Il n’y a que des preuves…

Ce matin, dans l’avion qui volait vers Pau, je découvrais un sondage sur l’Europe et les Français. Le Figaro soulignait « le profond pessimisme des français face à l’Europe » alors que Libération, dégainant son sondage perso, titrait « Les français attachés à l’Europe« . Allez comprendre… En attendant, moi je dis que c’est comme en amour, il n’y a que des preuves…

Lorsque je parle de l’Europe avec mes deux ainés, dire que je soulève un enthousiasme débridé serait mentir. Pas besoin de sondage pour ça.
Je me souviens, à leur âge, l’Europe était pour mes camarades de l’UDF et moi une sorte de Graal.
Nous avions, à l’époque, demandé au sénateur maire de Lyon, Francisque Collomb (rien à voir avec Gérard !), de hisser le drapeau européen sur la façade de l’hôtel de ville à l’occasion de l’anniversaire de la signature du traité de Rome. Sacrilège. Oser demander l’installation, fût-elle provisoire, d’un « drapeau étranger » (sic !) sur un édifice public nous a valu une volée de bois vert. Quelques jours plus tard, avec la complicité du maire du 8è de l’époque qui nous avait ouvert la réserve des drapeaux, nous escaladions, dès potron-minet, les tours de la piscine du Rhône pour hisser les étoiles sur Lyon. Sous l’objectif d’un photographe de Lyon Figaro qui fit sa Une avec la photo. Dans le même temps, des jeunes plantaient le drapeau bleu et or au sommet du Mont Blanc ou sciaient fictivement à la tronçonneuse les barrières des postes frontières. Force des symboles…
Mon successeur à la tête des Jeunes Giscardiens du Rhône était hollandais. Normal, européen d’abord. Re-foudres des caciques de l’UDF de l’époque. « Donner la présidence d’un parti politique à un étranger ! » (re-sic !) Et pourtant, l’appel de Cochin était loin ! Nous étions dans les années 80. Il y a un siècle !
Et dire que je n’ai toujours pas de carte d’identité, lui préférant mon passeport logoté Union Européenne… Bref, un pur, un vrai, mais un peu solitaire ! Il faut dire que je comprends les eurosceptiques. Il y a 20 ans, l’Europe faisait encore rêver. Elle était inscrite dans nos gênes, dans notre patrimoine, dans notre histoire. C’était une ambition, un rêve, une envie. Et les preuves d’amour ne manquaient pas. Aujourd’hui, l’Europe est un machin que l’on ne comprend plus et qui, il faut bien l’avouer, ne fait plus « ban… la France » comme le chantait Sardou (pas Jackie, Michel !). Il n’y a qu’à aller sur le site du Figaro. Les articles sur l’Europe sont à la rubrique… International !
Après des élargissements à répétition, le reniement des racines chrétiennes par un ex-Président, une succession de traités illisibles, des réglementations iconoclastes, et aucune vision d’avenir lisible par le grand public, l’Europe a raté le coche de la communication. Quant à nos politiques français, rois du marketing électoral (hein Nico !), ils ont oublié de nous donner des preuves d’amour.
Les derniers ministres envoyés au front pour faire de la retape ne savaient que répéter en boucle « sans l’Europe, il y aurait eu plusieurs dévaluations », « L’Europe nous protège, sans elle, nous ne pèserions pas dans le monde »… Pipeau répond l’écho pas si simple à (re)séduire.
Je ne crois pas que ces arguments (vrais pourtant) soient audibles par des français, voire même par des européens, déboussolés par cette mondialisation et ce monde qui fait peur. A commencer par les plus privilégiés de ces dernières années, les irlandais. Il suffit de voir leur vote. Je me souviens des contributions de Giscard dans la presse expliquant l’Europe. Ses yeux brillaient. Il avait envie et pouvait donner envie. On voyait qu’il l’aimait cette Europe. Son analyse est d’ailleurs limpide :

