Nous n’avons pas les mêmes valeurs…

Cette phrase me rappelle la pub d’une célèbre marque de rillettes. À ceci près que dans le rôle du pot de rillettes, c’est François Bayrou, UDF-Modem, qui s’y colle. Et dans le rôle des méchants, ceux qui n’ont pas (ou plus) les mêmes valeurs : les millonistes.
Et si, en définitive, nous partagions un socle commun de valeurs ?

Après mon billet d’avant-hier « Doumé fait l’ours » où Dominique Perben faisait part de ses valeurs, totalement raccord avec les miennes. Au tour de François Bayrou. C’est dans le Progrès de ce matin.
Question : « Peut-on envisager que les Démocrates travaillent avec des Millonistes ? »
Réponse de François Bayrou : « Difficilement. La politique n’est pas principalement une question d’idées mais de valeurs. Des idées et des investissements pour la ville, on peut en discuter, pas des valeurs. » Fermez le ban.
Vous vous imaginez bien que le sang de l’ex-UDF que je suis n’a fait qu’un tour…
Je me rends donc in petto sur le site du Modem .
Amusant, car il se nomme « bayrou.fr ». Pour des gens qui se disent adversaires de la starification de la vie politique, ça se pose là… Mais bon, ce n’est pas le sujet de mon papier du jour.
Pas de valeurs à l’horizon, ni à la rubrique accueil, composée quasi exclusivement de vidéos de Bayrou (lui, sa vie, son œuvre, ses interview…), ni à la rubrique portrait (celui de… Bayrou !), ni à la rubrique propositions, sobrement intitulées « les propositions de… François Bayrou ». Starification ?

Je tape donc dans le moteur de recherche « valeurs » et je tombe rapidement sur un texte, tiré de la revue de presse, qui colle à 100% avec ma demande. Il s’agit d’une interview de… François Bayrou à Nicolas Demorand, dans le Sept-Dix de France Inter, le 2 octobre dernier. Donc du tout frais.
Question : « Comment les décrire ces valeurs, puisque vous mettez l’ensemble sous un même chapeau ? »
Réponse : « Je vais vous dire simplement : les valeurs sont humanistes. Et humanistes, cela veut dire qu’on est capable de mettre les choses à leur place, de mettre au sommet ce qui touche au respect de la personne humaine et à l’épanouissement de la personne humaine – l’éducation, par exemple, qui doit être la clef de tout -, et puis de faire passer au deuxième plan ce qui appartient à l’ordre de l’argent, la puissance financière… »
Question : « Et ça, ce sont les valeurs que vous voyez à l’œuvre dans cette séquence politique que vous venez de décrire ? »
Réponse : « Non, ce sont les valeurs que je défendrai…
Oui, les valeurs d’humanisme, d’accord…
Valeurs humanistes et valeurs de… – comment dirais-je ? – de remise en ordre, remise à l’endroit de ce que sont les priorités de la vie, je les défendrai ; valeurs de solidarité, je les défendrai. »

Bon, jusque-là, pas de contradiction, pas de quoi affirmer que nous n’avons pas les mêmes valeurs.

Je sors de ma bibliothèque la « bible », « Démocratie Française » de Valéry Giscard d’Estaing, fondateur de l’UDF. En introduction de la seconde partie, « La société à partir de l’homme », VGE écrit « Un projet de société se définit par la place qu’il attribue à l’homme et par la relation qu’il établit entre l’individu et la collectivité. » Et il détaille ses propositions et ses idées au travers des thématiques de la justice, de la responsabilité, de la liberté, de la participation, du pluralisme…

Je retourne dans ma bibliothèque pour m’emparer d’un bouquin de Charles Millon, paru aux Editions Odile Jacob, en 1998, « La paix civile ».
En page 78, il écrit : « J’ai donc découvert le personnalisme dans ces années d’étudiant (…) Qu’est ce que le personnalisme ? Une pensée qui privilégie la personne par rapport à l’individu. Il s’agit là de distinguer deux visions différentes de la société, du vivre ensemble. C’est à la personne que s’attache la dignité, valeur intrinsèque : la personne n’a pas de « prix », elle « vaut » par elle-même. (…) Le personnalisme n’est pas une doctrine politique, mais philosophique, et en tant que tel, il peut inspirer des pensées et des actions politique. (…)
Pour les individualistes, l’être humain trouve son bonheur dans la liberté totale. (…) Pour les personnalistes, l’être humain trouve son bonheur dans une liberté qui se définit par le choix personnel de ses responsabilités. Il n’est jamais indépendant, car il dépend de ses communautés d’appartenance. Mais il est autonome : il agit sur son propre destin et sur celui de la société. (…) Ainsi, les deux principaux caractères d’une société personnaliste sont l’autonomie et la responsabilité. (…) Aujourd’hui, notre système traite les Français comme des individus : il les administre, les fonctionnarise, les soigne, les assiste, les déresponsabilise juridiquement devant leur vie personnelle.
Être personnaliste, c’est vouloir une société où les citoyens assument l’avenir de leurs enfants, courent des risques, souscrivent à leurs assurances, prévoient leur vieillesse, prennent en charge une partie de la solidarité sociale. Le rôle des instances publiques est de garantir les conditions de cette autonomie, d’aider les personnes à assumer leurs responsabilités, enfin, seulement dans les cas difficiles, lorsque les groupes de solidarité sont insuffisants, de les assister. »

Je sais, c’était un peu long, mais la démonstration valait, à mon sens, la peine.

