Oh la sale insulte que celle de « fils de ». Elle nous renvoie immédiatement à cet espèce de complexe révolutionnaire français. Sorte de schizophrénie anti-privilèges, anti-favoritisme, anti-héritiers d’un pays –et d’un peuple- qui n’en fait pas moins. J’en ai eu ma part, depuis le « fils de-de » au soupçon de facilité par la naissance, les origines voire par omission ! En attendant, cette semaine a été marquée par deux « fils de », prince Jean et princesse Marie.
Cela faisait longtemps que je ne vous avais pas parlé de Noël Mamère, sorte de Saint Just vert, aux indignations médiatiques sélectives (on a tous en mémoire cette savoureuse vidéo intitulée « le vélo de Mamère »)
Durant toute cette affaire contre Prince Jean, il a porté avec vaillance le drapeau des révolutionnaires coupeurs de tête, héritiers de la nuit du 4 août (tout le monde a oublié que l’abolition des privilèges fut portée par les aristocrates libéraux et non par les bourgeois ou le peuple. De quoi être vert de rage !). La dernière estocade est arrivée ce dimanche, sur Canal +. Pour lui, trop c’est trop : « le renoncement de Jean Sarkozy à briguer la présidence de l’Epad n’était pas la décision de Jean Sarkozy (…) L’Elysée et le président de la République ont compris que trop, c’est trop ». (…) « Quand on est président de la République, on a un certain nombre de responsabilités particulières, à commencer par celle qui consiste à privilégier l’intérêt général plutôt que de favoriser un héritier. »
Le mot tabou est lâché. Héritier. Comme un crachat. Comme une réminiscence des 200 familles face à la meute des sans (cent ?) culottes. Comme un outrage face à ceux qui se sont fait tous seul, oubliant ainsi l’apport de leurs parents, de leurs études, de leurs lectures, de leurs rencontres, de leur famille…
Mamère, donneur de leçons à la planète entière, affirmait pourtant mardi dans Sud Ouest : « Elle est la fille d’un homme engagé, “les chiens ne font pas des chats”. Ce n’est pas étonnant qu’elle ait envie de s’occuper de ce qui la regarde, c’est-à-dire de l’évolution de cette société. » En l’occurrence, il parlait de Princesse Marie, fille de José Bové, contestataire professionnel, lui même « fils de » bourgeois fortuné, nanti désormais d’une fille en première ligne politique puisque Mamère, en fin conseiller, voudrait la voir prendre la tête de la liste Europe Ecologie aux régionales en Gironde. Mamère enchaîne, toujours dans Sud-Ouest : « J’ai effectivement proposé sa candidature qui représente le renouvellement. C’est la génération Duflot, une jeune femme de 34 ans qui a déjà une histoire militante qu’envieraient beaucoup de jeunes gens de son âge. Elle a longtemps travaillé pour le CCFD, les coopératives de femmes, la souveraineté alimentaire. C’est une double ouverture, à la fois en prenant le risque de la jeunesse et en donnant toute leur place aux femmes. »
Notez que si vous remplacez Marie par Jean, on a alors un très bon argumentaire UMP, l’excuse de la parité en moins. Où les arguments se basent avant tout sur le CV, donc les moyens, qui justifient en fait la fin.
En fait, ces palinodies ne doivent pas masquer l’essentiel, a-t-on le droit en France d’être un « fils de », voire de s’appuyer sur une longue tradition ? Style « Boulanger de père en fils », « Maison de confiance et de qualité, de mère en fille », « Service et qualité depuis 1870″. Car après tout, que devrions nous dire d’une Martine Aubry, fille d’un ministre de Mitterrand, d’une Roselyne Bachelot, fille d’un député, de Pierre Joxe, fils d’un ministre de De Gaulle, des deux Debré, fils d’un ministre de De Gaulle, d’un Louis Giscard d’Estaing, député et « fils de » qui eut ce bon mot « lui c’est lui, et moi c’est Louis ». Sans parler d’autres « fils ou filles de » dans l’industrie –les Bouygues, Michelin, Leclerc, Pinault et consorts-, dans le spectacle –les Depardieu, Chédid, Dutronc, trois générations de De Caunes, idem chez Belmondo, deux de Drucker, quatre générations de Sardou, deux de Halliday… » N’en jetez plus, on se croirait à Versailles !
Sans parler de mon boucher, de mon fromager aux Halles, où le « de père en fils » inspire alors confiance. Je me suis même laissé dire que mon boulanger préféré… Bref, nous sommes entourés de « fils de », dont la majorité sont bien moins puissants, j’en conviens, que Prince Jean, Princesse Marie et les autres.
