Michel Havard rompt le silence

Mis à part un commentaire sur Lyon Capitale, on n’a pas entendu le jeune leader de l’opposition lyonnaise, Michel Havard, depuis la défaite de la droite face à Gérard Collomb. Il a choisi les colonnes de mon blog pour rompre son silence médiatique…

Une interview réalisée sans trucage, et avec une bonne dose de franchise… Cette nouvelle rubrique de mon blog reviendra régulièrement, une fois tous les deux mois. Les questions seront partagées avec des journalistes lyonnais.

Frédéric Poignard du Figaro, Pierre Gandonnière de Lyon Capitale, Robert Marmoz du Nouvel Observateur, Gérard Angel des Potins d’Angèle et Marco de Lyon People se sont prêtés au jeu..

Tu es membre de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire et tu fais partie des 249 députés qui ont voté en première lecture la loi sur les OGM. Une loi qui fait débat, qualifiée par les écologistes, relayés par quelques élus de droite, de loi « pro-Monsanto ». Est-ce un vote de conviction ou un vote d’appareil ? As-tu soutenu NKM, la jeune secrétaire d’Etat à l’environnement lors de la fronde parlementaire ? Et que vas-tu faire en mai, lors de sa présentation en deuxième lecture ?

Michel Havard : Très clairement, c’est à la fois un vote de conviction et un vote d’adhésion à une majorité.
Il faut se dire les choses telles qu’elles sont. Il y aura un avant et un après cette loi. Avec ce texte, nous améliorons considérablement la situation, notamment en termes de transparence et de traçabilité des cultures OGM. Quant à la critique facile de « loi Monsanto », un seul point vient la mettre à bas : le gel du Monsanto 810 sur le territoire national !

Sur l’affaire NKM, pour Nathalie Kosciusko-Morizet, ce fameux « bal des hypocrites » comme l’a décrit la presse, elle est révélatrice. Les parlementaires n’ont pas été assez associés au Grenelle de l’Environnement. Or nous ne souhaitons pas être des élus godillots. Ca a donc été l’occasion, pour certains, d’affirmer que l’on ne doit pas oublier le Parlement.

Pour ce qui est de la seconde lecture, on verra. Quelques points méritent encore d’être débattus, certaines dispositions peuvent être retravaillées. On verra en fonction des évolutions du texte et des discussions.

Un député UMP, Georges Tron, estime que « l’Assemblée est transformée en chambre d’enregistrement. » On voit de fait que, malgré les promesses de Nicolas Sarkozy, le Parlement n’est toujours pas devenu une véritable instance de débat, un contre-pouvoir. Tes impressions de député sarkozyste de base ?

(Sourire) Georges Tron dit que l’Assemblée s’est transformée… Je suis désolé de le rectifier, mais l’Assemblée a toujours été, et quelle que soit la couleur du gouvernement, une chambre d’enregistrement. Certains ministres jouent le jeu de nous associer très en amont, mais globalement, c’est la pratique qu’il faut changer. Trop de textes ont des origines gouvernementales. L’un des grands enjeux du renforcement du pouvoir du Parlement consiste à donner aux parlementaires une plus grande latitude pour proposer et porter des textes jusqu’au vote.

Attention, le rôle d’un parlementaire consiste aussi à contrôler l’action gouvernementale et à veiller à la bonne exécution des textes… Et là encore, on peut aller beaucoup plus loin dans la réforme…

Question de Gérard Angel, des Potins d’Angèle : « Vous êtes un déçu de Jacques Chirac à qui vous reprochiez son manque de réforme. Vous avez soutenu Nicolas Sarkozy pour son vent réformateur. Etes-vous, aujourd’hui, un déçu du sarkozysme ? »

Alors pas du tout ! De nombreux textes importants ont déjà été votés et on semble oublier que Nicolas Sarkozy n’est à la tête de l’Etat que depuis moins d’un an… Et il faudrait que tout soit fait et que les résultats soient déjà là ! Tout n’est pas parfait, j’en conviens. Mais je donne rendez-vous aux sceptiques comme aux soutiens dans deux ans, en 2010. Et là, après trois années de pouvoir, nous pourrons juger.

Tu es membre du groupe d’études sur le Tibet à l’Assemblée. Alors, cette cérémonie d’ouverture des JO : boycott ou pas ?

Il faut participer aux Jeux Olympiques, mais ne pas aller à la cérémonie d’ouverture.

Une question de Frédéric Poignard, du Figaro : « Vos fonctions de secrétaire départemental de l’UMP vous ont-elles servi ou desservi pendant la campagne électorale ? »

Difficile de le savoir. Honnêtement, je ne sais pas. La fonction de secrétaire départemental est très prenante, car il faut couvrir toutes les communes du département. C’est pourquoi j’ai souhaité céder ma place pour recentrer mon action sur Lyon et mon mandat de député.

