Ah, je savais que cette question, oh combien indiscrète, allait troubler votre souris et entraîner fébrilement le clic salvateur.
Erick serait-il devenu fou ? Eh bien non ! En Suisse, si le réceptionniste d’un hôtel vous demande, sourire en coin, « Vous avez bien joui ? », répondez sans hésiter « Oui ! », même si vous étiez esseulé. En helvète, la question équivaut à « Avez-vous bien dormi ? » Remarquez, si vous aviez compris autre chose, vous auriez tout aussi pu répondre « Oui ! », histoire de vous donner une contenance, à défaut de contenant.
Mais je n’ai que trop défloré le sujet central d’un petit livre pas rose du tout mais franchement francophone. Lisez après, histoire de vous « désourler » le cerveau…
Le philologue est un expert en langue. C’est le cas du belge Georges Lebouc (un nom sûrement prédestiné !) qui vient de commettre le « Dictionnaire érotique de la Francophonie ». Un ouvrage à acheter impérativement, et des deux mains, à l’approche de la Saint Valentin (le 14 février pour les plus négligents). Vous aurez ainsi quelques jours pour trouver des mots tendres épicés à murmurer à l’oreille de Madame. Et il y en a pour tous les goûts comme cette expression québécoise « je suis dans le trèfle par-dessus la tête » ou encore « je voudrais te crémer le gâteau ! »
Voilà qui se passe de commentaires. Si vous avez échappé à la claque, cela voudra dire que l’affaire est dans le sac. Ne croyez-pas pour autant qu’il sera facile de « planter le poireau » (trébucher au Québec), vous risquez fort de vous retrouver avec la « quéquette » en main (le plateau de la quête en Suisse) à moins qu’elle ne vous propose d’ »ouvrir les cuisses » (ouvrir les fenêtres au Québec). Si elle vous demande un « gros bec », acceptez le baiser. Mais attention, à La Réunion, « becquer un thon » ne veut pas dire ce que vous pensez, garnements ! Il s’agit de faire un mariage avantageux. JM répondra sûrement que cela veut souvent dire la même chose !
Tiens, le Québec revient souvent dans ce livre. Il faut dire que nos cousins remportent la palme des expressions les mieux troussées. Et les plus cochonnes. Le froid et l’abus de sirop d’érable sans doute.
Comme vous avez pu le noter, le langage érotique est peuplé de faux amis. Si vous voyagez dans un autre pays francophone, « vous vous imaginerez qu’on vous comprendra aisément et que vous comprendrez facilement les locaux. Erreur profonde », avertit l’auteur qui se rengorge de la chose. Autant, alors, éviter les impairs, comme de demander à un Congolais comment se porte son « ambassadeur ». Grave erreur diplomatique ! Il risque de se demander pourquoi vous vous intéressez à son sexe. De même, Mesdames les touristes, en Côte d’Ivoire, lorsqu’un autochtone vous demandera si vous vivez du café et du cacao, il ne s’intéressera pas à vos plantations, mais désignera ainsi vos… fesses, qu’il aimera amples et rebondies, comme ces deux sources de revenus principales du pays.
Nombre d’expressions découlent ainsi de réalités locales et de métissage avec d’autres langues. Le terme « toutou », utilisé en Côte d’Ivoire pour désigner une prostituée, date de l’époque où celles qui vendaient leurs charmes étaient ghanéennes et demandaient, pour une passe, « two shillings, two pences ». Au Rwanda, il fut un temps où Toyota désignait un décolleté plongeant dévoilant de façon vulgaire la forme des seins. Allusion, selon l’auteur, « au clinquant et au mauvais goût » des premiers modèles de la marque.
« Faire le bord de mer » veut dire se prostituer au Gabon. Une « nichonville » sénégalaise est une habitation construite en gonflant un énorme ballon de caoutchouc et en coulant ensuite du ciment dessus ! L’anodin « pont arrière » désigne le postérieur au Mali. Les Congolais définissent le Sida par Syndrome Inventé pour Décourager les Amoureux.
En Afrique, une « femme floue » est tellement laide que l’homme en a la vue qui se trouble. En revanche, une « blonde aux yeux bleus » est une belle jeune femme noire qui a de beaux yeux. Allez comprendre !
D’autres expressions proviennent de mythes ou de prétentions très masculines. Ainsi, les allusions aux aphrodisiaques sont généralement empruntées au langage automobile, comme « chargeur de batterie » (Côte d’Ivoire)… Les termes militaires sont aussi sollicités, comme « bazooka », au Sénégal ; « torpiller », au Gabon ; ou « tirer », un peu partout. Faut-il traduire ?
