Oseille oh désespoir !

On connaissait le film de Woody Allen « prends l’oseille et tire-toi ! ». Selon certains politiques, depuis quelques jours dans l’académie de Créteil, c’est plutôt « reviens et prends l’oseille ». Drôle de film… qui déchaîne passions et quolibets à droite comme à gauche. Tentons d’y voir plus clair…

Un constat pour démarrer : l’absentéisme dans les lycées professionnels est de l’ordre de 11%. Un chiffre énorme ! Et plus les classes sont « difficiles », plus cet absentéisme est quasi impossible à gérer.
L’absentéisme peut être sanctionné, bien sûr, mais par quoi ? L’exclusion temporaire de l’élève ? C’est justement ce qu’il attend. Des amis enseignants m’affirment que réussir à faire exécuter des sanctions (comme les fameuses heures de colle dont je garde de cuisants souvenirs) est aussi difficile que de faire travailler une classe « normalement ». Face à des élèves ayant perdu souvent tout repère d’autorité, face à la force d’inertie d’un groupe, face à la violence qui parfois s’exprime, les enseignants perdent souvent pied.

Juillet 2009. Le conseil de gestion du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse donne les résultats de son appel à projets. 165 dossiers ont passé le barrage qui leur ouvre la porte à un fonds de 65 millions d’euros.
Martin Hirsh, le Haut commissaire à la Jeunesse, explique que « l’expérimentation prévoit la mise à disposition, sous condition, des fonds permettant aux élèves de construire un projet collectif ambitieux (action sociale, aménagement de classe, achat de matériel informatique, sportif ou culturel, voyage scolaire etc.). »
Concrètement, deux mille euros sont alloués à la classe au départ et cette somme pourra monter jusqu’à dix mille euros si les conditions négociées en classe sont respectées.
Depuis le 5 octobre 2009, six classes de trois lycées professionnels de l’académie de Créteil sont concernées, soit environ cent cinquante élèves. Rappelons qu’il s’agit d’une expérimentation…

Je dois vous avouer que face à cette annonce, j’ai hurlé comme tant d’autre. D’autant que, dans une autre mesure, un lycée de Marseille expérimente une autre proposition : des places de l’OM contre l’assiduité. Sorte de mécanisme gagnant-gagnant. Tu viens étudier le français puis tu pourras chanter avec tes potes « OL, on t’enc… ! »
Et ici, comme ailleurs, où commencent les droits et où finissent les devoirs de l’adolescent ? Et qu’offrir à ceux qui viennent de leur plein gré ? Et pourquoi récompenser « l’anormalité » ?
Après avoir tempêté de tout mon saoul, je me suis rappelé qu’il s’agissait d’une expérimentation. Voulue par ces responsables d’établissement scolaire. Bruno Sochan est le proviseur du lycée Alfred-Costes. Il raconte : « Le bâton, je le donne depuis des années, et ça ne marche pas », et ce malgré des sanctions (communication de l’absence aux parents, heures de colle…). Il reconnaît l’aspect étonnant de la mesure : « C’est vrai que ça peut sembler un peu étrange, mais si ça marche ? »
J’entends les Hollande, Bayrou et consorts prononcer l’arrêt de mort de cette expérimentation avant même d’en avoir pesé tous les fruits (les pourris et les mûrs). Style Vade retro Satanas. J’entends François Bayrou déclarer au JDD ce week-end : « A l’école, l’argent ne devrait pas avoir droit de cité. L’école pour les familles est le lieu où ce qui compte n’est pas l’argent mais le savoir, le respect et l’autorité. » Vision juste, mais un peu idéaliste. Il suffit de voir la course aux marques à laquelle participent les enfants pour comprendre que l’école ne vit pas aux marges de la société. Et qu’elle en est même au cœur ! Or l’argent est roi dans bien des domaines de la vie quotidienne et les enfants sont confrontés très tôt à cette réalité. On peut le regretter, inculquer d’autres valeurs à ses rejettons, le fait est la. Il faut donc le prendre en compte, à défaut de l’assumer.
Tous ceux qui critiquent la mesure semblent avoir des solutions toutes faites pour enrayer cet absentéisme. Mais pourquoi ne les applique-t-on donc pas ? D’ailleurs, ils ne les donnent pas.

Une question se pose cependant : L’école doit-elle faire envie ? Devenir une source d’attraction ? Oui, et cela peut être le cas, en fonction bien sûr de la motivation et de la compétence pédagogique des professeurs, mais en général, c’est le cas. La preuve, c’est qu’il y a toujours quelques élèves qui accrochent bien. Le problème, c’est que l’absence de travail ou même l’absence de présence physique proviennent surtout de certains élèves, et que la situation changera peu quelle que soit la manière d’enseigner, hélas. On est loin des cours de John Keating et du légendaire « Carpe diem »… même si nous avons tous eu quelques profs au leadership et aux techniques d’enseignement promptes à susciter l’envie, voire la passion. Je me souviens d’un prof de maths de 3è ou de Monsieur Ecotto, à l’université, en TD de Deug, aux méthodes si différentes de la sacro sainte norme qu’il avait réussi à nous conduire aux sommets avant qu’on ne lui demande d’aller faire ses TD ailleurs. La réussite n’avait pas bonne mine dans le monde de l’uniformité.

