Le chiffre impressionne : 75%. Avec ce taux d’imposition sur les revenus supérieurs à 1 million d’euros, la matraque fiscale en direction des riches fait bon effet en période de disette. Ils ont de la brioche, ils passeront au pain blanc ! Même si, il y a 18 mois, le futur président estimait qu’un « taux de fiscalité confiscatoire sur une toute petite partie des contribuables n’aura aucun effet –sauf de délocalisation- et ne produira aucune recette. »
Cette mesure fiscale devrait concerner seulement 3 000 foyers, et de nombreux métiers aisément délocalisables comme des architectes, des patrons de PME de service, des cadres à haut potentiel…
L’une des causes de ce taux est la hausse de la rémunération des grands patrons en pleine crise (34% en moyenne en 2010 pour des dirigeants majoritairement salariés) qui a choqué bien au-delà de la gauche. Cette fronde contre ces rémunérations sans limite touche d’autres pays comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis ou la Suisse. Sorte de printemps des actionnaires assez légitime. Ailleurs, les démissions s’empilent sous la pression. Mais nos grandes entreprises sont les seules en Europe à ne pas soumettre les rémunérations des dirigeants à l’AG des actionnaires. Préférant l’oracle d’un comité des rémunérations, où siègent les copains, au jugement des co-propriétaires de l’entreprise.
Cette taxation « confiscatoire » n’est pas à mon sens la bonne solution, même si elle tient du symbole. On l’a vu avec l’ISF, impôt qui coûte plus qu’il ne rapporte et qu’aucun homme politique n’a osé supprimer, de peur d’en voir immédiatement les conséquences dans les urnes.
Cette taxe, qui montre notamment du doigt les entrepreneurs, risque bien de faire les affaires de l’Eurostar… La Grande-Bretagne mène en effet une politique inverse de la notre. La tranche supérieure de l’impôt sur le revenu a été réduite de 50 à 45%. David Cameron, bien au fait de la libre circulation des hommes et des biens en Europe, tend ouvertement les bras à nos riches talents, ceux des vrais entrepreneurs et des créateurs de richesse.
A force de montrer du doigt le compte en banque et non l’utilité sociale d’un chef d’entreprise, on risque de décourager plus d’un candidat à la fortune par l’entrepreneuriat. Or ce sont justement ces entrepreneurs, bien loin des patrons salariés des entreprises du CAC 40, qui peuvent dynamiser un pays, créer de la richesse, des emplois et cette fameuse croissance que François Hollande espère.
Une croissance qui risque fort de s’éloigner si l’envolée promise des prélèvements ciblés sur les entreprises voit le jour (+ 10% de charges) et si l’on oublie de privilégier, à travers l’investissement, la recherche, l’innovation et la créativité. On dit François Hollande pragmatique, c’est au pied du mur que l’on reconnait le maçon…
Texte de mon billet mensuel paru dans Tribune de Lyon du 31 mai 2012
En fait, on s’en fiche un peu de la rémunération de ces très très grands patrons, pour la plupart des hauts fonctionnaires qui pantouflent et qui gagnent 100 fois plus que leur traitement administratif. Cela concerne très peu de personnes en définitive. Ce qui est beaucoup plus inquiétant, c’est la purge en préparation qui va pénaliser les entreprises, donc par ricochet le fameux retour à la croissance et à l’emploi. En l’espèce, l’analyse de Sarkozy était pertinente, il faut réduire le cout du travail, c’est-à-dire ce qui pèse entre le base de la fiche de paye (le net) et le haut (le brut auquel il faut ajouter les cotisations patronales). C’est ce différentiel qui pénalise aujourd’hui le coût de nos productions vs par exemple l’Allemagne et pas notre productivité, plutôt bonne.
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Des gentils étatistes et des méchants marchants ! Le symbole est plus malléable dans le monde des croyances que les chiffres dans le monde de l’économie. Le peuple de gauche a son pain et ses jeux, les mafieux se marrent et les grands acteurs de l’économie vont voir ailleurs tout simplement comme on change de fournisseurs quand ils deviennent hors de prix, mauvais et suffisant comme des socialistes en poste.
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Recyclage de vieux argumentaires : il ne manque que le risque d’exil fiscal et « la théorie du ruissellement », les joueurs de foot et ce serait complet. Aucune analyse historique du « New Deal » ni de la politique fiscale de Roosevelt ( affichant des taux de 60 à 90% ). Votre analyse ne fait qu’évoquer en passant les scandale des rémunérations des grands patrons sans l’analyser sous l’angle de la nécessaire cohésion sociale alors que tous les intellectuels en Europe et aux Etats-Unis ne parlent que de cela ! Bien entendu qu’il ne s’agit pas d’une mesure fiscale, François Hollande ne l’a jamais prétendu – car cette tranche supérieure et provisoire n’a aucun rendement à l’échelle de nos besoins de ressources actuels, mais bien d’une mesure sociale que vous raillez comme à l’accoutumée : symbolisme de gauche contre réalisme de droite. Enfin, il n’y a pas d’analyse du contenu de la mesure : vous passez sous silence que si l’ensemble des niches fiscales sera plafonné à 10 000 € par part fiscale, un exception sera faite pour le mécénat et les dons oeuvres caritatives qui ne seront pas plafonnées … vous pourrez ainsi redistribuer une grande part de votre reliquat de revenu supérieur à 1 M€ avec plus de liberté que jadis.