Depuis le 9 mars, et ce qu’il est convenu d’appeler la déculottée de la droite à Lyon, tu as été très discret. Le début d’une douce torpeur ou le silence qui précède la bataille ?

(Rires) Le silence qui sied à la préparation de la bataille, même si le mot est un peu fort !
Le second tour des municipales a eu lieu il y a tout juste quatre semaines… Il reste donc 5 ans et 11 mois avant la prochaine municipale. Ca vaut le coup de « perdre » quelques semaines pour laisser décanter, réfléchir et se réorganiser…

Tu n’es donc plus secrétaire départemental de l’UMP du Rhône. En revanche, dans la nouvelle organisation, tu t’es réservé le leadership sur Lyon. Quel est ton plan, ta stratégie ?

Je ne me suis rien réservé, je suis désormais secrétaire fédéral adjoint, en charge de Lyon, ce qui est cohérent avec ma présidence du groupe d’opposition au conseil municipal de Lyon. Ce sont deux casquettes sur une même tête, ce qui ne préjuge en rien d’une organisation qui sera collégiale et qui fera appel aux meilleurs…

L’UMP va forcément souffrir dans les prochains mois. Après l’envolée du nombre d’adhérents avant et pendant la présidentielle, les premières difficultés du pouvoir, les réformes forcément impopulaires et la défaite à Lyon vont avoir des répercutions importantes sur les adhésions.

Quel plan d’action allez-vous mettre en œuvre pour rester l’une des premières fédérations de France ?

Les périodes électorales sont toujours plus riches en adhésion. Et depuis un an, nous avons été servis ! L’UMP du Rhône est d’ailleurs la 6è fédération de France. En revanche, après l’afflux, il y a toujours, l’année suivant les élections, un reflux. Nous sommes en train de préparer une vague de réadhésion, avec des réunions dans différentes circonscriptions du département. Par ailleurs, en novembre, nous aurons nos élections internes qui ont été avancées. C’est aussi un facteur d’émulation. Enfin, nous aurons, d’ici l’été, la visite d’un orateur national afin de remobiliser nos militants.

L’UMP a soigneusement évité l’organisation en courants et le débat interne, se rapprochant plus d’un fonctionnement à la RPR disent les mauvaises langues… C’est particulièrement vrai dans le Rhône. L’UMP va-t-elle s’ouvrir dans les mois qui viennent ?

Je n’ai jamais fonctionné sur le modèle RPR. D’ailleurs, mon secrétaire fédéral adjoint, Paul Vidal, vient de l’UDF ! Cette image, que j’entends, ne correspond pas à la réalité. Il y a d’ailleurs dans l’UMP de nombreuses personnes qui viennent de l’UDF ou du centre…

Et puis un parti n’est que la somme de ceux qui l’ont rejoint. Notre porte est donc largement ouverte à tous ceux qui sont de sensibilité UDF. Ils verront que la maison leur rappellera bien des souvenirs…

Nicole Chevassus, l’ancienne maire milloniste du 6è arrondissement, vient d’écrire aux électeurs de son arrondissement. Dans sa lettre, elle dénonce l’erreur de casting de Dominique Perben dans le choix de sa tête de liste sur le 6è, Laurence Balas, je cite « lâchée sans parachute, ni aucune formation. »
Au Grand Lyon, la droite UMP et apparentée donne un bien drôle de spectacle entre les opposants à Gérard Collomb, ceux qui souhaitent soutenir l’exécutif de gauche et quatre millonistes qui ont créé leur propre groupe.
Après la gueule de bois post électorale, on a l’impression d’une cacophonie plus proche du coup de gueule que de l’affirmation de convictions…

J’ai lu ce courrier de Nicole Chevassus qui était destiné à son fichier personnel. On peut tout se dire en interne, mais le déballage sur la place publique est inutile et ne prépare pas l’avenir. D’autant que, dans le 6è, notre liste a gagné.

Quant au Grand Lyon, nous sommes arrivés à une position consensuelle au sein d’un groupe qui rassemblera tous ceux de l’UMP, le parti radical et les divers droites, soit presque 30 personnes. Nous pourrons ainsi apporter notre contribution à un projet de territoires et jouer notre rôle d’opposants.