Alors, les dispositions de cette cagnotte renforceront-elle ce culte de l’argent roi ? Pas si sûr. Il ne s’agit en effet, contrairement à ce que j’avais compris en écoutant les éditorialistes et commentateurs de tous poils, de donner de l’argent individuellement à chaque élève mais de budgéter un projet collectif.
L’argent ne doit pas être une valeur, je pense que l’on se retrouvera tous sur cette ligne. Mais il ne doit pas non plus être honteux. Construire un projet nécessite un budget, donc un financement.
Selon le recteur de Créteil, Jean-Michel Blanquer, elle est même « aux antipodes de l’individualisme consumériste. » Cette expérimentation « est à la fois collective et responsabilisante : c’est la présence de tous qui contribue au succès de tous. »

Si les élèves ne vont en cours que dans la perspective de faire un voyage d’études ou de financer un permis de conduire, ce n’est pas vraiment glorieux. Mais si j’ai bien compris, dans les critères qui ouvrent droit au financement du projet collectif, il y n’a pas seulement le présentéisme mais aussi des critères de travail, de moyenne générale (il faut par exemple que plus de 75% des élèves de la classe obtiennent au moins une moyenne de onze sur vingt).
Un seul regret, que l’on ne propose pas aux élèves de financer par leurs actions une partie du projet collectif. Histoire de prouver encore plus leur implication. Je me souviens d’un séminaire que j’animais il y a un an. Il s’agissait de construire un projet au sein d’une équipe. Une personne, très négative, m’avait apostrophée devant tout le monde, violement. Pour elle, ces deux jours étaient voués à l’échec. Pour elle, ça ne marchera jamais. Le matin du second jour, elle avait commencé à changer d’avis, avant de se déclarer publiquement volontaire pour aller plus loin le soir venu. Je reste persuadé que la motivation, cela se construit. Il faut parfois quelques artifices. Cette prime à la « non casse d’une vie » peut en faire partie. Laissons l’expérimentation se dérouler et tirons-en, calmement et honnêtement, les conséquences.

Les Commentaires ( 13 )

  1. de Jérôme Manin
    posté le 7 oct 2009

    Avec un peu de chance, si on est pas trop cons, on va inventer les bourses d’étude….

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  2. de michel
    posté le 8 oct 2009

    regardons la vérité en face
    qui est absent de ces écoles?
    courage,messieurs,,,toujours les mémés et oui,il faut parler franchement
    et puis parlons de ces lycées et de la formation
    un désastre,
    de très nombreux jeunes sortent diplômer,et sont incapable de travailler dans nos entreprises,
    et ces jeunes tombe de haut
    la notion de rentabilité,de rapidité,le respect des horaires,ect ect
    c »est une connerie de plus,du gouvernement
    l »école est OBLIGATOIRE,les parents sont responsables,
    il ne vient pas,,,sanction sur les allocations,l »argent est le nerf de la guerre
    sur ce coup,il ont le beurre et l »argent du beurre
    les expériences ont connais,tout comme les experts,conseillers,j »en passe et des meilleurs
    l »imbécile c »est toujours le contribuable,et en période de crise,il aurait fait mieux de le verser aux caisses de retraites,
    dans l »artisanat beaucoup touche moins de950 euros
    il est vrais que c »est toujours plus facile de distribuer l »argent des autres,,,,

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  3. de charlotte dameron
    posté le 8 oct 2009

    je suis tellement d’accord avec michel ….

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  4. posté le 8 oct 2009

    @ Michel et Charlotte. Il me semble que les sanctions sur les allocations existent déjà. Sont-elles mise en place, j’avoue que je l’ignore.
    Pour vous faire plaisir, ce communiqué de La droite libre, un « filiale » de l’UMP

    L’incitation financière à l’assiduité scolaire que met en place l’Académie de Créteil est une aberration sans précédent dans un système qui marche sur la tête.

    Il convient en premier lieu de rappeler que la gratuité et l’universalité de l’éducation fait partie des grands principes républicains acquis de haute lutte il y a à peine plus d’un siècle en France, et que des millions d’enfants à travers le monde en sont toujours privés. Dans ces conditions, vouloir résoudre l’absentéisme scolaire par une incitation financière a quelque chose d’indécent.

    En second lieu, cette mesure entérine le désengagement total des parents qui n’assument pas la responsabilité d’envoyer leurs enfants à l’école. Ainsi, si la suppression des allocations familiales aux familles qui n’assument pas leurs obligations est pleinement justifiée, l’incitation financière envers les élèves est totalement anormale. l’école en France est non seulement universelle et gratuite, mais elle est aussi obligatoire. La règle est que le non respect de l’obligation scolaire est assorti d’une sanction ; il n’y a pas lieu de récompenser ceux qui s’acquittent d’une obligation !

