Je ne sais pas vous, mais moi, il y a des jours où je me transforme en Monsieur Grognon ! Un peu comme cette illustration qui me rappelle une collection de petits livres que je lisais à mes fils lorsqu’ils étaient petits. Heureusement, il y avait aussi d’autres Monsieur et Madame plus sympathique.
Il n’empêche, ce matin, j’étais Monsieur Grognon !
Cela fait quelques semaines que j’avais envie d’écrire sur les Velo’v. Vous savez, cette idée de Jean-Claude Decaux (Monsieur Abri-bus et affichage…) qui a démarré à Lyon avant de coloniser l’Europe.
En fait, on retrouve le concept dès les années 1970 au Danemark et à La Rochelle, via la location. En 1995, Copenhague inaugure les vélos en libre-service gratuit, empruntables dans la ville avec une simple pièce de monnaie comme pour les Caddies de supermarché.
Bon, nous, à Lyon, on a préféré oublier l’histoire et dire qu’on avait inventé l’idée. Un Monsieur Vélo’v est même né, un centriste orange mâtiné de rose…
En contrepartie des Vélo’v, Decaux a gagné le marché du mobilier urbain pour 13 ans. De quoi, pensait-il, rentabiliser le système. D’autant que les petits n’ont pas tardé à Paris et dans 17 villes d’Europe. Derniers contrats remportés : Nancy et Nantes.
Bon, jusque là, pas de quoi être grognon. Vélo’v est une idée lyonnaise, elle s’exporte, ça ne nous a pas coûté grand chose (même rien, Monsieur Pingre est heureux !), donc tout va bien.
Oui, sauf que le système se grippe depuis plusieurs mois. Les Vélo’v sont de plus abîmés, les stations parfois inutilisables, les vols en constante augmentation et Monsieur Decaux joue les Monsieur Grognon. Ben voyons… Il faut dire que l’entretien annuel des Vélo’v coûte beaucoup d’argent : 2 000 euros en moyenne, le double du prix d’achat. “Au-delà de ce qu’on est capable d’assumer” avertit Anthonin Darbon, coordinateur France du système de vélos en libre service chez Decaux dans une interview à Lyon Capitale.
Oui, mais en attendant, le service se dégrade.
Ce matin, ma compagne veut acheter une carte courte durée. Première borne : impossible. Plus de carte. Deuxième borne : possible, mais l’écran étant cassé, impossible de taper son code carte bleue. Troisième borne (3 Vélo’v disponibles dont deux crevés et un sans chaîne). Elle peut acheter sa carte, mais pas prendre de Vélo’v. Quatrième borne (entre temps, nous avions avancé à pied, pas désagréable par ce beau temps !), joie, elle peut prendre un vélo. De mon côté, abonné depuis longtemps, je choisis ma monture. Le temps de m’installer, et la selle recule d’une case. Le mécanisme de serrage était défaillant. J’ai hérité ensuite d’un vélo qui roulait, mais avec un bruit d’enfer et un freinage à l’avenant…
Et je pourrais vous raconter des dizaines d’histoires vécues comme celle-ci. L’autre jour, je téléphonais au numéro indiqué au dos ces cartes d’abonnement pour ronchonner un peu. J’en profitais pour engager la conversation avec mon interlocutrice, charmante au demeurant. Un peu d’empathie, du style : « C’est pas trop difficile ? Vous devez passer votre temps à vous faire enguirlander ? » Et elle me réponds tout de go : « Oui. Il y a de plus en plus de réclamations. Les gens ne sont pas contents. » Je ferre mon poisson : « Ah bon, vous avez l’impression que ça se dégrade ? » « Tout à fait. Le service est de moins en moins bon… » Sic !
Chacun des 4 000 Vélo’v passerait une fois tous les 50 jours sur le billard. Pour des réparations diverses qui vont de la crevaison au vandalisme.
En parallèle, on sait que Decaux considère que le contrat lyonnais n’est plus équitable. Que les frais sont trop lourds. Sans pour autant qu’il démontre l’iniquité de l’échange Vélo’v/affichage. Les négos ne vont pas tarder. Et pendant ce temps, le service se dégrade. A croire que c’est volontaire ! Mais là, je joue au Monsieur Suspicieux…
Salauds de patrons !
Grognon encore ce matin à la lecture de la presse de ce matin. A croire que certains banquiers et patrons ne comprennent pas la force des symboles.