Petit malaise toutefois : plane parfois dans ce langage de l’érotisme comme un relent de racisme. À Brazzaville, les prostituées sont appelées « ATZ », pour assistance technique zaïroise et au Kenya « Katangaises ». À l’inverse, au Congo, on les qualifie de « Londoniennes ». Pas sympa pour les brits !
Enfin, puisque cet article doit quand même avoir l’air sérieux et ne pas prendre le sujet par-dessus la jambe, précisons que ce livre permet aussi une formidable réflexion sur la richesse et l’évolution d’une langue. Le français de France, déjà très riche en expressions diverses, « n’a pas suffi aux peuples qui ont l’adopté comme langue véhiculaire, écrit l’auteur. Le vaste domaine de la Francophonie, qui s’étend sur les cinq continents, a jugé que la langue française était insuffisante pour désigner les choses de l’amour ». L’inventivité a fait le reste.
Et comme on dit aux Antilles: « avant ou maié cé chè doudou, aprè maié cé si moins té savé ! » Avant de te marier, c’est chérie, après c’est si j’avais su ! Allez, je vous fais de gros becs… Et n’oubliez pas de « vous faire circuler le sang » comme on dit aux Antilles.
« Dictionnaire érotique de la francophonie » de Georges Lebouc. Editions Racine. 15 euros
Après le dictionnaire érotique de la francophonie, on attend d’Erick le dictionnaire de la francophonie érotique et l’art de décaler les sons à la mode de la mercière de la rue Tupin.
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@ERdB
Etape nécessaire pour devenir père….
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Qu’ouïs-je de vous … Ah ! malheu ! Anuit faut y pas bagouler … on pren kwi on vu » à la mode de la mercière de la rue Tupin » … Mi j’aime miux qu’eune rue al’s'appelle « rue Belle Fesse » qu’rue « Q » ou bien « Boulvard ed l’Opéra » qu’rue « R » … et bah alors, elles aiment pô l’sexe st’homme ?
Parce que te diras cha qu’te veux, tchand qu’te caches eune rue dins un patelain qu’te connos nin, in pleine nut, te n’peux compter qu’chu l’chance si t’aime l’sexe … et de fortuna è de santé, è ne fou jamè sin vinta le Jérôme !
Enfin, ch’est min point d’vue (essai d’un « tutti-fruti » de patois …)
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@David
Amusant exercice qui impose de lire à haute voix pour apprécier, je comprends enfin pourquoi elles s’écriaient « Non Patois »
@JJBOIS
En période de crise, on peut sous-traiter
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@ Jérôme
AAAaaarrrrrrrghhhhh ! « Non Patois » !
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Je vais aller me l’acheter ce dictionnaire, cela m’a l’air croustillant et instructif sur les pirouettes du langage …
Je me permets également de conseiller de petites bande dessinées
Première fois / collectif de récits érotique :
http://www.roomantic.fr/actualite-114-premieres-fois-bande-dessinee-erotique-collective.html
Et également dans les sorties : Arthur et Janet
http://www.amazon.fr/Arthur-Janet-fleur-peaux-Cornette/dp/2723467279
Et pour citer les potins « mes amitiés aux meilleurs coktails boys de Lyon »…
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Pour une fois, c’est l’auteur qui écrit et se déclare ravi à la lecture de ce blog fichtrement bien écrit et, ce qui ne gâche rien, sans la moindre faute d’orthographe.
A toutes fins utiles, mon nom de famille vient de mes origines françaises et plus précisément de la Loire où je me suis laissé dire que « Lebouc » était le « Dupont » local.
Merci encore et longue vie à un blog de qualité !
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eric, sexuellement bonjour,
Je vois que la Saint Valentin permet de s’évader à la fois l’esprit et d’alléger ses besoins physiologiques. Quoi de plus normal puisque, comme moi, tu n’en est pas moins homme. Après, le reste tout est question de puissance, mais sans vouloir jouer la concurrence.
Hier, ce fut la St Claude. Or, l »empereur Claude de Lugdunum qui certes n’était pas Apollon, ne l’empéchait pas d’avoir parfois 3 femmes dans son lit. Parait-il que cela est inné au prénom !!!!! Je n’ose poser la question pour les Eric. Cela étant dit, ta note est bien faite, elle aère un peu et ce dans…….un monde brute.
Un peu de douceur et de calins n’ont jamais fait de mal à un homme.
Claudius
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