Jouissif ! Encore !!

Altro Canto Part I

Altro Canto part 1. Je dois vous avouer ma profonde inculture quant à la danse. Qu’elle soit classique ou contemporaine. Bien sûr, je connais Marius Ivanovitch Petipa, Bill T. Jones ou Béjart. Mais sans plus. Ou alors, une fois tous les deux ans, grâce à Guy Darmet.
Altro Canto part 1, c’était l’autre soir à la Maison de la Danse. Plus qu’émouvant, plus que dérangeant, plus que magique, plus que… C’est bien simple, je suis resté bouche bée (ou bouche ouverte, en fonction des moments) tout au long du spectacle !

Cette création de Jean-Christophe Maillot, le charismatique patron des Ballets de Monaco, mobilise 22 danseurs, habillés par Karl Lagerfeld, sur une puissante musique de Monteverdi. Classique et furieusement moderne à la fois. Les mouvements des danseurs, tout en fluidité, en force et en fragilité, frôlant parfois l’intimité, espace d’émotion pure. Le décor est minimaliste. Un fond noir et un ciel de bougies, lumières douces en guise d’écrin qui appellent, musique aidant, au recueiAltro Canto Part Illement. Tiens, un clic ici pour visionner des extraits, forcement trop courts.
A l’arrivée, 7 rappels. Un triomphe. Cette pièce m’a heureusement fait oublier la première partie, une création de 1913, Le sacre du printemps de Vaslav Nijinski. Je dois vous avouer que je ne suis pas arrivé à entrer dans l’histoire. En 1913, la création avait choqué, provoquant bagarres et scandales. 100 ans plus tard, le public était calme, mais il ne m’a pas semblé conquis. Deux petits rappels, un entracte et Altro Canto part 1. Jouissif !

C’est à la Maison de la Danse jusqu’à mardi soir. Les résas, c’est par ici. Vous ne regretterez pas !

Bien entendu, certains n’ont pas aimé. Ils étaient rares… J’ai entendu un éminent et imposant (au propre comme au figuré) gestionnaire de collectivité regretter que « l’on mette des tutus à de grands gaillards », estimant que faire danser « deux hommes ensemble était équivoque… » Certains voient le mal partout. Ou ne possèdent plus la nécessaire sensibilité qui permet simplement de dire que c’est beau. Point.

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Ce billet me donne l’occasion de vous dire deux mots de l’ami Guy Darmet. C’était en 1984, il lançait la première Biennale de la Danse, sous la pluie, au Théâtre antique de Fourvière. Cette 14e édition sonne l’heure de son départ. Toujours égal à lui même, son discours d’adieu fut empreint à la fois de dignité, d’humour et de cœur. Guy Darmet est un grand monsieur, une belle personne. Sa dernière biennale se nomme simplement « Encore ! ».  » j’ai voulu que la Biennale 2010 soit un oiseau libre, sans thème, mais avec un titre explicite “Encore !” Dans son sens français teinté de désir et de gourmandise et dans son sens anglo-saxon le “bis”, le rappel offert aux spectateurs comme un présent d’au revoir. »

Dominique Hervieu, précédemment « patronne » de Chaillot, lui succèdera. Guy se partagera sûrement entre le Brésil et la France. Je lui souhaite beaucoup de pas de deux, de la légèreté et du bonheur, comme il avait su nous en donner pour la Biennale 1996, « Aquarela do Brasil » où il avait réussi l’exploit de faire danser les spectateurs de l’Auditorium. Même Raymond Barre avait bougé, c’est dire !

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414Yq1O+HoL._SL500_AA300_Tiens, un livre qui m’a fait rire. En allant au Portugal cet été, les voyageurs en attente d’embarquer à l’aéroport de St Exupéry me regardaient d’un œil bizarre tant je gloussais. Un livre jouissif, c’est rare. « Tante Mame », petit bijou vintage des 70′s, qui vient d’être réédité, fait un carton plein.

Pourtant, les éditeurs n’étaient pas immédiatement tombés sous son charme. Le roman de l’Américain Patrick Dennis fut refusé une quinzaine de fois avant de devenir un best-seller en 1955. Livre culte des fifties, adapté au cinéma avec Rosalind Russell dans le rôle titre, et dans des comédies musicales à Broadway, Tante Mame a fini par tomber dans un relatif oubli, tout comme son auteur, reconverti en majordome à la fin de sa vie et disparu en 1976.

D’une superficialité totalement assumée, Tante Mame s’inscrit « dans la veine comique anglo-saxonne : situations invraisemblables, dialogues hilarants et un sens du rythme », estiment les Inrocks.

L’héroïne fantasque, très largement inspirée par la propre tante de l’auteur, est toujours fourrée dans des aventures impossibles. Mame évolue dans le New York intello et arty des années 20. Célibataire émancipée et noceuse (pour elle, “tôt le matin” signifie 11 heures), elle se voit confier la charge de son neveu Patrick, orphelin d’une dizaine d’années. S’ensuit une série d’épisodes désopilants, catastrophes en chaîne dont Mame se tire toujours avec panache.

Elle se met ainsi en tête de placer Patrick “chou chéri” dans une “nouvelle école divine, absolument mixte et complètement révolutionnaire” où tous les cours sont donnés nus, sous des rayons ultraviolets. L’expérience tourne au scandale.

“Ruinée” par la crise de 29, elle tient à trouver un travail alors que son CV se résume à quelques semaines comme effeuilleuse dans une revue. Elle s’essaie au journalisme, au théâtre, à la décoration d’intérieur et finit par vendre des patins à roulettes chez Macy’s. Chaque tentative se solde par un échec flamboyant.

Exubérante, sa vie est une perpétuelle représentation. Lorsqu’elle épouse un riche “Sudiste”, Mame se transforme en clone de Scarlett O’Hara. Plus tard, ses velléités littéraires lui font arborer le total look de l’écrivain maudit. Cougar avant l’heure, elle drague les amis d’université de Patrick et, pendant la Seconde Guerre mondiale, recueille six insupportables petits Anglais “qui auraient suffi à rendre Winston Churchill hitlérien”. Splendeurs et misères d’une anticonformiste délirante, Tante Mame n’a pas pris une ride ! On adorerait en avoir une dans sa famille…

Tante Mame (Flammarion) de Patrick Dennis, 350 pages, 21 euros

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