    A l’heure où la crise contraint les finances publiques à des déficits records, il est particulièrement choquant pour les Français que leurs impôts servent à financer des mesures de ce type.

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  5. de Roland
    posté le 8 oct 2009

    Michel et Charlotte, si tout était aussi simple que vous semblez le dire, le problème serait résolu depuis longtemps.

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  6. de michel
    posté le 8 oct 2009

    l »ètat est incapable de régler les variables ,et surtout ceux de l »éducation nationale et les lycée professionnelle,
    depuis que l »école est obligatoire a 16 ans ,plus la suppression du service militaire,c »est le foutoir partout
    a l »époque,ont s »est opposer a cela,
    plus de jeunes dans les métiers manuels,tous a l »école,90 pour cent au bac et alors?
    nos métiers ont besoins de ces jeunes,et il y a des débouchés,et dans l »avenir,avoir leurs propre boites
    pour cela,il faut revenir en arrière dans de nombreux domaines
    est t »il trop tard, bien sur que non
    mais arrêtons de faire du social et de l »assistanat,,et de tout taxé,
    se sont les politiciens irresponsables qui nous ont ruiner ,
    donner leurs votre boite,en six mois,il vous la coule

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  7. de Jérôme Manin
    posté le 9 oct 2009

    Félicitons nous quand même de l’incurie de l’état en matière d’éducation nationale, nous aurions sinon des messages en français, avec des césures et une ponctuation horriblement conservatrice.

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  8. de michel
    posté le 9 oct 2009

    mon cher Manin
    dans de nombreux métiers artisanaux,les chef d »entreprises,n »on que leurs CAP professionnelle
    alors l »orthographe,n »est pas un critère de rèussite,loin de la?
    de très nombreux chef ont très bien réussie dans la vie,et son tres bien entourer,expert contable,ect ect
    les donneurs de leçons n »on jamais pris beaucoup de risque
    le dicta de l »orthographe ou les maths ne sont pas un gage de rèussite
    c »est pour cela que le foutoir est dans nos lycée professionnelle
    une grande majorité ,de ces jeunes refuse l »école,obligatoire?
    dans nos entreprises,et avec de bons patron,ils ont l »avenir devant eux
    un exemple parmi d »autre
    farouk
    sachant très peu lire,ect ect
    apprentie chez moi,il en est le second,je formais quatre apprenties,tout les ans
    certes il faut un minimum,le principal c »est d »être capable d »aller n »importe ou dans le monde grace a son travail
    j »ai un neveu au quatar,il a quitter l »école a 14 ans
    il faut varoliser nos métiers,c »est l »avenir
    quand je voie,bac plus 8 a 1800 euros, pour débuté,les mateux et les cadors en orthographe doivent avoir du regret,
    triste,mais vrais
    il est facile de critiquer,de faire des rèflexion ,mais cela n »a jamais été un critère de rèussite

      Répondre

  9. de Jérôme Manin
    posté le 9 oct 2009

    Il est vrai que je ne m’étais pas risqué à aborder le sujet de l’orthographe…. Le point est à 1 €, Erick achète les boissons….

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  10. posté le 9 oct 2009

    JM livre les cahouettes et les olives quant à Romain, grand spécialiste en orthographe, il pourrait faire le dîner presque parfait !

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  11. de Jérôme Manin
    posté le 9 oct 2009

    On va se faire un dîner de bons….

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  12. de Xavier MARTI
    posté le 12 oct 2009

    Je suis un peu comme toi Erick, on peut tenter l’expérience, pour voir , mais sans trop de convictions …

    Mais si on ne s’attaque pas d’abord aux causes de cet absenteisme ( mauvaise orientation, orientation par défaut, etc … ) ça risque de ne pas etre tres concluant …

    Sinon, je propose que le « présentéisme » , soit récompensé par des points retraite ?

     » Venez en classe et vs partirez en retraite plus tot !  » ! lol !

    Vu comme ça part , ça ns pend au nez !

    Bonne journée,

    XM

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  13. de Robin des Bois
    posté le 12 oct 2009

    Une simple question, les personnes les mieux payés étant en général les personnes ayant le plus travaillé lors de leurs études et aussi celles qui paye le plus d’impôts, est il normale qu’elles payent pour l’absence de motivation de ceux qui ne travail pas?
    Et une fois de plus c’est proposé une carotte à ceux qui ne font rien alors que les élèves des lycée qui ne posent pas de problèmes peuvent se la mettre la où je pense la susnommé carotte! Si l’objectif est la motivation il me semblerais plus judicieux de proposé ce genre d’initiatives dans les lycée les plus méritant, et arrêtons enfin de récompenser la médiocrité!
    En suivant cette logique on devrai donc retiré ce privilège au lycée qui réussissent trop bien, puisse qu’ils ne seront plus « à problèmes »… Je pense qu’ils vont être super motivés…

    PS: pour des raisons personnelles que vous aurez tous identifié, en ce qui concerne l’orthographe je prône une certaine tolérance, voir même du laxisme^^
    Après tout c’est bien la science des imbéciles d’après Victor Hugo.

      Répondre

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