« Depuis des années, c’est la vie institutionnelle qui paralyse l’Europe; ce n’est pas ce que l’Union décide qui pose un problème, mais le fait qu’elle n’arrive pas à décider. Or les dirigeants brouillent sans cesse le projet politique européen depuis les années 1990 et la fin du couple Mitterrand-Kohl, qui exerçait encore un vrai leadership. Après eux, il n’y a plus eu de vision de l’Europe, mais seulement des visions nationales par rapport à l’Europe : « L’Europe ne fait pas assez pour nous » ou « L’Europe se mêle de ce qui ne la regarde pas ». (…) Les précédentes générations de dirigeants européens avaient de fortes raisons de bâtir l’Europe : elles avaient fait la guerre ou l’avaient connue, et voulaient nous en protéger. Ensuite, on a vu que l’Europe ne pouvait rester un simple lieu de réunion et avait besoin d’outils : un Parlement, une monnaie, etc. Il eût fallu alors une génération ayant la volonté d’organiser politiquement l’Europe avant son élargissement, en prévenant les nouveaux membres qu’ils allaient entrer dans une Europe réformée. Or, on les a accueillis avec des traités inadaptés et un déficit de gouvernance qui a remis en position de force les postures nationales.
Le système actuel est hors d’état de produire de vraies décisions : 27 dirigeants qui se réunissent quatre fois par an en commençant par un tour de table sur l’ordre du jour, cela ne peut pas marcher. La clef est démocratique : la désignation de responsables et les grandes décisions doivent se faire par des processus démocratiques.
(…) D’abord, les Irlandais nous disent : « On ne peut pas voter pour un texte qu’on ne comprend pas. » Alors que la Constitution était lisible, du moins dans ses deux premières parties, le traité de Lisbonne a été rédigé, par des juristes, d’une manière qui ne permet pas de le comprendre. L’expression « traité simplifié » était habile. C’était un produit de la société médiatique, dans laquelle un mot lâché remplace l’analyse du contenu. Devant des élèves en fin d’études d’HEC, j’ai demandé à ceux qui avaient lu le traité simplifié de lever la main : une seule s’est dressée, sur 500. C’est la preuve que ce texte n’était pas accessible. Comment demander alors aux citoyens de le voter ?

Tout est dit, ou presque… Alors, les politiques, arrêtez de nous dire que l’Europe nous aime. Donnez-nous des preuves d’amour. Et faites nous fantasmer. Alors, j’en suis persuadé, les français se remettront à ban… pour l’Europe !

Les Commentaires ( 13 )

  1. de jerome manin
    posté le 25 juin 2008

    Autour d’un drapeau bleu de Marie avec les étoiles représentant les 12 tribus d’Israël, on devrait enfin comprendre pourquoi les anglais roulent à gauche et savoir enfin écrire Lichtenstein…

    Le D’Estaing de l’Europe prendra sens quand on ne sera plus obligé d’avoir fait science Pau…

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  2. de Sherlock Holmes
    posté le 26 juin 2008

    C’est vrai que nous avons besoin de preuves !

    Vive l’Europe mais pas une Europe carcan !

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  3. de Gérard VOLLORY
    posté le 26 juin 2008

    Il n’y a pas si longtemps, les Français roulaient aussi à gauche……

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  4. posté le 26 juin 2008

    heureusement que les racines chrétiennes n’ont pas été retenues comme faisant partie intégrante de l’identité…elles existent bien sur mais ne limitent pas ce qui fait la conscience et l’histoire européenne.La culture juive ashkénaze, les spiritualités laiques ou l’Islam de Bosnie ou de Turquie (mais là on tombe dans un autre débat…) forment aussi ce socle.

    La formulation sur » l’héritage spirituel », plus rassembleuse et plus exacte correspond davantage à ce qui façonne l’esprit européen.

    http://www.romainblachier.fr

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  5. de Jonathan
    posté le 26 juin 2008

    Non, mon cher Romain,l’Europe a des racines chrétiennes!Pour preuve,au Moyen-Age et à la Renaissance,la religion cimentait les peuples.Sinon,l’Union Européenne a commis une grosse erreur:faire adhérer les pays d’europe centrale et orientale avant de se préoccuper des institutions.Si j’avais été à la place de Jacques Chirac,j’aurai d’abord rédigé les règles de fonctionnement de l’UE obligatoirement ratifié par référendum le même jour que les Européennes 2004 puis,à partir de 2006,faire adhérer les 10 nouveaux membres par vagues!Ainsi,en 2006,Chypre,Malte,Slovénie et Hongrie;en 2009:les 3 états baltes et en 2012:la Pologne,la République Tchèque et la Slovaquie!

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  6. de JJ BOIS
    posté le 26 juin 2008

    Malheureusement,l’union européenne,c’est tte la différence entre le rève et la réalité…dans les années 70,j’ai fait partie de ceux qui ont rèvé de ce grand projet!c’était l’époque des « jeunesses européennes fédéralistes »..tt cela est bien loin!

    Je veux rassurer Jérome:je sais aussi comme Ducasse écrire Monaco…

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  7. posté le 26 juin 2008

    Jonathan,tu as du me lire de travers.
    Je ne nie pas que l’Europe a notamment des racines chrétiennes, je dit qu’elles ne résument pas l’identité spirituelle de l’Europe et que la formulation « racines spirituelles  » est plus adaptée pour tenir compte des apports de la culture juive ashkénaze, les spiritualités laiques,l’Islam de Bosnie, de l’Espagne ottomane ou de Turquie ou même des cultes paiens (Bélénos, Zeus etc…) qui façonnent aussi l’identité européenne.
    http://www.romainblachier.fr

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  8. de jérôme Manin
    posté le 27 juin 2008

    Les querelles byzantines : http://www.romainblachier.fr

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  9. de jérôme Manin
    posté le 27 juin 2008

    Je rapporte les paroles de Fabienne Levy :

