B.A. Pour les êtres bien nés, tendance scouts toujours prêts, B.A., c’est la bonne action. Bonne action du matin n’arrêtant pas le pèlerin, c’est bien connu ! Mais en ce 1er janvier, c’est « Bonne Année ». Vous savez, ce rituel tendance hypocrite qui nous pousse à souhaiter des vœux à qui mieux mieux, et d’abord à ceux à qui on n’adresse que peu la parole. Sorte de B.A. de début d’année en sorte.
« Tous mes meilleurs vœux ! ». Comme si cette personne allait, à la rencontre suivante, présenter « tous ses pires vœux ! » « Allez, je vous fais la bise, quand même ! » Pourquoi quand même, on ne le saura jamais. Mais on redoute le pire. Allez, la bise et bonne année !
Je vous écris ce billet de Cluny. Le salon de mon ami qui nous héberge en cette veille de nouvel an plonge sur la vallée. Il est de corvée de carte de vœux. « Quand je pense à tous les cons à qui je suis obligé de souhaiter une bonne année ! » Dur ? Non réaliste. Allez, avouez, vous aussi vous préféreriez souhaiter une B.A. à des êtres cher, alors que la plupart du temps, la B.A. s’apparente à une B.A. de convenance.
Et vous, chers lecteurs ? B.A. ou B.A. ? En attendant, et de tout cœur, je vous souhaite une B.A. 2010, et ce n’est pas une bonne action. Juste un remerciement. Vous le méritez, car vous avez cliqué plus d’une fois sur mon blog pour lire mes bêtises. Et parfois, j’en suis sûr, ce clic s’est apparenté à une B.A.
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Bon, parlons de choses sérieuses. Et des mots de 2009. MOTS et non MAUX, même si parfois le choix des Français dans cette excellente enquête de l’institut Mediascopie, dirigé par mon ami Denis Muzet, pourrait porter à confusion. Pour faire simple, deux questions : Quel bilan les Français font-ils de l’année 2009 à travers les mots qui l’ont marquée ? Quels pronostics et projections font-ils pour 2010 ? 130 groupes de mots ont été sélectionnés par Médiascopie et soumis au jugement d’un échantillon représentatif de Français. Instructif… Cliquer ici pour télécharger le mapping des mots mapping Les mots de 2009.
Vous vous en doutez, ces mots sont d’abord ceux des menaces. Menaces sur le pouvoir d’achat, avec la hausse des prix et des prélèvements, présents ou à venir. Menaces sur le travail : en quantité, avec la hausse du chômage ; en qualité, avec les suicides en entreprises qui ont meurtri l’imaginaire collectif. Mais, commente Denis Muzet, « menaces aussi sur les libertés, avec la loi Hadopi (3,4/10). Comment expliquer que celle-ci ait laissé un si mauvais souvenir, sinon par le fait qu’elle a été ressentie comme une atteinte, non à la création, mais à la libre consommation ?
Paradoxe, en cette année de fins de mois difficiles, les Français ont réaffirmé leur statut de consommateurs Roi, parce que, saisis de doutes sur l’utilité de leur bulletin de vote devant l’impuissance du politique submergé par la crise, ils magnifiaient le seul pouvoir qui leur restait : le pouvoir d’acheter, à défaut de disposer du pouvoir d’achat. »
Premiers au classement des maux (et des mots), l’augmentation des prélèvements : l’augmentation des tarifs d’EDF (1,4/10 sur l’échelle verticale, mot le moins aimé des Français, ex æquo avec le crash de l’Airbus AF447 d’Air France à Rio), l’augmentation des impôts locaux (1,5/10), la baisse du taux du livret A (1,7/10), le projet d’augmentation du forfait hospitalier (2,6/10), l’imposition des indemnités d’accidents du travail (3,4/10), sont apparus au fil de l’année comme autant de mauvaises nouvelles dont l’accumulation a fini par installer dans le pays un climat négatif.
Simultanément aux atteintes au pouvoir d’achat, c’est le travail, fondement de notre identité, qui s’est trouvé menacé en 2009. Le danger sur le travail s’est manifesté de deux façons :
- au plan de sa quantité, avec le risque de perdre son emploi : hausse du chômage est, à 1,6/10 sur l’échelle verticale, l’un des mots les moins aimés ; et, à 7,8/10 sur l’échelle horizontale, celui que les Français s’attendent à voir le plus revenir dans l’actualité de 2010
- au plan de sa qualité : la relation au travail s’est fortement dégradée, sinon objectivement, du moins dans les représentations collectives, sous l’effet des évènements marquants et très médiatisés des suicides en entreprises (1,7/10).