Le Figaro nous apprends que Fortis, qui a frôlé la faillite il y a quelques jours et qui n’a dû son salut qu’aux fonds publics belges puis à son rachat par BNP-Paribas, a organisé peu après un « évènement culinaire » dans l’un des meilleurs restaurants de Monaco, le Louis XV, dirigé par Alain Ducasse. Coût de l’opération : 150 000 euros. Les invités ? Des courtiers. Messieurs gâtés !
Autre information d’importance, l’assureur américain AIG a organisé mi-septembre un séminaire dans un hôtel de luxe californien avec cure et remise en forme, pour 440 000 dollars. Une semaine seulement après son sauvetage par les autorités américaines. Les invités ? Encore des courtiers. Messieurs pourris gâtés !
Vous en voulez encore ? Allez, un pour la route : selon Mediapart, qui se base sur les déclarations de Daniel Bouton à l’Autorité des marchés financiers (AMF), le patron de la Société Générale aurait réalisé une plus-value de 1,3 million d’euros en moins de quatre mois grâce à la vente d’actions de son groupe acquises au titre des stock-options, bien entendu à un prix plus avantageux que le cours du marché.
Je vous rassure, rien d’illégal dans tout cela. Juste de la maladresse qui confine à la connerie. Le mot est disgracieux, j’en conviens, mais en l’occurrence, il est approprié. Un peu comme si un homme ou une femme politique décidait de faire une fête fraternelle avec ses amis au moment où son pays et le monde s’enfonce dans la crise… Le contretemps peut être une technique, pas sûr qu’elle soit payante ces jours-ci !
Il y a quelques mois, le 13 mai 2007 pour être précis, j’écrivais un billet au titre évocateur « Salauds de patron ». Il vous présentait le livre écrit par mon cousin Geoffroy. Un plaidoyer pour sortir de la confusion entre dirigeants de sociétés du CAC 40 et entrepreneurs de PME. Une réflexion sur les raisons de l’image si dégradée des patrons et quelques explications : des stock-options attribuées sans contrôle suffisant, une transparence trop relative, un manque de générosité.
Gag non prémédité, le livre était sorti le 11 avril, alors même qu’était révélé le montant des indemnités de départ versées à Noël Forgeard, ex-coprésident d’EADS. Il y a quelques jours, le patron de Dexia, tout juste sauvée de la faillite par l’argent public, Alex Miller, renonçait sous la pression des médias à toucher sa prime de départ de 3,7 millions d’euros ! En juste récompense d’une gestion défaillante, sûrement. Mais là, je me la joue Monsieur ironique !
Geoffroy Roux de Bézieux disait lors de la sortie de son livre que « les effets collatéraux sur l’ensemble des patrons sont terribles. » Il prônait d’ailleurs « une véritable éthique du capitalisme. Car les entrepreneurs doivent être irréprochables. » D’ailleurs, patron en verlan pourrait se dire « trompe pas » ! C’était il y a un an. Et depuis… les premières propositions arrivent en, provenance du Medef, exigées par Sarkozy. Oubliant qu’une contrainte française pourra être levée en s’accordant avantages et parachute doré dans une filiale logée à l’étranger.
Tiens, je vous conseille de cliquer sur ce lien et d’aller lire l’analyse de cette crise (et de ses origines) mise en ligne par mon camarade Pierre-Henri Pouchelon, auditeur confirmé chez Mazars. De quoi remettre certaines pendules à l’heure du capitalisme…
« Salauds de Patrons, pourquoi les français n’aiment plus leurs chefs d’entreprise, » par Geoffroy Roux de Bézieux. Hachette. 16 euros.
Un autre article de Lyon Mag en dit plus sur le litige entre le Grand Lyon et DEcaux !
http://www.lyoncapitale.fr/index.php?menu=01&article=5723
Ou l’on apprends que : « Trois ans après la mise en service des vélo’v à Lyon, il est fortement probable que les tarifs de location des vélo’v augmentent prochainement. Les utilisateurs pourraient alors devoir débourser plus du double de ce qu’ils paient aujourd’hui : les cartes courte-durée passeraient de 1 à 2 euros la semaine, tandis que les cartes longue durée doubleraient de 5 à 10 euros par an. C’est en tous les cas ce qu’a insinué Gilles Vesco (Modem – Collomb), vice-président chargé de la nouvelle mobilité urbaine au Grand Lyon, dans un entretien téléphonique à Lyon Capitale. “Il est hors de question d’augmenter les prix pour les usagers sans augmentation de service en face”. En clair, si le service vélo’v s’améliore, les prix seront majorés. »
Et une fois de plus qui va payer ?
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@ Le lecteur
Je ne suis pas opposé de payer un peu plus cher (il faut être honnête, l’abonnement est loin d’être excessif !). Mais en échange, je souhaite avoir un véritable service qui n’est plus, aujourd’hui, assuré.