    Je tenais à revenir sur l’immense fête de remerciements donnée par notre Maire le 25 juin 2008 à l’Hôtel de Ville.
    Une petite fête entre amis exclusivement, puis que malgré tous les discours d’opposition respectée le groupe ensemble pour Lyon n’y était pas convié ; c’eût été une politesse de roi que d’inviter ceux et celles qui font aussi le LYON de demain….
    N’y voyez somme toute aucune amertume! Même invitée, je crois que j’aurai décliné cette brillante invitation de VIP en découvrant le prix à payer sur le dos des lyonnais …
    Cette petite soirée entre amis a coûté à la collectivité la bagatelle de 65.000 euros et si je ne m’abuse la collectivité vit parce que les citoyens payent des impôts; je suis sure que vous voyez où je veux en venir….
    A l’heure où les Français voient leur niveau de vie baisser,
    à l’heure où on demande à l’Etat de contraindre ses frais,
    au moment où les grandes surfaces nous disent que les français réduisent leur nourriture pour payer leur essence,
    à l’heure où ou Gérard Collomb notre Maire humaniste préconise de contenir les frais de gestion, de maîtriser les subventions et de ne pas augmenter les impôts , il donne une soirée pour remercier ceux et celles qui l’ont élus ; Alors un conseil Monsieur le maire, dans ces cas là ne vous servez pas de nos impôts et n’utilisez pas le budget des événements pour rafraîchir juste vos sympathisants…

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  10. de Jonathan
    posté le 2 juil 2008

    Mon cher Romain,merci pour tes précisions!D’ailleurs,monsieur le maire du 7e,tu pourrais me dire ce que tu penses de la « fête » organisée par sa majesté Gégé 1er,roi de Lyon.

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  11. posté le 3 juil 2008

    Oui, la négation des racines chrétiennes de l’Europe par Jacques Chirac a brouillé le projet européen : pourquoi s’unir si on ne s’accorde pas sur les valeurs qui nous rassemblent ? Cela dit, et puisque, ce qui fait l’identité de l’Europe, c’est un double héritage judéo-chrétien et gréco-romain, je ne vois pas pourquoi nous construirions l’Union européenne et pas une Union occidentale avec l’Amérique du Nord. Mais là-dessus, nous ne sommes pas d’accord…

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  12. de Marc Lavedrine
    posté le 17 juil 2008

    Intéressante discussion sur le projet et les racines de l’Europe. C’est d’ailleurs en soit intéressant que les 2 soiient mêlés.
    Evidemment il y a un problème d’adhésion au projet, du moins en France. Une des raisons est que nous n’avons plus eu de Président et de Gouvernement profondément européen depuis 1995. Cela nous a fait manquer l’étape extraordinaire de la réunification de l’Europe, car il convient mieux de parler de réunification que d’élargissement. D’aucuns dans les années 80, en même temps qu’ils se mobilisaient pour le drapeu étoilé, se mobilisaient aussi pour ces européens de l’autre côté du mur. L’Union Européenne a réussi cet exploit de donner une issue, une porte de sortie aux ex-régimes communistes de l’est. Moi, j’ai été profondément ému par la chute du mur et je crois que l’Union Européenne y est pour quelque chose.
    Car l’Europe des racines (qui ne sont évidemment pas que chrétiennes, n’en déplaise!) comprenait la Dacie et la Macédoine avant de comprendre l’Irlande. Pour énerver un peu, mais ce n’est que la vérité, elle comprenait aussi le Pont (le bien nommé).
    A ce stade, nous ne pouvons qu’avoir une pensée émue pour Bronislaw Geremek disparu il y a 4 jours. Il mérite son entrée au Panthéon des pères de l’Europe aux côtés de Monnet, Schuman, De Gasperi, Adenauer, Spaak, Altieri … Tous ces hommes ont pour trait commun d’être des combattants de la liberté, du respect de l’individu et de l’état de droit. Ils ont pour trait commun de concevoir l’Europe comme une idée du monde plutôt que comme un morceau du monde… Une idée est plus forte quand elle est partagée, alors qu’un morceau est plus petit quand on veut le partager.
    Il est temps maintenant de remobiliser les citoyens européens sur ce projet : l’Europe comme une idée du monde!

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  13. de michel
    posté le 30 mai 2009

    les pauvres pères de l »Europe doivent se retourner dans leurs tombes ??
    vu le grand foutoir qui y règne
    l »Europe,c »est d »abord,l »èconomie,
    et dès le début,aucun pays était sur le même pied d »égalité
    pas la même tva,taxes,charges,monnaie ect ect
    copè répète tout les jours,
    l »Europe c »est formidable,enfin la paix,plus aucune guerre,
    d »abord,l »Europe a des troupes qui intervienne dans le monde entier,
    ensuite,il y a plus grave,la guerre économique qui tue nos entreprises ,et la France n »était pas armer pour lutter contre la concurrence de certains pays a bas coût
    trop de dettes,avec ses intérêts,,,30 ans de mauvaises gestions,
    et la crise va en dègouter plus d »un
    et on continue a alourdir la dette et les déficits en tout genre
    l »Europe est malade ,elle a voulu grossir trop vite en accueillant tout le monde dans son seins ,

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