Autre menace, que nous sommes nombreux à ressentir, celle sur l’identité nationale confondue de plus en plus par certains comme une mise en opposition avec les immigrés, voire avec les musulmans. Les Français n’ont pas trop aimé le débat lancé par Eric Besson (4,7/10) et ils pensent le retrouver en 2010 (7,3/10). Ils jugent en revanche positivement le débat lancé sur le port de la burqa (5,7/10). « Ils n’ont que modérément apprécié la fermeture de la jungle de Calais ou le renvoi de trois clandestins afghans dans un Kaboul encore en guerre, en écho aux foyers de menace internationale : intervention militaire en Afghanistan, intervention israélienne à Gaza, tirs nucléaires en Corée du Nord… L’instabilité du monde, en dépit d’efforts de coopération, n’a cessé d’exacerber un sentiment d’insécurité globale, quand bien même l’attribution du Nobel de la Paix à Obama était un signal positif. L’inquiétude, c’est aussi une démocratie qui se cherche, en Iran par exemple où l’arrestation de Clotilde Reiss suscitait la tristesse, tandis qu’on se réjouissait des manifestations post élections. Autres maux, les défaillances de la technique qui jettent le doute sur la capacité de l’homme à maîtriser sa “modernité” : crash de l’Airbus AF447 d’Air France est l’item le moins aimé de 2009. Sans oublier la grippe A et, bien sûr, le changement climatique que ne parviennent pas à contrebalancer les signes encourageants que sont le score d’Europe Écologie aux Européennes ou le Sommet de Copenhague. »
La menace climatique vient s’ajouter aux sources d’angoisse précédentes.
Ainsi la sécheresse liée au changement climatique est un « mot » négatif, au troisième rang des items attendus en 2010. Plus localisés, la tempête Klaus dans le Sud-Ouest (2,4/10) ou le tremblement de Terre de l’Aquila en Italie (2,1/10) sont jugés négativement, mais moins susceptibles de se reproduire.
Face à la menace du réchauffement de la planète, si la création d’une taxe carbone n’est pas jugée favorablement (le mot n’est pas aimé à 4,2/10, mais il est au quatrième rang des item attendus en 2010), d’autres moyens d’action sont, en revanche, plébiscités : par ordre croissant d’appréciation, on trouve ainsi le bonus/malus écologique (apprécié à hauteur de 5,7/10, attendu en 2010 à 6,8/10), le score d’Europe Ecologie aux élections européennes (apprécié à hauteur de 6,3/10), le Sommet de Copenhague (apprécié à hauteur de 6,4/10, l’enquête s’est déroulée avant le calamiteux résultat du sommet), ou encore le film “Home” de Yann Arthus Bertrand (apprécié à hauteur de 6,7/10).
Le remède : les 3R
Si les mots des maux dominent 2009, les Français s’imposent la règle des 3R pour les repousser dans l’histoire. R comme réforme, R comme révolte et R comme règle.
La réforme, thème de campagne à la fois de Ségolène Royal et de Nicolas Sarkozy lors des dernières présidentielles, semble enfin d’actualité dans l’esprit des Français. Mais pas n’importe quelle réforme. Celles qui servent à sortir de la crise, pas celles qui masquent ou qui leur apparaissent comme cautère sur jambe de bois. Témoin les bons scores du plan de relance (6/10), du RSA jeunes (5,9/10) ou de la baisse de la TVA dans la restauration (5,6/10), la création du Pôle Emploi (5,2/10). Le soutien aux banques recueille 4,6 alors que le remboursement des prêts de l’Etat aux banques est noté à 6,1/10. En revanche, la réforme des universités, des collectivités territoriales, du statut de La Poste, de la taxe professionnelle, des plaques minéralogiques… éloignées des remèdes à la crise, peu ou mal expliquées, sont critiquées.
La révolte, classique français (on a tous en mémoire les citations de De Gaulle sur le sujet !) est le second mot de 2010. « Dans une France qui souffre, la révolte est un mouvement naturel, mais nos concitoyens entendent l’exercer à bon escient et en y mettant la forme. Ils condamnent le recours à la violence, en Guadeloupe, dans les Universités, dans les entreprises. Ils saluent, par contre, les révoltes saines, donnant des bons points aux mouvements collectifs (les producteurs de lait, les marins pêcheurs…), aux élus récalcitrants (la fronde des maires, notée 6,1/10)… »
Point positif, les révoltes violentes sont rejetées : LKP en Guadeloupe (4,5/10), séquestrations de dirigeants d’entreprises (4,1/10), violences urbaines à Strasbourg (2,5) ou à Poitiers (1,8).