Bon, alors, il est où le scandale d’Etat ?
Je ne connais pas Jean Sarkozy, à qui l’on a tout reproché en 15 jours : d’avoir un père, d’avoir une mère (eh oui, certains ont fait remarquer qu’il avait le savoir-faire du père et l’intelligence de sa mère, Dominique), de s’être marié, à la fille Darty qui plus est, de n’avoir pas avoir encore de diplômes, de n’avoir que 23 ans, d’avoir eu les cheveux longs, de se les être fait couper (les cheveux !), d’avoir de l’ambition, de parler comme son père…
Bref, de n’être qu’un fils à papa –et quel papa !- attendant que le fromage tombe tout cuit.
Oubliant la question essentielle : Jean Sarkozy est-il légitime pour candidater à la présidence de l’Epad et pour être élu ? Car il faut bien rappeler qu’il s’agit d’une élection, et non d’une nomination par un quelconque fait du Prince. Tout comme celle, gagnée, qui lui a permis d’être élu conseiller général des Hauts-de-Seine, le plus jeune de France, puis président du groupe UMP. Certes, son nom a bien du lui servir (je ne vous cacherais pas que le mien me sert parfois aussi), mais quoi, il faudrait changer de nom avant de faire de la politique ? Et tout renier sous prétexte de ne pas être catalogué ? Il n’y a que ceux qui ne sont pas des « fils de » pour croire que tout est plus simple. Tout ? Assurément pas. Le travail exigé est alors beaucoup plus important. Tu seras jugé aux résultats mon fils ! Sans parler des désavantages de porter un nom avant un prénom…
Alors, Jean Sarkozy était-il légitime pour être candidat à la présidence (bénévole je le précise) de l’Epad ? La réponse est sans conteste : « Oui ! », même si cette candidature était maladroite dans la forme, à fortiori dans un pays où la crise fait craindre quelques jacqueries. La rumeur et la bien-pensance ont fait le reste : N’aurait-il pas bénéficié d’un coup de main du papa ? Et qu’est ce que c’est que cette dynastie qui se crée, on a coupé la tête au Roi et aux autres « fils de », c’est pas pour autoriser ça !
Et alors ! Est-il interdit de souhaiter voir ses enfants suivre sa trace ? On peut être maître pâtissier de père en fils, industriel de père en fils, et pas homme politique (élu par le peuple !) de père en fils ? Est-il scandaleux de donner, quand on le peut et en toute transparence, un coup de pouce à son fils ou à sa fille pour l’aider à franchir les premiers degrés de la vie professionnelle ? Que ceux qui jugent se regardent d’abord en face dans une glace.
D’autant que Jean Sarkozy, une fois élu, aurait eu, j’en suis persuadé, un excellent bilan. Car être « fils de », et regardé comme tel, oblige à beaucoup plus de résultats, à beaucoup plus d’efforts. Histoire de mériter que ces deux mots « infamant », « fils de », disparaissent du CV et que l’héritier gagne un prénom.
Depuis jeudi soir, l’affaire est close. Mais elle laisse beaucoup de questions en suspend. Peux-t-on exister en étant « fils de » ? Il y a quelques mois, à Lyon, le fils de Gérard Collomb, sénateur maire de la ville, a subi les mêmes cris d’orfraie. Alors qu’il était compétent pour assurer le job promis au Sytral, le syndicat des transports en commun. Lui aussi, face à la montée des « bien pensants » donneurs de leçons, a reculé.
A Lyon, comme à Paris, comme ailleurs en France, être « fils de » semble mal porté. Et ceux qui défendaient à Lyon Jean Sarkozy étaient les premiers à s’offusquer de la « facilité » (non prouvée à ce jour) accordée à Thomas Collomb. Jeux politiciens vous me direz. Certes, le même qui fait dire tout et son contraire à Noël Mamère et à d’autres, « fils de » ou pas.
Une chose est sûre, l’image de Jean Sarkozy n’en sort pas dégradée. Bien loin de là. Pour un peu, on en accuserait Prince Jean d’avoir tout manigancé pour se faire un prénom. Tiens, et si c’était vrai…
Tableau de Magritte – « Le fils de l’homme ». Comprenne qui pourra…
Guillaume Tell a renoncer à la filiation devant le tableau de Magritte.
Et vie la Saône of de Lyon !
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*Merci de pardonner ma faute pour l’accent
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Bonjour Eric, merci pour ce blog car en dépit de ma couleur, plus rouge avec quelque teinte de noir, que bleu ou rose, j’aime beaucoup la libre expression de votre site.
