A trois jour du scrutin, il semblerait que près de 25% des Français en soient encore à l’heure du choix. Ce soir donc, c’est stop ou encore. Deux textes différents, deux plumes de qualité. Et moi en arbitre, bien que mon choix soit « encore » !
Pour le « stop », Caton de Lyon, commentateur de blogs, analyste politique pointu, stratège politique et d’entreprises aux victoires reconnues. En face, l’Académie Française en la personne de Jean d’Ormesson himself. Un combat de poids. Des arguments chocs. De l’humour. Bref, enfin un certain niveau. Bonne lecture. Au jeu du pile ou face, le camp des « encore » ouvre le bal. Si si, je n’ai pas triché…
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Re-bonjour Président
Message aux indécis, par Jean d’Ormesson
La victoire de François Hollande est à peu près acquise, et elle risque d’être éclatante.
Le moment est idéal pour se déclarer sarkozyste.
La question n’est pas de savoir qui l’emportera en mai 2012.
On a longtemps été convaincu dur comme fer que ce serait M. Strauss-Kahn.
On a pu croire que ce serait Mme Aubry.
On a même pu imaginer que, par un coup du sort, ce serait Mme Le Pen.
Il n’est pas tout à fait exclu que M. Bayrou, M. Mélenchon, M. Montebourg se soient monté le bourrichon jusqu’à se persuader de leur chance de l’emporter.
Tout sauf Sarkozy.
N’importe qui sauf Sarkozy.
Ce sera M. Hollande.
François Hollande est un parfait honnête homme. Il est intelligent, charmant, cultivé, et même spirituel.
Il y a chez cet homme-là un mélange de doux rêveur et de professeur Nimbus égaré dans la politique qui le rend sympathique.
Il est mondialement connu en Corrèze.
Ce n’est pas lui qui irait courir les établissements de luxe sur les Champs-Élysées, ni les suites des grands hôtels à New York ou à Lille, ni les yachts des milliardaires.
Il ferait, je le dis sans affectation et sans crainte, un excellent président de la IVe République. Ou plutôt de la IIIe.
Par temps calme et sans nuages. Il n’est jamais trop bas. Mais pas non plus trop haut.
C’est une espèce d’entre-deux : un pis-aller historique.
Ce n’est pas Mitterrand : ce serait plutôt Guy Mollet. Ce n’est pas Jaurès ni Léon Blum: c’est Albert Lebrun. Ce n’est pas Clemenceau : c’est Deschanel.
Il parle un joli français. Et sa syntaxe est impeccable. On pourrait peut-être l’élire à l’Académie française. Ce serait très bien. Mais en aucun cas à la tête de la Ve République, par gros temps et avis de tempête.
C’est vrai: Sarkozy en a trop fait. Hollande, c’est l’inverse. Car n’avoir rien fait est un immense avantage, mais il ne faut pas en abuser. Il n’est pas exclu, il est même possible ou plus que possible, que M. Hollande soit élu en mai prochain président de la République.
C’est qu’à eux deux, M. Hollande et le PS, qui sont assez loin d’être d’accord entre eux -je ne parle même pas de M. Mélenchon ni de Mme Joly dont ils ont absolument besoin pour gagner et dont les idées sont radicalement opposées à celles de M. Hollande-, ont des arguments de poids : la retraite à 60 ans (quand la durée de vie ne cesse de s’allonger), 60 000 nouveaux fonctionnaires (quand il s’agit surtout de réduire les dépenses publiques), 30% de baisse sur les traitements du président et des ministres (même M. Jean-Marie Le Pen, de glorieuse mémoire, n’a jamais osé aller aussi loin dans le populisme et la démagogie).
Avec des atouts comme ceux-là, on a de bonnes chances de gagner.
Aussi n’est-ce pas dans la perspective de l’élection de 2012 que je me situe.
C’est avec le souci du jugement de l’histoire.
M. Sarkozy, autant le reconnaitre, a fait pas mal d’erreurs.
À voir comment se présente la campagne d’un Parti socialiste qui semble n’avoir pas appris grand-chose des leçons de son temps, ce sera bien pire avec lui qu’avec M. Sarkozy. Les déclarations d’intention ne valent rien.