Troisième R, plus surprenant sûrement, la règle. La France de 2009 a un fort goût d’interdit et de morale. Elle applaudit à l’interdiction des portables à l’école et à la limitation des bonus des traders. Elle rend hommage aux athlètes ou aux artistes qui réussissent sans voler leur victoire. Elle siffle les tricheurs, Madoff comme Armstrong. Elle jubile quand les “puissants” qui ont fauté sont condamnés : le couple Tibéri ou Charles Pasqua. Elle attend Chirac en 2010 (6,1/10). Et elle se réjouit de la fuite d’un Tony Musulin, symbole de la France qui se lève tôt et trime dans le stress, emblème de la revanche des “petits” sur les “puissants”. Même si tout n’a pas été écrit sur cette histoire. Syndrome Robin des Bois ou Mandrin. Les voleurs sont sympathiques, même s’ils enfreignent la règle et la morale. Paradoxe français !
Si, en cette fin 2009, la crise financière semble derrière nous, si la crise économique semble en passe d’être surmontée, « il est une crise dont les Français se disent qu’elle n’a pas été traitée : celle de la morale, à l’origine de tous les excès qui ont mis le monde en panne. L’an 2010 s’ouvre sur un appel solennel et paradoxal à conjuguer l’ordre et la solidarité, le respect et l’autorité. »
Café du commerce, direz-vous peut-être à la lecture de ces résultats. « Et en plus, ils ont le droit de vote », oseront même certains. Sûrement, mais comme le disait Churchill, « la démocratie est le pire des systèmes, mais je n’en ai pas trouvé de meilleur. »
A la lecture de cette étude, on pourrait dire, comme Alphonse Allais : « Je ne prendrai pas de calendrier cette année, car j’ai été très mécontent de celui de l’année dernière ! »
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Citation pour citation, je préfère encore celle-ci, de Sacha Guitry : Le premier janvier est le seul jour de l’année où les femmes oublient notre passé grâce à notre présent.
Sinon, tout à) fait OK sur ces vœux à la c… Marre de ces hypocrisies. On ne le dit qu’à ceux que l’on apprécie et basta pour les autres au moins les choses seront claires.
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Dans Alice au pays des merveilles, on souhaitait un joyeux non-aniverssaire. Donc joyeuse non-année Eric !
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bonne année Erick
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@ Romain et Marc O., à vous aussi, bonne année 2010 ! Soyez forts !
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Merci Erick, ta première B.A. est de pardonner à ceux qui t’ont souhaité une bonne Année en 2009, C’est le B.A.BA pour s’autoriser une Bonne Année 2010 et un plaisir de voir se réveiller le BABA cool qui sommeille distraitement en toi
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Il ne nous reste que très peu de rites familiaux et sociaux . Essayons de garder celui des voeux , sinon nous finirons par ne même plus nous saluer dans l’escalier (ou dans l’ascenseur…)
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Bonne année à tous !!!!
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@Milan. Bonjour chère amie du 3è ! Je salue mes voisins d’abord parce que je suis bien élevé (enfin parfois !) et ensuite parce que cela me semble courtois. Souhaiter la bonne année peut effectivement entrer dans ce cadre, mais ce sont des souhaits creux, vides de sens, sorte de vulgate mécanique. D’ailleurs, il n’y a qu’à entendre le phrasé de nombre d’interlocuteurs pour s’apercevoir qu’ils diraient « passe moi le sel », cela reviendrait au même.
En revanche, des vœux dits avec cœur, avec de l’affection, pensés et sensés, alors là, oui je prends.
Et je vous les envoie, de tout cœur, et ce n’est pas une BA !
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Bonne idée Erick, je vais tenter lundi, lors des quand même obligés vœux mécaniques de prendre l’attitude adéquat, le dos très légèrement arrondi, les sourcils relevés, le sourire à la Soubirou, la poignée de main consolidée en décrochant un très chaleureux « passe-moi le sel » pour voir l’effet…
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Oui eh bien moi je fais ma B.A si je veux à qui je veux, la preuve: BONNE ANNÉE à qui je veux!
Sinon, je voudrais partager ce message de fraternité émis par le poète Daniel Maximin :
« Est-il possible d’avoir une fraternité avec des inconnus, avec d’autres avec celui qui n’est pas de ma couleur, qui n’est pas de ma religion, qui n’est pas de mon pays?
Oui parce c’est la manière la plus profonde de se battre au delà des frontières qui nous séparent pour restaurer quelque chose qui va nous protéger à l’interieur même de nos frontières. »
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Cher ERdB,
Donc…avec un peu d’avance, joyeuses Pâques alors…
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Joyeuses Pâques…. Alors tous mes œufs pour cette nouvelle année.
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Un bon cru ( presque comme tjrs ) pour ce permier article de 2010.
En tout cas, perso, je fais ma B.A à ceux que j’ai envie, tout simplement !
Donc, Bonne Année à toi Erick et aux tens.
Xavier
PS : ds les mots de 2009, tu aurais pu rajouter une touche personnelle mais au combien importante : Camille !
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Ben Alors, je choisis la B Attitude….et te dis quand même à Bientôt Amigo
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Cher Erik, une bonne et très heureuse année 2010 pour toi et tes proches.
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