Peut mieux faire : 3/20
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Ah ça y est, JB Divry (Video Meliora) est de retour… Ca sent la campagne électorale.
Effectivement, le billet est court, mais l’espace alloué dans Tribune fait 1 700 signes. Dont on évoque sans forcément entrer dans le fond du sujet.
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Sujet hautement sensible en France on parle d’un tabou : l’argent.
Comme chacun le sait, la france n’a toujours pas réglé son problème par rapport à l’argent.
Si vous gagnez beaucoup ou faites fortune, vous êtes au choix : un malhonnête, un tricheur, un hyper égoïste, un sans foi ni loi, sans coeur, écrasant le plus faible…
La caricature, encore et toujours. Il faut, malheureusement, le déplorer, véhiculé par une »caste » et amplifé par des médias avides de ces thèmes leur garantissant des audiences records mais qui dessert la majorité silencieuse des chefs d’entreprise qui ne compte pas leur temps, passionnés par leur projet industriel, qui engage souvent leur fonds propres, et dont des licenciements ne les fait pas entrer en transe ! Ou alors de sueurs froides…
Faudrait il rappeler qu’une économie a besoin de tous, chef d’entreprise, ouvriers, cadres… Et de travailler en commun autour de projet mobilisateurs !
Quand chacun laissera au vestiaire ses préjugés pour enfin engager un dialogue social et économique digne de ce nom pour une Nation parait il la cinquième puissance mondiale économique et démocrate.
Enfin, dernier point : voilà plus de trente ans que nous augmentons avec une obstination rarement égalée la pression fiscale en nous expliquant qu’il n’y a pas d’autres alternatives, qu’il n’y a pas meilleur remède pour rétablir nos déficits, diminuer le chômage, enrayer la pauvreté, etc. A croire que ce serait la panacée.
Trente ans plus tard, faut il rappeler le bilan globablement négatif : la France est un des pays les plus endettés, avec un des plus forts taux de chômage conjugué à une croissance dont son anémie est devenue endémique ! Sans parler d’une pauvreté qui connaît depuis quelques années un regain significatif.
Merci donc de m’éclairer mes lanternes )
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La plupart des « vrais » entrepreneurs ne gagnent pas ces sommes là…ce sont plutôt des copains de copains ou les « traders » qui vivent dans l’économie « hors sol ». Si il n’y a pas plus de justice sociale, on aura un jour de « vrais » mouvement sociaux, qui eux seront « vraiment » catastrophiques. 10% de « vrais » pauvres et de « vrai » précarité, c’est beaucoup trop dans un pays qui est une 10 vrai puissance économique …
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@ Pierrot. Je partage votre point de vue, d’autant que (de mémoire) le salaire moyen des chefs d’entreprise en France est de 3000 euros. Pour ma part, si je suis extrêmement favorable à la présence de représentants des salariés dans les comités de rémunération des grosses entreprises, je suis également pour la présentation en AG (pour les sociétés cotées) des rémunérations des dirigeants avec vote.
Gagner de l’argent est sain, et il faut bien que le risque que prennent les entrepreneurs soit un jour recompensé. D’ailleurs, lorsque l’on pilote sa propre entreprise, il est rare de se « gaver » sur le dos de la bête.
Pour ce qui est de la petite caste des patrons salariés aux parachutes dorés et à la prise de risque égale à 0 (si j’échoue, je suis viré, je touche, et je recommence), il effectivement temps que le patronat se prenne en main et moralise tout ça. Sinon, comme l’écrivait mon cousin Geoffroy dans un excellent livre, on risque de faire passer l’ensemble des patrons pour des salauds…
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Très bon article d’ Eric Verhaeghe lu sur atlantico.fr
Après l’hyper-présidentialisation, l’hyper-politisation ? Les Français ont désavoué l’omniprésence de Nicolas Sarkozy, François Hollande, lui, leur promettait une présidence « normale » avec un chef de l’Etat « ne s’occupant pas de tout ». Mais le compte y-est-il si le gouvernement commence à faire des exemples de tout ?
A lire également, l’interview de Jean-Louis Baroux : Air France : Une clause de non-concurrence ? Absurde : une compagnie aérienne n’a pas de secrets
D’un côté, il y a Paul-Henry Gourgeon. Il avait un contrat de droit privé soumis au Code du Travail, avec un employeur : Air France. Il avait servi sous la gauche : cabinet Fabius en 1984 puis cabinet Delebarre en 1988. Il est un fidèle de Jean-Cyril Spinetta, administrateur civil de l’Education Nationale, homme de gauche, devenu patron d’une Air France moribonde. Spinetta remonte Air France et Gourgeon lui succède en 2009 au poste de directeur général.