Je me lance donc pour écrire mon premier commentaire sur votre site face à ce sujet qui me touche de plein fouet.
J’ai 23 ans et je viens de finir une licence de Sciences-Politique, je cherche actuellement du travail en station d’hiver. Ce qui est tout de même beaucoup moins ambitieux que la présidence de l’EPAD. N’ayant pas de père ou de mère faisant parti des haute sphères de notre société, j’essuie beaucoup de refus et suis plutôt dans une situation embarassante.
Donc lorsque je vois ce cas du « prince Jean ».Je ne peut m’empêcher de penser que nous sommes dans une société qui ce dit méritocratique mais que celle-ci est à deux vitesse: méritocratie diplomante (que je suis loin de totalement approuvé) et méritocratie sanguine ( que j’exècre profondément).
De plus cher Eric, je ne vous trouve pas forcément très honnête de comparer le cas de Marie et celui de Jean. Tout d’abord José n’as pas du tout le même poids politique que Nicolas. De plus la candidature de Marie est présentée à l’ensemble des citoyens. Alors que celle de Jean a l’EPAD, aurait été une élection collégiale avec une majorité d’acteurs acquise à la cause de son père et donc à la sienne.
Pour conclure j’estime donc avoir plus de poids à devenir administrateur avec ma licence que jean avec son niveau bac+2 ( même s’il s’agit d’un lot de consolation, cela reste une belle place)
Salutation Eric, bonne continuation pour ce blog attachant.
Mathieu ( un étudiant qui était venu vous voir pour une enquête de terrain il y’a 2 ans et qui vous avez trouvé très sympathique)
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désolé, j’ai oublié de me relire avant de poster !!
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Cher Ernesto-Mathieu de Lyon 2,
merci pour ce premier post qui en annoncera bien d’autres j’espère !
Pas facile effectivement de trouver un stage ou un emploi actuellement. Je viens à l’instant de recevoir un mail d’une amie qui écrit pour son fils à sa mailing list. Le fiston est en quête d’un stage à l’étranger. Et il a oublié la base d’un bon démarrage dans la vie : ne surtout pas faire écrire par ses parents !
Pour ton cas, maile moi ton CV + motivations, je le ferai passer à deux ou trois relations. Sans aucune garantie, je ne suis ni prince ni roi ! Mais un premier post (sympa de surcroit) vaut bien un coup de piston !
Pour ce qui est de l’élection avortée de Jean à l’Epad, je te rappelle que les représentants de l’Etat allaient s’abstenir et que l’élection était donc loin d’être jouée. Dans le secret de l’isoloir, que de turpitudes peuvent avoir lieu. pas vu, pas pris !
NB : Je me souviens de l’enquête…
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Merci Erick pour cet excellent « papier » sur le 2 poids, 2 mesures quant il s’agit de la Gauche et de la droite, ce qu’il est permis à certains et pas à d’autres….
Quant aux diplômes Mathieu pense qu’une licence c’est mieux qu’un Bac +2. Soit ! Mais sait-il qu’un bon nombre de capitaines d’industries connus pour leur talent et leur réussite n’ont même pas le bac !!! Que nous avons eu un président de Conseil Général qui avait 23 ans, etc… etc… on peut en cherchant bien en trouver pour qui « la valeur n’attend point le nombre des années » dixit notre cher Corneille.
Quant à Jean Sarkosy élu haut la main au Conseil d’administration de l’EPAD, c’est déjà une réponse, n’est-ce pas ?
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La polémique sur Marie Bové pourrait être élargie à tous les apparatchiks (Damien Abad, Najat Belkacem, … etc.) qui sont propulsés sur des listes pour les amitiés et les relations qu’ils ont su nouer mais qui peuvent se révéler par leurs compétences … ou disparaître.