Il faut des exemples vivants.
M. Zapatero, en Espagne, est un homme plus qu’estimable. Il est socialiste. Le chômage en Espagne est plus du double du nôtre.
M. Papandréou en Grèce est socialiste. Est-ce le sort de la Grèce que nous souhaitons pour la France ?
M. Sarkozy a été plus attaqué, plus vilipendé, plus trainé dans la boue qu’aucun dirigeant depuis de longues années.
Il a pourtant maintenu le pays hors de l’eau au cours d’une des pires crises que nous ayons jamais connues.
Il n’est même pas impossible que Mme Merkel et lui aient sauvé l’Europe et l’euro.
Pour affronter le jugement de l’histoire, je choisis le camp, à peu près cohérent, Sarkozy-Fillon-Juppé contre le camp, incohérent jusqu’à l’absurde, Hollande (« Hollande président ? On croit rêver ! », disait Fabius) -Aubry-Joly-Mélenchon.
Bonaparte Premier consul prétendait que le seul crime en politique consistait à avoir des ambitions plus hautes que ses capacités.
Je suis sûr que François Hollande lui-même a des cauchemars la nuit à l’idée d’être appelé demain à diriger le pays avec le concours des amis de toutes sortes et étrangement bariolés que lui a réservés le destin.
Je veux bien croire -je n’en suis pas si sûr que pour 2012 les dés sont déjà jetés, que les handicaps du président sortant sont bien lourds pour être surmontés, que le retard est trop rude pour être rattrapé.
J’imagine très bien l’explosion d’enthousiasme sur la place de la Bastille ce soir de mai 2012 où l’élection de M. François Hollande à la magistrature suprême sera enfin annoncée.
Je me demande seulement dans quel état sera la France en 2014 ou en 2015 ?
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Au revoir Président…
par Caton de Lyon
Lorsqu’il a été élu en 2007, Nicolas Sarkozy a commis la même erreur que sa concurrente Royal – à savoir feindre d’ignorer qu’entre l’Europe et la décentralisation – certains leviers échappent désormais au pouvoir présidentiel. Ceci ne s’est guère améliorée avec la poursuite de la razzia par la gauche, en cours de mandat, du reste des collectivités locales qui lui avait échappé sous Chirac.
Pour autant, le nouveau président de la rupture se mue en « omni président » et escompte garder la main sur l’opinion publique. Après tout, il parie sur résultats de sa politique, il parie que son style présidentiel convainc, il parie être capable de renouer un lien personnel avec les Français… et surtout, il pense savoir décrédibiliser et diviser ses adversaires.
A l’heure de l’élection de 2012, où en est Sarko sur ses différents paris ?
Son bilan d’abord.
D’abord, on est rarement élu sur un bilan même bon.
En politique, perception vaut réalité.
La suppression trop lente du bouclier fiscal, le partage (feint ou réel) trop tardif du sentiment de révolte sur la disparité des revenus croissante entre les plus riches et les plus démunis, le questionnement in extremis sur le rôle de la BCE sont autant d’erreurs devenues des fautes politiques qui atténuent le souvenir notamment de la gestion de crise géorgienne ou la nécessaire et courageuse poursuite de la réforme des retraites.
Son style ensuite.
Passons par pertes et profit les Fouquet’s ,Yacht Bolloré, « casse toi pov con », « descend si tu es un homme », les pérégrinations sentimentales de Louxor à Eurodisney et autres 140 % d’augmentation de ses émoluments. Plus discutable pourrait être le fait de ne pas avoir été gêné par le fait qu’un ancien trésorier du parti présidentiel en charge des dons à la campagne de son champion cumule cette fonction avec sa charge de ministre qui traque les fraudes et les impôts détournés alors même que son épouse conseille la défiscalisation du plus gros contribuable français (imaginez qu’en plus ce contribuable ait soutenu financièrement le dit candidat…)…voilà là aussi des fautes – a minima – de goût qui peuvent couter cher.
