A quelques jours du premier tour des élections présidentielles, force est de constater que les « rebelles » d’hier semblent aujourd’hui rentrés dans le rang. Ce qui n’empêche pas les Français d’avoir pris goût à la fronde si l’on en croit les sondages.
En tout état de cause, les scores importants des deux trublions de la campagne, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, témoignent bien d’un échec patent du système. Alors qu’en 2007, il y a seulement 5 ans, on y croyait encore…
J’emprunte ce logo de l’excellente collection « Mondes Rebelles » (chez le nom moins excellent éditeur militant Yves Michalon) qui a bercé les amateurs de géopolitique. Il ne m’en voudra pas… Du moins j’espère !
Mondes rebelles, oui. Et la France, rebelle ? Nicolas Sarkozy le répète en boucle : « Les Français ont horreur qu’on leur dise à l’avance quel sera leur choix ». Bigre…
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C’était il y a presque un an. Paris bruissait du départ programmé de Sarkozy, menacé d’être le troisième, voire le quatrième homme face à un François Hollande crédité de plus de 60% des voix. Un éditorialiste du Progrès avait même théorisé le départ du président de tous les possibles, sûr à 1 000 contre 1 ! Bref, Sarko éliminé avant même d’avoir combattu. Il faut dire qu’après 5 années de feu nourri à la mode « haro sur le baudet », il n’y avait plus qu’une pichenette pour faire choir l’omni-président, victime de ses excès.
A quelques jours du premier tour, il semble aujourd’hui assuré d’être en finale. En position plus que délicate, mais en finale quand même. Avec cependant, selon les études d’opinion, encore près de 30% des personnes interrogées qui refuseraient de dire pour qui elles voteront. Une première à quelques encablures de l’urne finale ! Et un vrai élément d’incertitude quant au résultat annoncé.
Dans le camp Hollande, on ne pavoise pas encore, mais les cartes de visite sont quasiment chez l’imprimeur. Il faut dire qu’avec le pilonnage médiatique, la déception d’une partie de l’électorat, la crise économique, l’envie d’alternance est bien compréhensible. Même si la stature du candidat socialiste fait plus penser à l’ami-molette qu’à un futur « boss »…
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En fait, 2007 a laissé des traces. Cette campagne présidentielle portait un souffle nouveau, tant chez Royal que chez Sarkozy. Ca sentait le neuf, on se voyait sorti de la maison de retraite, le goût de la politique était de retour. Et même si nous sentions bien qu’ensemble, tout ne serait pas possible, la France avait envie d’y croire. Dans les deux camps. Témoin l’abstention, à son plus bas niveau (16%) depuis les élections de 1974, au premier comme au second tour…
Aujourd’hui, tant au niveau du PS que de l’UMP, tout semble terne. Pas d’espérance, si ce n’est celle de battre Sarkozy à plate couture d’un côté, ou de sauver sa peau de l’autre. Il faut dire que la crise est passée par là : l’alourdissement du fardeau de la dette publique, l’effondrement de notre balance commerciale, le démantèlement de nos industries sous les coups de boutoir d’une compétition sans règles et sans frein, l’explosion du chômage, le creusement des inégalités sociales, la paupérisation de la société, voilà ce que l’on risque de retenir des années Sarkozy. Même si, incontestablement, les Français reconnaissent qu’il est un capitaine efficace dans la tempête et le créditent de réelles réussites comme la réforme des retraites, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, son action à l’international, la création du RSA ou encore la défiscalisation des heures supplémentaires.
Reste que la campagne est élaborée sous la pression de marges budgétaires riquiqui, même si Hollande, dans un dernier coup de rein, promet de dépenser plus qu’il n’a en bourse. L’électorat est majoritairement incrédule ou désabusé. Au point que 25% des électeurs annoncent qu’il préfèrera fortement la canne à pêche ou le bulletin blanc.
La France rebelle n’est donc pas (plus ?) incarnée par les deux possibles finalistes.
