Soyons clair, la modernité pour moi, est à l’opposé des petits arrangements de couloir et d’arrière salle de bar… Si certains élus de la droite et du centre du Grand Lyon me lisent, je ne les salue pas ! Ils se reconnaitront.
La modernité, ce n’est pas non plus cette campagne des européennes où, pour faire tendance, il convient de cracher dans la soupe. Même si elle n’a pas tous les jours bon goût, l’Europe mérite mieux… Madame de Staël écrivait, c’était il y a plus de 200 ans, « il faut, dans nos temps modernes, avoir l’esprit européen ». J’aimerai aujourd’hui que les français retrouvent l’esprit des premiers européen. Ceux qui avaient foi en l’Europe.
Nous sommes des millions à pratiquer l’Europe au quotidien. Pour les études, le travail, pour vivre ou tout simplement pour y passer quelques jours.
Et pourtant… Proche de nous, l’Europe s’est aussi éloignée, progressivement, insidieusement. Rien que le mot suscite critiques, peurs, incompréhensions. Et je suis bien conscient que seulement 45% des français croient en l’Europe selon les dernières enquêtes.
Cette Europe, celle des élus et des hauts fonctionnaires, a progressivement perdu pied avec la réalité, avec le peuple. Incomprise, sans grands enjeux facilement compréhensibles, sans ambition visible, sans foi, sans visage…
Et pourtant, je crois en l’Europe ! C’est mon pays…
L’Europe que l’on nous propose aujourd’hui ne va pas assez loin. Elle doit fédérer, susciter l’émotion et l’envie. Elle doit être économique, bien sûr, mais aussi politique et diplomatique. Et elle doit être avant tout culturelle, car l’Europe ce sont nos racines et notre avenir. L’Europe que j’espère doit savoir proposer un rêve, une ambition qui nous dépasse, un avenir, tout simplement…
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Je viens de terminer le dernier livre de Jacques Attali, « Histoire de la modernité ». En synthèse, l’auteur souhaite, dans cet essai enlevé, analyser l’histoire (la notre) et réfléchir le futur, « la façon dont, en 2030, on pensera, rêvera, s’imaginera, construira, combattra le monde de 2060. »
« Penser la modernité, son histoire et son avenir, est d’une redoutable urgence. Penser son histoire permet de comprendre l’idée qu’une société, siècle après siècle, se fait de son futur, à travers son gouvernement, ses mœurs, son art, ses modes, ses utopies. Et penser son avenir, c’est imaginer l’idée qu’on se fera, à l’avenir, de l’avenir. Tâche particulièrement fascinante.
Aujourd’hui, pour l’essentiel de la planète, la modernité, c’est l’Occident. Faut-il s’en réjouir ? Faut-il revenir aux conceptions antérieures de la modernité, qui ne voyaient l’avenir que dans l’espérance religieuse ? Ou faut-il faire fleurir les germes artistiques, scientifiques, culturels, politiques d’une nouvelle modernité, altruiste, une utopie modeste qui fera du bonheur de l’autre, en particulier de celui des générations à venir, la condition du nôtre ? »
Autant dire que l’auteur s’attelle à une tâche qui pourrait lui prendre une vie. Prolifique, parfois ardu, mais jamais ennuyeux, Attali trousse 188 pages accessibles, synthèse d’années de réflexion.
Il décrypte, en parcourant à grandes enjambées notre histoire, trois grandes étapes de modernité : celle de l’Etre (« l’homme devient précieux en soi »), celle de la Foi (« est moderne celui qui se dépouille de ses biens au profit de l’Eglise ») et celle de la Raison (« cette nouvelle modernité droit au progrès, au marché et à la liberté »).
Et demain, s’interroge l’auteur, « qu’est-ce qui sera moderne ? Quel sera le sens de l’avenir ? Plus encore de raison ? De libertés individuelles ? Plus encore de droits ? Ou, au contraire, plus de devoirs et de responsabilités ? »
S’il fait le pari que la conception occidentale actuelle de la modernité s’imposera sans doute pour longtemps, il met le doigt sur la suffisance de notre société où « l’individualisme reste l’objectif parce qu’il est libérateur » et détaille 7 évolutions possibles de la modernité : autoritarisme, nationalisme, théocratie, écologie forcenée…
Attali fait le pari que la modernité à venir (et à construire) doit être fondée sur l’altruisme, « le refus de l’égoïsme, la prise en compte du long terme dans les choix. » Une modernité qu’il nomme « l’altermodernité » et qui fait du bonheur de l’autre la condition du sien, rassemblant Etre, Foi et Raison.
Utopiste ? Peut-être, mais parfois il est bon de rêver et de se poser de bonnes questions !
« Histoire de la modernité » de Jacques Attali, Robert Laffont, 18 euros
Une réflexion utile sur notre temps en pleine crise existentielle… Penser notre monde et son évolution s’avère aujourd’hui capital. Ce livre pose néanmoins plus de questions qu’il n’en résout…
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Le titre « Histoire de la modernité. » est aussi puissant que « Indignez-vous », on attend avec impatience qu’Harlem Désir nous sorte un « Pour en finir avec l’Europe ».
Le plus pertinent reproche que l’on puisse faire à l’auteur de ce billet est d’être un lecteur d’Attali qui sait en fils improbable de Jean-Luc Mélenchon et Stéphane Hessel affirmer avec la même poésie convenue qu’une chose est son contraire et que les deux sont de justes causeries.
Je suis convaincu qu’on ne peut pas être bon et anti-européen mais entend les stipendiés de la politique reprendre en chœur « J’aime mieux avoir tort avec Sartre que raison avec Aron »…
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