Nicolas Sarkozy aura également réussi le tour de force– c’est une première sous la Ve république – de rendre son premier ministre spectaculairement plus populaire que lui pendant cinq ans. Sans doute est-ce le prix à payer pour avoir kidnappé son exposition médiatique, son rôle de chef de la majorité du gouvernement et accessoirement même sa résidence secondaire institutionnelle à Versailles ?
Recréer le lien ?
Il a sans doute trop parlé, les Français l’ont trop vu, trop entendu. Aujourd’hui ils semblent de fait ne plus l’écouter…la magie n’opère pas ou presque plus.
Pas ou peu de sursaut d’entrée en campagne, pas ou peu d’impact de sa légitime primauté médiatique lors de la tragédie de Montauban et Toulouse…et match nul sur la compétition Concorde-Vincennes malgré le phrasé tonique d’un discours d’excellente teneur.
Décrédibiliser et diviser ses adversaires ?
Là aussi, le pari est perdu.
Il y a bien eu quelques prises de guerre, Kouchner, Amara, Hirsch, le médiatico mondain neveu Mitterand et l’inusable mercenaire Besson. Mais même avec l’(in)espérée déchéance en « mondial live » de DSK , seul prétendant sérieux au poste à gauche, Nicolas Sarkozy va perdre cette élection.
Les primaires PS ont couronné le seul candidat qui s’était déclaré contre l’éléphant, que dis-je le mammouth du FMI et qui a su aligner son parti derrière lui, mener une campagne certes sans grande aspérité mais qui fonctionne bien et qui gère plutôt gentiment l’« outsourcing » remuant de Mélenchon – transfuge PS – qui mobilise et neutralise contre Sarko tout le reste de la gauche.
Il ne reste plus à Nicolas Sarkozy qu’à faire croire que si vous ne m’aimez pas et vous ne voulez plus de moi, vous ne pouvez toutefois pas vous passer de moi. Et là aussi, les sondages démontrent que cette stratégie de repli – voire de retraite – est en train de faire long feu.
Y compris même ses « collègues » européens – qui à l’exception de Merkel – n’ont pas survécu à la crise, commencent à être plus perméables aux contacts avec l’environnement de François Hollande que – real politik oblige – ils commencent à considérer comme un interlocuteur crédible parce qu’en passe d’être … élu.
Hollande élu par défaut alors ?
Pas uniquement.
Hollande, a tenu le PS pendant 10 ans et avec de plutôt bons résultats aux élections municipales, régionales, cantonales et européennes toujours toutes gagnées.
Hollande s’est déclaré candidat au moment où – encore moins même qu’un Nicolas Sarkozy très impopulaire – il n’avait la moindre chance de l’emporter.
Il a remporté une primaire ouverte, publique et avec des candidats significatifs face à lui. Il a su aligner toutes ces personnalités remuantes derrière lui et (à la différence de Royal en 2007) avoir un parti habitué aux « grands (d)ébats internes » en ordre de marche derrière lui qui donne de la voix pour le soutenir.
Qui peut là aussi en dire autant ?
Enfin et surtout, il mieux placé pour apaiser une tension sociale latente et montante qui pressent un automne à l’italienne ou l’espagnole fait de rigueur budgétaire et de plans d’austérité et dégradation financière conditionnée par la mise à niveau de la notation du pays … et le risque plus qu’avéré d’une période de récession.
Tension sociale qui serait exacerbée par un Sakozy réélu dont le ton politique arrogant ne pourrait même plus être atténué par la perspective d’une nouvelle élection et d’un nouveau mandat. Déjà qu’il stigmatise les corps intermédiaires et autres syndicats comme suspects d’œuvrer non pas pour la collectivité mais à la défense de leur intérêt un peu comme si – ces dernières années – les grands tenants de la haute finance et du pouvoir avaient fait la démonstration probante du contraire …
L’élection de François Hollande amènera une respiration politique – certes de courte durée – celle du souffle d’une alternance attendue par la moitié des français depuis 17 ans.
Face aux tempêtes à venir dans quelques mois – il est aussi mieux placé pour conduire une nécessaire ouverture politique plus marquée qu’une UMP momentanément décomposée pourrait peut être même favoriser.