Pour le prince Jean, qu’il fasse ses preuves dans son mandat de conseiller général et dans ses responsabilités d’administrateur, il prouvera alors qu’il a l’étoffe et qu’il pourrait avoir de plus grandes ambitions. Et puis, accessoirement, qu’il se mette à briller dans ses études. La politique n’est pas un métier, c’est une responsabilité accordée par les électeurs et l’opinion peut se révéler versatile …
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là tu es conservateur. Un conservateur aiime garder les privilèges de naissance, un libéral aime le mérite et la vie qu’on se construit par ses talents à soi…bref le vrai libéralisme est de gauche, ce billet le prouve…
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Je ne fais que constater ce qui est, à gauche comme à droite, cher Romain. Et tu le sais très bien. Ta sentence est d’ailleurs bien loin de ta pensée. Ne t’en déplaise. Là encore, je jugerai aux actes…
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nous prend t »on pour des idiots,,,,,,
que sarko aide son jean-jean c »est normal et oui
mais la? la ficelle était trop grosse,
il paye la guerre ouverte entre devedjian-balkany,filions voulait le prolonger d »un an et oui
les bons amis de nicolas,condamné pars la justice,ben voyons ont fait pressions,pour le phénomène jean-jean
un futur élite de la nation,,,,ben voyons
tout les soutiens du fiston passe pour des faux culs,il fallait sauver le soldat du patron,
lui déplaire,c »est se suicider politiquement,il est rancunier le nicolas
rama fut plus courageuse,même s »il a fallut revenir en arrière,
elle a eu tord,
comme la place est bonne,et pas fatiguante,
on s »assoie sur sa conscience
pour moi,c »est une connerie de plus de nicolas,
et c »est la preuve que son entourage est faite de cireur de pompes
un enfants,doit d »abord faire ces preuves,et oui
que nous les aidons,c »est tout a fait normal
je vais lui donner un conseil,si,si
va te rendre compte ce que c »est une entreprise priver
darty te tend les bras,,,,,,la,,c »est pas gagner d »avance
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ERdB bonjour,
L’héritage est le fruit d’une transmission.
Qu’il s’agisse d’un boulanger, d’un boucher ou d’un ayant droit, être héritier n’a rien d’infamant même s’il est d’usage d’hériter après une transmission.
La question est ici de savoir si – tel sous la noblesse d’empire – les prébendes du pouvoir d’un territoire annexé (de fait et de droit, j’en conviens aussi…) peuvent être captés par la famille régnante.
Ce qui est surtout croquignolet dans cette pathétique aventure politique, c’est de penser que si le prince Jean était le meilleur « candidat » à la présidence de l’EPAD; cela démontrerait que le reste de l’exécutif de ce département était moins légitime parce que moins compétent et/expérimenté pour assumer cette charge. C’est in fine cela qui est le plus préoccupant.
A l’heure de menaces de « jacqueries », les péripéties de « Jean sans Défense » commençaient à avoir un arrière goût des croissants de Marie Antoinette.
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Pourquoi tant qu’à être dans un grand débat sur les « fils de » ne parlons nous pas aussi de Saif al-Islam Kadhafi qui a pris la tète en Libye du CCPS, dans le but ici afficher de succéder à son père, et ce dans un pays ou le peuple ne sera certainement pas consulté pour le choix du successeur. Il serai donc il me semble de bon ton de replacer les choses dans leur contexte et de relativisé l’importance de cette tentative de nomination. Une tentative qui au bout du compte n’aurais fait que légitimé ou non un politique parmi d’autre dont les actions aurait été, de plus, jugées avec beaucoup plus de sévérité que celles des autres.
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Cher collègue
Si je suis d’accord avec vous sur votre première analyse, « Noêl Mamère est souvent ridicule » je ne vous suis pas du tout sur la seconde. car la nomination de JS à la tête de l’Epad l’était tout autant … ridicule. S’il avait la légitimité électorale (et encore, s’il ne portait pas ce nom, il n’aurait même pas pu penser à se présenter aux cantonales, surtout dans la canton en question) il n’avait aucune autre légimité : pas d’expérience (il en faut me semble t-il pour briguer un tel poste) pas de compétence spécifique, pas de diplôme, et en terme de d’exemplarité : bonjour le symbole : une cata pour l’opinion à tous les niveaux même dans son propre électorat. Non désolé, mais c’est totalement indéfendable. Le cas du fils Collomb l’était beaucoup plus. Car lui avait l’experience et la compétence et il s’est posé moins de questions. Rassurez vous, les débouchés des « fils de » restent larges (dans les médias et la culture, ils sont légions. ) En politique, il faut être un peu moins pressé. Qu’il retourne un peu en fac et on verra plus tard. Enfin, pour en cotoyer, je pense que le fait d’être « fils de », justement, déconnecte parfois du monde réel.
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Pour une fois, je te trouve bien clément cher Eric !
Rémi HANACHOWICZ , que ns connaissons bien tous les deux, était déjà avocat à 21 ans si je ne me trompe pas ?
Et non en deuxieme année de droit à 23 …..
Le pb de jean SARKOZY n’ a rien à voir avec son age , mais uniquement ses « compétences » !
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La confusion « Jean » et « Marie » disqualifie votre propos.
La seconde ne doit rien à son père.
Le premier devrait plutôt s’occuper de ses études. Et faire sa place ensuite.
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