Je ne vois pas de divergences fondamentales de valeurs entre Bayrou, Giscard et Millon sur la base de leurs écrits. Remarquez, c’est normal, Bayrou et Millon ont tous deux été élevés au biberon du giscardisme et de l’UDF. Et ils se connaissent très bien…
Alors, ces valeurs, qui sont si éloignées qu’elles empêcheraient de travailler ensemble ? Et quid des valeurs communes avec la gauche lyonnaise qui doivent être si proches qu’elles permettent au Modem de siéger dans le même exécutif que socialistes, communistes et verts au Grand Lyon ?
Je crois que François Bayrou, tout à son envie d’exister, cherche d’abord à unir le Modem lyonnais sur la détestation de l’autre. Au lieu de le construire sur la paix civile, l’un des fondamentaux de l’UDF.

Il n’y a d’ailleurs qu’à voir les diatribes anti-Sarkozy du sémillant Azouz Bégag. Au grand effroi d’un Michel Mercier qui lorgne sur un hypothétique futur maroquin. Dans le même numéro du Progrès, il dit « Le Président de la République a été élu, il a imposé un nouveau style de gouvernement et on ne va pas attendre sur le bord de la route que ça aille mal. » On sent que le pouce est déjà levé et qu’il attend la voiture présidentielle.
Bayrou qui, patiemment, et de façon très calculée alors que rien ne s’y prêtait, a progressivement annexé l’UDF*, cherche aujourd’hui à concilier UDF « canal historiques », plutôt à droite, et nouveaux militants du Modem, plutôt proches de la gauche lyonnaise. Et comment fédérer, si ce n’est en se trouvant un ennemi commun.
Je le laisse méditer ces phrases de Charles Millon, dans La paix civile
, « Dans une véritable démocratie, il n’y a pas d’ennemis, il n’y a que des adversaires. (…) Nous attisons avec volupté nos passions partisanes. Quand tout ennemi a disparu, nous rappelons le dernier en date, nous le réinventons à coups d’invective. »

* Je vous conseille se lire, pour la petite histoire qui se confond avec celle de Bayrou, « Le centre des trahisons », de Michel Bassi et Georges de La Royère, aux éditions Les quatre chemins. Voilà un Bayrou qui descend bien vite de son piedestal…

Les Commentaires ( 8 )

  1. de Paul6
    posté le 14 oct 2007

    il faudra bien qu'ils choisissent au soir du premier tour… Et là, paragés entre les anti-sarkozy, les anti-perben, les pros-collomb, les pro-autonomie, les pros-rien du tout, je leur souhaite bien du courage !

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  2. de Xavier MARTI
    posté le 15 oct 2007

    C'est justement parce que nous avons des valeurs et que nous les defendons que l'on nous « deteste tant »

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  3. de justin
    posté le 16 oct 2007

    Mais au fait,si Dominique et charles ne trouvent pas d'accords,que va t'il se passer dans le 2em et 6em arrdt ????

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  4. de Erick Roux de Bézieux
    posté le 16 oct 2007

    Bonjour Justin,

    résultat des courses (ou plutôt des négos) dans quelques jours… Wait & see.

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  5. de Stéphane
    posté le 16 oct 2007

    Si demain il devait y avoir des alliances au MODEM ces dernières se mettraient en place au cas par cas, ville par ville en fonction de la qualité des projets locaux défendu par les candidats. Je crois que cette perspective est de plus en plus lisible par les électeurs et défendu par F Bayrou (qui vient d'ailleurs à lyon pour les primaires modem)

    D'ailleurs les électeurs pourront choisir de donner l'autonomie au MODEM pour aller plus loin que le 1er tours…

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  6. de philippe
    posté le 18 oct 2007

    pour information, voici le site du modem, bonne lecture: http://mouvementdemocrate.fr

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  7. de philippe
    posté le 18 oct 2007

    http://WWW.mouvementdemocrate.fr/, c'est mieux ainsi.
    EXERCICE PRATIQUE Bayrou s'oopose aux tests ADN au nom d'une vision de l'homme et de la famille, et vous?

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  8. de Xavier MARTI
    posté le 18 oct 2007

    Cher Philippe,

    Une bonne occasion de parler des valeurs, effectivemment.

    Le militant-sympathisant milloniste que je suis est bien entendu CONTRE ces tests ADN.
    La filiation ne pouvant pas se limiter à l'aspect biologique !

    Quant à Charles MILLON, bien que ne pouvant parler à sa place, son amour pour l' Afrique est incontestable et ancien, père de 6 enfants, Erik peut ns le confirmer, dont certains sont adoptés ……..

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