Gourgeon gagne 100 000 euros bruts par mois là où Spinetta en gagnait 60 000. Il est débarqué en octobre 2011 et remplacé par un hiérarque sarkozyste. En février 2012, il défraie la chronique en prenant des billets business class pour l’île Maurice à 25 euros, avec sa femme, alors que l’entreprise va mal. D’une certaine façon, il incarne cette classe de fonctionnaires qui ont fait leur carrière sous la gauche et leur fortune égoïste sous la droite.
Il est parti avec 400 000 euros en poche en échange d’une clause de non-concurrence qui ne vaut que ce qu’elle vaut, mais qui fut, semble-t-il, validée par les autorités de l’époque. Elle lui interdit de rejoindre un concurrent pendant une durée de trois ans. Soit une indemnité de 10 000 euros par mois. Pour un bénéficiaire du RSA ou un Smicard, cette somme est énorme. Pour un cadre dirigeant, elle est plutôt modeste. En tout cas, personne ne peut en contester la légalité, semble-t-il.
La gauche gagne les élections et a manifestement un compte à régler avec lui. Sa clause de non-concurrence est clouée au pilori dans des conditions particulièrement sales. Même le Kansas City Star en parle. Gourgeon, lorsqu’il a intégré Air France en 1993, pensait-il qu’un jour les habitants du Kansas sauraient tout des conditions de son départ d’Air France?
En France, il y a une loi (de juillet 1978) qui protège la confidentialité des données personnelles dont l’Etat est détenteur. Et aujourd’hui cette loi est violée pour des raisons politiciennes. Je trouve cela très inquiétant.
Car, sur le fond, on l’aura compris, je ne suis ni choqué par le montant de la clause dont Gourgeon a bénéficié (qui me semble basse par rapport à la moyenne du marché), ni choqué par l’idée que la nouvelle équipe au pouvoir s’en indigne. François Hollande a gagné sur un certain nombre de thèmes dont la modération salariale chez les grands patrons. Il est démocratiquement légitime à la revendiquer. Je n’y trouve rien à redire.
Ce qui me choque profondément, c’est la méthode, qui consiste à livrer un homme seul en pâture aux médias. Quand on représente l’appareil d’Etat, quand on l’incarne, cette chasse à l’homme est indigne.
Sur le fond que lui reproche-t-on ? Il a négocié son départ, les autorités légales de l’époque ont soutenu l’arrangement, et le fond de la décision ne paraît pas manifestement disproportionné par rapport aux moyennes du marché. L’instruction d’un procès rétroactif paraît ici pour le moins maladroite.
Surtout, ce procès symbolique fait à un homme seul flirte avec la violation des données personnelles protégées par la loi. Personnellement, je trouve cette violation très sympathique. La loi de 1978 bloque la transparence des données administratives en France. Elle doit être réformée car elle n’est plus adaptée au monde moderne.
Maintenant, dès lors que le gouvernement de la République choisit de violer la loi pour un homme, il doit accepter de la violer pour tous. Et c’est là que la boîte de Pandore est ouverte.
Puisque que le grand déballage de linge sale a commencé, cela m’intéresserait de connaître en détail la rémunération des gens qui donnent des leçons à M. Gourgeon. Pas seulement celle des élus, y compris celle du Président de la République qui a réussi l’exploit de ne payer que 5.000 euros d’impôt sur le revenu avec des ressources qui devraient le placer dans la tranche marginale des 40%. On aimerait savoir par quelle niche fiscale il est parvenu à s’exonérer autant de ses obligations.
J’aimerais aussi connaître la rémunération de tous les conseillers de cabinet qui viennent de prendre leurs fonctions. Et la rémunération des fonctionnaires qui accèdent aujourd’hui aux responsabilités par décret en Conseil des Ministres.
Car, au jeu du Say on Pay, on sait toujours qui perd. On ne sait jamais qui gagne.
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Mon ami Noël Brunet, vice président de l’ordre des architectes m’ecrit qu’hélas, « pour toi, comme pour beaucoup de nos concitoyens, l’architecte fait partie des riches notables du pays (sic). Malheureusement la réalité est très très loin de ça… L’Observatoire de la profession 2011 que tu peux télécharger sur le site de l’Ordre te montrera que le revenu annuel moyen des architectes en 2010 était de 34299 € et que 21% d’entre nous gagnent moins de 10000 € par… an ! Pas mal pour une profession à minimum bac+5 et une garantie décennale et même trentenaire sur son activité. »
Merci Noël pour cette précision… Il en est de même dans le monde de la communication où les hauts revenus taxés à 75% sont rares ! C’est justement pourquoi j’ai écrit « des architectes » les stars de la profession étant plus proches des revenus cible de cette hausse d’impôts.
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