Jean Lassalle. Ce nom ne vous dit peut être pas grand chose et pourtant, ce fils des Pyrénées en a des choses à raconter. Député de la République, il vient de marcher 250 jours à la rencontre des Français. Il a voulu, par ce pèlerinage aux sources de la France, poser « l’acte d’un député résistant. Résistance à un modèle qui s’est imposé à nous. Résistance au marasme économique. Résistance à l’individualisme grandissant. Résistance à la montée des communautarismes qui mine l’idée de Civilisation. »
Samedi dernier, 17 heures. Je viens de lire d’une traite les 196 pages de son rapport d’étonnement nourri aux sources du verbatim de 17 500 Français. Bien mieux qu’un sondage, la fameuse France d’en bas qui parle. Certes, cela ressemble parfois au café du commerce, on est loin des rapports ampoulés des technocrates et des politiciens, mais ça sonne aussi vrai que des lendemains d’élections. Que ça plaise ou pas !
Jean Lassalle dresse un portrait alarmant de la France -« Que nous arrive-t-il ? Pourquoi cela ne marche-t-il pas ? »- comme un avertissement publié quelques jours avant le 1er tour des municipales et sa mortifère abstention : « La mort politique précède toujours la mort sociale des territoires ».
Il le sent, il l’a entendu, la peur se généralise. »J’ai vu la même peur, affirme-t-il, dans les yeux du préfet et du chômeur ». Peur du futur face à un avenir illisible, peur du citoyen vis-à-vis de la justice, peur de l’entreprise aussi. Peur de ne pas avoir de toit, peur du déclassement. Peur d’une France de plus en plus divisée. Témoignage de Bernard : « Le pays est divisé en deux mondes qui ne se comprennent pas : Paris intra-muros et le reste du pays (98% de la superficie). Colbertisme centralisateur insupportable avec une tribu de technocrates qui s’autogénère ».
La colère aussi. Contre le système : »Je ne pensais pas que la détestation des politiques atteindrait un tel degré. (…) Vis-à-vis des politiques, ceux qui ne choisissent pas la colère se réfugient dans la résignation, ou l’indifférence« , écrit-il dans son rapport. Contre la presse, pressée, et ce temps qui ne laisse plus place à rien : »L’analyse à chaud est destructrice. Les jours de mauvaises nouvelles, elles crépitent toutes les cinq minutes, en rafale. Ça fait gerber nos concitoyens. »
« Nous sommes à un changement de monde. Les démocraties ne savent pas se défendre », constate-t-il encore, avant de souligner que l’Europe est vue telle une « jungle impitoyable où tous les coups sont permis ».
C’est cru, parfois injuste, mais bourré de témoignages de Français normaux. Et pourtant, tout n’est pas perdu. Il est temps de repartir « de la base, retrouvons le sens de la relation humaine et les Français retrouveront le sens de la politique et l’enthousiasme du vivre ensemble. »
Chantal, de Sanary-sur-Mer estime que « l’on est tous finalement experts, le boulanger comme la femme ouvrière. On est tous dépositaires de quelque chose. » Une envie de contribuer qui n’est pas sans rappeler le manifeste Bleu Blanc Zèbre lancé par Alexandre Jardin sous le slogan « Aux actes citoyens ». Plaidoyer pour les initiatives et la prise en main par les Français de pans entiers de la politique. La vraie, celle des « faiseurs » face à celle des « causeurs ».
« J’espère que ce rapport, témoignage de vie, servira de terreau pour ceux qui ont des responsabilités ». Et c’est urgent, car « il est minuit moins dix » dans « une France pré-révolutionnaire ».
http://www.ledeputequimarche.fr/blog/category/cahiers-de-lespoir/
http://www.jeanlassalle.fr/index.php/tag/rapport/
Chronique parue dans Tribune de Lyon du 3 mars 2014
J’ai effectivement parcouru des extraits de ce journal de marche. Pourquoi les politiques sont-ils si souvent déconnectés de la réalité du terrain. Pourtant, ils y vivent. Et même si la discussion de comptoir est parfois vaine ou stérile, il y a du bon sens partout. Il suffit de se mettre à l’écoute et d’arréter d’appliquer des recettes parfois éculées et qui ne font plus leurs preuves…
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