Question de Robert Marmoz, du Nouvel Observateur : « Vous êtes l’un des plus fidèles soutiens de Nicolas Sarkozy, chantre de l’ouverture. Vous avez été le fidèle lieutenant de Dominique Perben qui avait annoncé qu’il ouvrirait l’exécutif du Grand Lyon à la gauche en cas de victoire. Et vous avez refusé catégoriquement l’ouverture proposée par Gérard Collomb au Grand Lyon vendredi dernier. Pourquoi ? »

Je n’ai pas refusé l’ouverture. J’ai simplement dit que cette ouverture ne peut être conditionnée au musellement des élus du groupe de droite. Je tiens à cette liberté de parole et de vote, notamment sur le budget et sur les grands dossiers. Que les vice-présidents soient solidaires de l’exécutif, c’est normal, mais leur présence ne peut engager tout un groupe et entraîner la perte du droit à la parole.

Si Gérard Collomb accepte d’évoluer sur ce plan, alors je ne suis pas contre le principe d’une ouverture…

Après un mandat de maire adjoint du 5è arrondissement, tu choisis de ne pas être candidat aux municipales de 2001 et tu retourne dans le monde de l’entreprise. En 2004, tu gagne les cantonales, « ras le short » selon ton expression, puis les législatives en 2007. Faut-il parfois partir pour mieux revenir ?

J’ai 41 ans et je crois que notre génération doit apprendre à faire de la politique autrement. Les allers-retours entre la vie politique et la vie professionnelle sont sains, et notre parcours politique sera bien plus tumultueux que celui de ceux qui nous ont précédé. J’en suis convaincu. La politique est, et doit rester, un « emploi » précaire, temporaire !

Je cite : « Menton carré, sourire en acier trempé, Michel Havard, 41 ans aurait pu être capitaine de l’équipe de foot dans un film américain. » Libération n’y va pas de main morte en vous décrivant. A croire que tu as tapé dans l’œil de la journaliste… Quelle est ta situation personnelle ? Arrives-tu à concilier vie politique et vie personnelle ?

(rires) Je suis marié et nous avons deux enfants de 13 et 11 ans, Victoria et Matthieu. C’est complexe de concilier vie publique et vie familiale, d’autant que la politique s’exerce bien souvent aussi le soir et les week-ends. Ma solution consiste à intégrer ma famille dans mon agenda. La formule n’est pas très heureuse, mais elle décrit bien le système : je bloque des « rendez-vous » avec ma famille ce qui me permet d’être présent quand il le faut. J’ai également une chance, ma permanence du 5è arrondissement est à deux pas de mon domicile, donc je peux m’échapper et me ressourcer en famille quelques minutes assez facilement.

Quel est l’emploi du temps de Michel Havard, député, conseiller municipal de Lyon et conseiller du Grand Lyon ?

Classique pour un parlementaire : mardi et mercredi à Paris, le reste du temps à Lyon.

Question de Pierre Gandonnière, de Lyon Capitale : « Pourquoi aimez-vous le Heavy Metal ? Quel est votre groupe préféré ? »

(rires). Il faut tout dire ? C’est vrai qu’ado, j’étais très heavy métal (ACDC ou Scorpion). Je suis devenu plutôt éclectique en matière de musique. Sur mon ipod, il y a des morceaux de musique électronique, Massive Attack ou Portishead, et des standards comme Cabrel, Sardou ou des musiques de film.

Tu branches ton ipod sur les bancs de l’assemblée ?

Non, même si je suis installé au fond de l’hémicycle, c’est interdit ! En revanche, dans le TGV ou le métro parisien…

Ton site est en cours de construction depuis quelques semaines. Rénovation ou cure de silence ?

En rénovation. C’est un vrai travail de construire un site, de l’imaginer et de le concevoir de façon à ce qu’il soit facile d’accès pour les visiteurs et facilement actualisable. Je mesure bien le travail des blogueurs…
Il sera de nouveau en ligne en mai. Pas le 6, anniversaire de l’élection de Sarko, pas le 10, anniversaire de celle de Mitterrand mais vers le 15 !

Question de Marco de Lyon People : « Pour digérer votre défaite aux municipales, allez-vous opter pour :
1. Une cure de citrate de bétaïne ?
2. Une semaine d’encanaillerie à Paris ?
3. Un hold-up sur la fédération UMP du Rhône ? »

(rires) Pas de hold-up, j’ai cédé ma place. Pas de semaine d’encanaillerie à Paname, je n’ai pas le temps et Marco a sûrement plus d’adresses que moi. Et pas de citrate de bétaïne car j’ai un estomac qui me permet de digérer une défaite. En revanche des vacances, une semaine à Montpellier justement la semaine où tu remettras ton blog en service… Je lirai donc mon interview à mon retour !

Merci à mes amis journalistes, Pierre, Gérard, Robert, Fred et Marco d’avoir joué le jeu de la question…