Une UMP qui pourra choisir aussi de se refonder non pas comme un parti unique et univoque mais capable d’accueillir à nouveau en son sein des courants de pensée moins prioritairement préoccupés par la reconduite des étrangers aux frontières ou la façon rituelle d’abattre ovins et bovins…
Si ces commentaires sont un peu rudes pour Nicolas Sarkozy, ils ne sont rien par rapport à ceux qui émaneront de son propre camp au lendemain du 6 mai… Et quand à sa retraite politique… je prends le pari qu’il expulsera Fillon une fois de plus et le coiffera dans sans tentative de prendre la mairie de Paris, ça a bien réussi à d’autres par le passé.
A moins qu’il ne soit très nettement battu par François Hollande. Que ceux que ce départ attriste se rassurent, ce ne devrait être qu’un au revoir.
Imaginons que Sarkozy et Hollande aient chacun 25% des voix, soit 50% des votants à eux deux. Estimons le taux d’abstention à 30%. Arrondissons à 45 millions les inscrits sur les listes électorales. 43 en réalité. Votre match ne concerne que, grand maximum, 15,75 millions de personnes sur les 65 millions d’habitants de notre beau pays ! Le vote censitaire est-il revenu ? Vous auriez pu attendre lundi pour lancer ce « combat » des idées !
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Cher Démocrate masqué… j’ai toujours eu de l’affection pour le vote censitaire !
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Je ne partage pas l’avis de Caton (mais rien d’anormal en cela, me concernant) mais dire qu’il a été un bon Secrétaire Général du PS, cela me fait me tordre de rire. Souvenons-nous : ils n’avaient qu’une HATE QU’IL SE TIRE !!! Ce qui a d’ailleurs fait dire à ses amis (dont son ex tout sourire -jaune- aujourd’hui), certaines amabilités que je ne reprendrai même pas. Quant à la personnalité !!! il n’en n’a pas. Il a passé inaperçu depuis des dizaines d’années. C’est à se demander s’ils ne l’ont pas mis candidat pour mieux le manipuler et se distribuer les postes. De plus, il est dangereux pour la France, il inquiète l’Europe (les journaux étrangers s’en font l’écho) et les marchés. Non décidemment je ne veux pas cela pour MA FRANCE. Quant aux propos de Jean d’Ormession, toujours plein d’humour et je trouve, très objectif, il ne dit pas toujours des choses agréables pour Nicolas Sarkozy, mais s’accorde à reconnaître que nous devons lui laisser continuer ce qu’il a entrepris. Ensuite, ils feront ce qu’ils voudront, en espérant que les crises ne dureront pas jusque-là
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Rien à dire. Deux textes très différents, mais si les conclusions diffèrent, l’analyse se rejoint souvent.
Oui NS n’a pas laissé indifférent et il paye aussi aujourd’hui le prix d’être clivant et d’erreurs de communication répétées.
Face à lui, FH n’a pas le niveau. Même ses amis politiques le disent. Il est donc le compétiteur par défaut et cet aspect lisse semble plaire.
Alea jacta est. Pour ma part, je préfère un actif volontaire avec défauts à un mou avec défauts. Affaire de style, mais aussi d’urgence. La France n’aura pas de seconde chance.
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Merci à Erick Roux de Bezieux de nous avoir donné à lire ces deux intelligences ; quelle respiration !
J’ai un faible pour notre Académicien et pour celui qu’il défend .
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Ouf, enfin un commentateur qui partage l’analyse de Caton. Ca finirait par faire franchement Figaro, sinon…
Mou?, Incompétent ? pas au niveau ?… L’avenir nous le dira. Je ne pense pas qu’il en serait là aujourd’hui si c’était le cas. En attendant, l’alternance semble inéluctable et va nous faire le plus grand bien, ne vous en déplaise. Le spectacle de l’UMP convalescente après le 6 mai m’excite déjà. vivement Copé 2017…
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Amis socialistes qui fêterez le grand soir et danserez la carmagnole, quelle que soit l’empressement et l’ampleur de vos libations, vos urnes, par vos camarades, seront bourrées avant vous.
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