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En attendant, Jean-Luc Mélenchon truste les podiums, il est à la mode, le rouge aussi. Pas sûr que tous ses futurs électeurs y croient réellement, mais ça a l’air de leur faire du bien ! Volontiers fanfaron, camelot d’un programme radical et impossible à tenir, comme il l’a avoué récemment, il impose un réel leadership. Tel le VRP à l’ancienne, son bagout et sa gouaille séduisent à défaut de convaincre. C’est qu’en France, on garde une certaine affection pour les rebelles, la discussion de comptoir autour d’un communard et le verbe haut, couillu. En fait, Mélenchon, c’est le pays des rêves enchantés. Et face au tribun façon troisième république, l’ami-molette en devient fade. Comme une mauvaise pâte molle de supermarché.
Le plus drôle c’est que François Hollande se rêvait en Mitterrand, singeant même certaines mimiques. Il n’en est aujourd’hui qu’une imitation floue, allant même jusqu’à ressusciter le parti communiste, étouffé en son temps par le roi de la manœuvre.
Mélenchon, en fait, est pour partie l’expression d’une France nostalgique de ce qu’elle a été, et un réceptacle de la quasi totalité des votes dits « révolutionnaires » d’extrême gauche, qui pèsent en général entre 6 et 8%. Ajouté à une part du vote ouvrier piqué à la famille Le Pen.
« Voter c’est bien, guillotiner, c’est mieux ! », « Oui, on vous fera les poche », clame l’héritier de Marat et de Danton à l’adresse des « riches », là où Georges Marchais proclamait en 1974 « Au-dessus de 4.000 francs, je prends tout ! » Nostalgie quand tu nous tiens, avec quelques zéros en plus…
En face, Marine Le Pen a définitivement tué le père. Elle a su, comme lui, imposer les thématiques de campagne favorites du FN comme le communautarisme, l’Islam, l’immigration. Tout en se construisant l’image d’une femme volontariste et moderne, en rupture d’ailleurs avec certaines idées courtes du père.
L’ensemble détonne, paraît sympathique à bon nombre et, en tout cas, démontre une évidente dynamique. Là encore, la posture rebelle séduit, notamment chez les 18-24 ans où elle est en tête avec 26% d’intention de vote. Au sein de cet électorat, elle a gagné 13 points en quelques mois. Une hausse d’autant plus remarquable que, dans le même temps, les intentions de vote en faveur de la candidate du FN ont légèrement reculé dans l’ensemble de l’électorat, tous âges confondus. Mais là encore, côté programme, rien que la sortie de l’Euro fait office de cache misère électorale !
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Cette campagne véhicule, comme je l’ai écrit plus haut, une certaine défiance vis-à-vis des partis de gouvernement. Dans le contexte de crise, leurs discours sont extrêmement technocratiques, prudents et se veulent le moins idéologiques possible. Du coup, une frange de la jeunesse est séduite par le côté antisystème et de dénonciation des élites. D’ailleurs, fin 2011, le candidat du Front de gauche était crédité de 5% des voix parmi les 18-24 ans. Aujourd’hui, il recueillerait 16% de leurs votes…
Reste celui qui se voit dans la posture de l’éternel rebelle : François Bayrou. Sa popularité est aussi haute que les intentions de vote sont basses. Il y a quelques mois, les commentateurs le pronostiquaient en tête. Depuis, il ne cesse de baisser. L’analyse est pourtant bonne, les propositions souvent séduisantes, mais ça ne suffit plus. Face aux tribuns, une voix pré-pubère ne porte pas, plus. Tel un protestataire aphone, Bayrou dit vrai mais n’apporte lui non plus aucune espérance, aucun enthousiasme. Il y a une différence entre vouloir renverser la table et avoir les bras pour le faire !
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Alors, cette France, rebelle ? Il y a quelques années, Marcel Dassault tenait chronique dans son magazine, Paris Match, sous le titre « Café du commerce ». Le Français aime refaire le monde et jouer à la révolution. Pétri du mythe de 1789, persuadé au fil des interprétations de l’histoire, que le peuple a conçu et fait la révolution. Alors qu’il était (déjà) dans la main des bourgeois qui tiraient les ficelles pour prendre la place des aristos.