Par ailleurs, je conçois que JC Decaux ait sous-estimé le coût d’entretien des vélos, même si des expériences antérieures, notamment en France, auraient pu l’alerter sur ce point. Je comprends aussi qu’il souhaite rouvrir les négociations trois ans après la signature du contrat. En revanche, il faudra que tout ceci se joue à livre ouvert… En toute transparence. Chiche ?
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@Erick
Nous serions dans le premier cas de transparence affectant notre bon Maire, qu’il n’aille pas en plus de cette transparence s’attraper une grippe, l’hiver serait difficile.
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Quand on voit que de petits connards se filment en train de casser des Vélov on se dit que c’est donner de la confiture à des cochons ! A quand la video-surveillance près des bornes ?
http://www.youtube.com/watch?v=N774Mlnj2e4&feature=related
http://www.youtube.com/watch?v=N774Mlnj2e4&feature=related
http://www.youtube.com/watch?v=zDH7rK4SQpc
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C’est parce que les Vélo’v étaient inaccessibles que M. Roux de Bézieux ne peut pas aller faire le beau dans un hôtel de luxe, alors ils s’en prends aux autres patrons…
C’est très humain, chacun a une vision égocentrique de la crise, elle réveille les révolutionnaires tout autant qu’elle émoustille une imagination de l’après catastrophe, où la hiérarchie serait remise à zéro, les erreurs du passée seraient absoutes…
Il y a derrière l’évocation de la crise un authentique appel au cataclysme (même si peu en sont conscient) censé faire renaître une société nouvelle lavée de ses pêchés et l’idée d’un paradis perdu. On a l’impression que beaucoup de gens l’appelle de leurs vœux cette crise, est-ce davantage pour conjurer le sort ou pour s’obliger à cette révolution sociale à laquelle personne ne veut se résoudre ?
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L’un de mes correspondants m’envoie un mail dans lequel il me dit
Mon cher,
Je t’aime beaucoup
mais tu n’es qu’un beau parleur.
Un politique, quoi…
La vérité est que cette crise est une aubaine.
Et tu n’as pas plus que tes petits camarades
l’intelligence et le courage de le comprendre
pour dire enfin quelque chose de sensé.
L’oeil de Caïn
Et il a raison (pour la crise et pour le reste aussi peut être, qui sait !). D’ailleurs, le mot crise, en japonais, veut dire aussi opportunité pour l’action. J’espère que les entreprises françaises saisiront les opportunités !
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Sur les effets salutaires de la crise que nous commençons à vivre,je crains fort que beaucoup de PME en particulier ne soient plus là pour en mesurer les bienfaits…s’il doit y en avoir!
Tout le monde va souffrir,mais comme toujours les plus faibles en premier…certains autres se pourlèchent déja à l’idée des bonnes affaires qu’ils vont pouvoir réaliser ..en bourse..oui oui..c’est comme en temps de guerre,mais la majorité d’entre vous n’ont,bien heureusement pas connu..ces épisodes peu glorieux de marché noir!!
Quand à Decaux,il a signé! on ne gagne pas à tous les coups!!!!le vélov est une bonne idée,c’est possible,mais quel en est le cout réel….si nos élus parlent déja d’augmenter les tarifs(certes peu élevés),c’est mauvais signe pour la suite de négociations! Les Decaux ne sont pas des philantropes c’est bien connu…et un Modem en face ça ne pèse pas lourd.
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@JJ Bois
Un modem, ça ne pèse pas lourd mais un modem comme Vesco qui baisse sa culotte systématiquement devant les socialistes et qui est tenu par la peau de la bourse c’est la certitude que les négociation se feront sans les citoyens.
C’est une constante double attitude de la bande à Collomb que l’on voit à l’œuvre sur le coup des Vélo’v à la fois revendiquer la paternité et l’exclusivité des choses tout en se déclarant irresponsables sur leur évolution, en plus simple tout ce qui est bien c’est moi et ce qui ne va pas c’est pas ma faute, entre temps rien n’est géré !
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Ainsi ce sont des Vesco’v avec lesquels nous roulons à Lyon? Là je comprends mieux l’ampleur des dégradations….
Plus sérieusement je suis sur que ce sont les contribuables qui seront les dindons de la farce,Decaux est trop fort pour nos édiles actuels.
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@JJ Bois Faut qu’on prenne le temps de déjeuner ensemble….
Sinon, le programme télé de ce dimanche 12/10
http://www.programme.tv/l-ivresse-du-pouvoir-1428017.php
Toute ressemblance de nom est elle fortuite ?
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