, confondre le Martini et l'Helvetie …
    Car pour le reste, Mr Barre restera pour longtemps, l'homme public que j'aurai le plus …immortalisé.
    Resterons donc, les souvenirs – ces poignées de mains toujours chaleureuses pour les journalistes, les services d'ordre … -, les anecdotes en tout genre qu'il conviendra de ne point oublier et si possible de transmettre d'une manière ou d'une autre, et enfin, ces milliers d'images, négatifs 6 x 6 noir et blanc ou couleur, qu'il conviendra d'archiver ou de numériser, pour dire plus tard , bien plus tard,  » j'ai connu quand j'étais jeune, un maire de Lyon qui avait l'envergure d'un homme d'état … » !
    ou bien , si j'emmène un jour mes petits enfants au concert, dans le grand amphiteatre de la cité internationale qui portera peut etre son nom, je pourrai leur dire :  » ce Monsieur Barre, il y a longtemps, je l'ai beaucoup croisé , salué , photographié ! Et si le temps n'a pas eu raison de la conservation des pellicules, on cherchera ces négatifs, témoins de moments privilégiés !
    Mais qui parmi les enfants , voudra croire que la photo du siècle dernier , se faisait grace a des petits bouts de « plastique transparent  » !!?

    Allez , point de nostalgie …
    le numérique balaie tout et ce n'est peut être pas si mal ! Ca permet en live
    d'écrire ces quelques mots en forme d'hommage, si ce n'est pas trop prétencieux …

    Adieu Mr le Premier !

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  3. de Patrick Genet
    posté le 27 août 2007

    L'humour et l'auto-dérision (deux qualités que l'on ne retrouve pas souvent chez une seule et même personne…), estampilles de la sagesse… Quelle belle et réconfortante équation. Ce n'est pas par hasard que le sourire et, ô folie des hommes !, l'hilarité ont toujours été, d'une manière ou d'une autre, combattus par les fanatismes et totalitarismes de toutes natures. Car on ne peut rire sans prendre du recul. Une distanciation qui peut mener à la réflexion et, donc, à la critique d'une idée, d'un homme, d'un parti, d'une religion…
    Rire libère l'esprit. Or, la libre pensée constitue la respiration de nos démocraties. Raymond Barre était de ces hommes sur lesquels les tabous n'avaient que peu de prise. Quitte à faire parfois preuve de maladresse… Mais qu'importe, puisque l'esprit libre ne doit être ni un guide ni un meneur. Il est une attitude, faite d'indépendance, de fierté, d'insolence, parfois d'éloquence, qui montre l'exemple, sinon le chemin. Penser par soi-même tout en tendant l'oreille au monde qui nous entoure, voilà une philosophie de vie digne d'éloges mais pleine de pièges et d'épreuves. Car il peut être parfois tentant de suivre la meute… ou le troupeau.
    Raymond Barre était l'un de ces phares qui, lorsque le ciel s'assombrissait et que menaçaient les ténèbres, continuait de briller. Un repère, parmi d'autres, dont il convient de saluer la mémoire. Le libre penseur, que l'on peut se plaire à considérer comme une figure à part entière du patrimoine français, agit à la fois en éclaireur d'idées et en sentinelle. Son absence nous alerte en effet sur l'imminence des dangers qui nous guettent. Espérons que la flamme entretenue par les esprits libres ne s'éteigne pas de sitôt, tant elle illumine et réchauffe nos libertés.

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  4. de maxime
    posté le 28 août 2007

    Raymond Barre fut un grand maire pour Lyon. Outre sa carrure d'homme d'etat , Raymond Barre a donner ses lettres d'or à la ville ; reconnaissance internationale , classement à l'unesco , projets d'envergures…
    L'héritage de Barre est grand.

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