Alors on joue à se faire peur. Et on suit la mode. Le drapeau rouge est hissé d’un côté. De l’autre, on le préfère à trois couleurs. Mais, d’un drapeau à l’autre, on sait bien que le bulletin du premier tour ne changera pas grand chose aux programmes du second. Mélenchon est déjà quasiment l’allié du PS. Et les communistes iront à la soupe, trop heureux de sauver quelques sièges de députés. Quand aux électeurs du FN, ils sont majoritairement favorables à un vote Sarkozy au second tour, même sans conviction. Ne serait-ce que pour barrer la route aux rouges. Et puis, il faut bien le dire, voter Sarkozy, c’est aussi être un peu rebelle. S’il est à la mode de le dézinguer dans l’élite parisienne, les Français savent lui reconnaître bien volontiers la posture d’un chef. Et un petit côté « hors système », même si le costume présidentiel, enfilé à mi-mandat, et la crise ont obéré en partie la posture.
La France est par essence contestataire, c’est un fait, mais elle l’est à sa manière, à condition que cela ne bouscule pas ses acquis. « Not in my backyard », dirait un lointain cousin anglosaxon !
Alors, qui gagnera ? Faisons le pari que la révolution ne passera pas le premier tour. Restera une seule question, à la façon de la légendaire émission-jeu de RTL : Sarkozy, stop ou encore ? Un jeu bien loin de l’idéal rebelle…
Voilà bien une désolation de notre temps que de remercier Erick pour cet excellent papier sans papier…
Richard Gotainer nous met du baume aux urnes en nous déclarant :
« Il vaut mieux être bel(le) et rebelle que moche et remoche. »
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Un comique troupier de droite va voter l’Hollande !
Quelque chose comme une subite inversion de pôles magnétiques à cause des éoliennes qui tournant face au vent vert ralentissent la rotation de la terre… Ou alors, déboussolé comme un frontiste devant une idée voire chargé comme un bouliste ?
Et bien non ! Je suis devenu un vrai rebelle qui pense juste avec le cerveau de sa rose tête !
Un plan Sarkozy II, c’est :
- un régime Collomb qui prospère.
- un gouvernement qui s’agite à Paris face à l’obstruction des fonctions publiques, de la presse et tout ce qui pense dans la sens du vent.
- un manège de promesses qui tourne en rond.
Le changement c’est :
- l’éclatement des baronnies ou toutes les factions vont réclamer leur part du butin.
- la fin de l’excuse permanente de l’irresponsabilité pour les dirigeants locaux.
- des syndicats qui vont arrêter de s’énerver contre des chiffons rouges pour se tourner vers ceux qui vivent de l’entretien des problèmes.
Ce sera pour la gauche la posture d’irresponsabilité revendiquée du systématique « c’est pas ma faute » qui ne sera plus tenable.
Ce sera pour pour tous les biens pensants une confrontation avec la réalité sans désignation d’un bouc émissaire.
Ce sera pour tous les Hommes de bonne volonté la possibilité de faire en fin des choses, les mauvais n’étant plus en mesure de se protéger entre eux.
Il ya aura quelques dommages collatéraux, des planqués qui vont perdre leurs rentes et des journalistes qui vont devoir apprendre que la liberté de la presse ce n’était pas seulement le droit de dire tous la même chose.
Un pays qui choix vraiment se débat, un pays qui touche sans fonds le fond c’est un pays qui peut se relever !
Ce sera le printemps Gaulois !
Voilà pourquoi je vais sauver la France en la corrigeant, glissant en sifflotant, Hollande main qui chante, comme un bulletin qui boue dans une urne urne trop vaine.
Je suis un rebelle en pentes et salue les riches sans ôter mon chapeau tout neuf de gauchiste contrariant.
…
A moins que je me tape une tranche de l’ami-molette au petit dej. Par réflexe salutaire, mon avis perturbé pourrait alors changer en suivant l’inverse de la rotation de la terre et se retrouver à son point de départ. C’est quelqu’un qui m’a dit que je l’aimais encore…
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Pour info, le journal de Marcel Dassault, si je me souviens bien de mes jeunes mercredi chez ma grand-mère, c’était plutôt « jour de France »…
sinon, une fois de plus, analyse que je trouve pertinente, c’est agréable de te lire, même si j’ai définitivement viré « anti-sarko », comme bcp de nos potes ex-JG (de la génération du juste après-81).
fred roux
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Bien vu Fred. C’est effectivement Jour de France ! Un abonnement pour toi…
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Ton coup de « l’ami molette » et de ses « cartes de visite sont quasiment chez l’imprimeur » m’ont fait sourire
Mais je plussoie (barbarisme verbal formé par l’expression « +1″ en vogue dans les réseaux sociaux ?) le compère Jérôme M dont je tairai le nom ci-dessus : tant de mots, de phrases et de formules pour en arriver à quoi ?
Tempête dans un verre d’eau !
Ton article est certe juste, mais tout cela ronronne gentiment… A l’image de cette campagne, d’ailleurs. Crise internationale, diront-nous. Crise des idées, dirais-je.
Où est l’ambition ? Y a t-il un visionnaire dans la salle ? Je ne crois pas. Une fois de plus, il y a fort à parier que la plupart de nos concitoyens (en un mot, hein) voteront dès 6 mai CONTRE un candidat et pas POUR le leur ; d’abord parce qu’ils sont dans la contestation et ensuite parce qu’ils ne se reconnaissent pas dans un homme, un programme et son expo représentation médiatique.
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Une vraie rebellitude : http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=MxYQb-WmB3g
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Merci mon cher Erick pour cette analyse fine de nos partis …( et non l’inverse) dont je ne retirerais pas un mot….
Mais si la France de « Top chef » veut l’ami-molette… (fromage sans gout ni grâce) Elle l’aura….
Mais j’attends avec, dois-je le reconnaitre, une certaine impatience après quelques mois de règne du fromage insipide… ce que va bien pouvoir dire la presse si unanime aujourd’hui…
Sur qui tous les médias vont-ils se déchainer????
Ceux-ci même (hormis Eric Brunet de RMC et Catherine Nay d’Europe 1) qui auront supportés « Une limace » ??? au nom d’un anti Sarkosysme primaire, comme ils auraient supportés (en le sachant) un « malade sexuel »… il y a un an ???
Bref, sauf un débat télévisé où le tigre avale la limace… ( non ce n’est pas du père La Fontaine ) je ne vois guère un bouleversement s’opérer…
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Excellent papier Erick.
Effectivement et comme l’a dit Michel Onfray il y a quelques jours sur France 3, quelle que soit la recevabilité de leurs programmes ; les candidats qui veulent tout changer ne pourront être élus et seront présents au second tour ceux qui ne veulent finalement rien changer.
Stop ou encore pour Sarko – sauf coup (tordu) de théâtre de dernière minute; ite missa est…
…deo gratias.
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Erick,
Ton papier est pas mal, mais un peu mou , comme un relant de giscardien ! Tu as oublié quelqu’un, qui je pense te donne des boutons : le gaulliste Nicolas Dupont-Aignan !
Certes, il risque de faire un faible score et c’est dommage mais comme cela a été écrit ci-dessus, les Français préfèrent voter pour des immobiles que pour des gens qui veulent véritablement renverser la table.
J’entends par-là, qu’on oublie le fond du problème Sarkozy et UMPS ont méprisé le vote négatif du TCE. Pour moi, l doit payer l’addition. Il est hors de question qu’on laisse à la tête de la France, un type qui a craché sur le vote des Français et qui se prétend vouloir être près du peuple, alors qu’après son rapide discours Place de la Concorde, il est parti boire le champagne avec des milliardaires à l’Hôtel Crillon.
Pour la France et pour les Français, il doit être mis hors d’état de nuire.
Gaullistement
Claude JEANDEL
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