L’entrepreneur face aux cocardes

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Même si on était bien loin de l’affluence à de nombreux meetings politiques d’envergure nationale, les entrepreneurs, unis et rassemblés sous la bannière « patrons militants », ont sifflé la fin de la cour de récréation mercredi dernier à la Cité internationale de Lyon. Ici aussi, le ras-le-bol est patent !

 

Un député PS se laisse aller… Deux heures de meeting, des discours, des témoignages et un live tweet, passage désormais obligé de toute manifestation publique. Des tweets qui n’engagent que leurs auteurs, mais qui exprimaient bien un sentiment partagé : laissez-nous bosser !
Pour ma part, je lance un tweet plutôt soft…

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Quasiment par retour, le député PS du Pas-de-Calais Nicolas Bays, me lance un premier tacle… Il faut dite que le parlementaire est réputé pour son verbe haut !

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La première défense, c’est l’attaque. En l’occurrence, elle est assez nulle, d’un niveau cour de récréation. Cet homme, que je ne connais pas, croit encore que les patrons sont d’abord des exploiteurs voulant « des salariés corvéables à merci », créant avec plaisirs des « laissés pour compte » d’un système qu’il a l’air de subir. « Votre système » (sic) alors qu’il se revendique cadre supérieur du secteur privé. « Notre » système le fait donc vivre !

C’est décevant Monsieur le député. Et sommes toutes très manichéen !

En fait, je dois vous avouer que j’en ai un peu marre d’être confronté régulièrement à des hommes politiques qui, non content de ne rien connaître du monde de l’entreprise, se posent en donneurs de leçons permanents.

 *

Prenons ces engagements de la majorité revendiqués par Nicolas Bays.
Reconnaissons tout d’abord qu’aucun gouvernement n’a jamais présenté un plan d’allègement aussi important (41 milliards d’euros sur 3 ans) des prélèvements pesant sur les entreprises.

Ceci étant posé, il faut tout dire. Clairement.
Les entreprises sont toutes en recherche de compétitivité. Donc de restauration des marges. Ces fameuses marges qui permettent de payer salaires, charges et impôts, de dégager des bénéfices, d’investir, de créer des emplois… Pour info, le taux de marge en France est de 29,6% du chiffre d’affaires quand il atteint 40% en Allemagne !
Le crédit d’impôt compétitivité emploi (le fameux CICE) et le pacte de responsabilité vont donc permettre de baisser les prélèvement obligatoires de 41 milliards d’euros sur trois ans. Super ! Mais en compta, il faut regarder toutes les lignes et les deux colonnes Monsieur le Député ! Ce montant, tout aussi important soit-il, permettra, au mieux en 2017, de revenir au niveau des prélèvements de 2010.
Il faut avoir une vision globale de la chose : l’impôt sur les sociétés, les taxes nationales, notamment celles pesant sur la production, les taxes locales, les taxes sectorielles, les augmentations d’assiettes, les baisses de déductibilité, les hausses de taux, les cotisations sociales, etc. Au total, ce sont 90 nouvelles mesures fiscales et sociales supplémentaires entre 2010 (sous Sarkozy/Fillon) et 2014 (sous Hollande/Valls) qui sont venues alourdir les prélèvements des entreprises.

Démonstration (accrochez-vous !) : selon les calculs du Medef, dont je suis un adhérent (pour info, 95% des adhérents du Medef sont des patrons d’ETI ou de petites boites comme moi), ces prélèvements ont crû de 8,6 milliards d’euros en 2011 (sous François Fillon), puis de 21,8 milliards en 2012 (en cumulé, c’est-à-dire avec les 8,6 milliards de 2011) et encore de 36,1 milliards en 2013 (toujours en cumulé) et enfin de 37,6 milliards en 2014. Toutefois, pour cette dernière année, il faut défalquer les premiers effets du CICE. Dans ce cas de figure, le montant des prélèvements n’a crû « que » de 31,1 milliards (toujours en cumulé depuis 2010).
Même raisonnement pour 2015, où les prélèvements vont continuer d’augmenter pour atteindre en cumulé 42,1 milliards d’euros supplémentaires : 7,2 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires vont affecter les entreprises en 2015, dont 2,6 milliards de taxes afférentes aux impôts sur les sociétés, 1 milliard de taxes de production (notamment la hausse de la cotisation au service public de l’électricité), 1,9 milliard de cotisations sociales (notamment l’augmentation de la cotisation retraite).

Donc, comme au tableau, tirons un trait pour faire nos additions et soustractions…
La conclusion est simple : c’est épatant, mais leffet sur la compétitivité ne sera pas suffisant. Il faudra attendre 2017 pour revenir au niveau de 2010. Ce sera de toute façon trop peu et trop tard. Sept années de perdues !

 *

 

Je comprends la déception d’un député, membre d’une majorité qui ne sait plus bien si elle doit « aimer les entreprises » comme le clame Manuel Valls ou affirmer « J’aime pas les riches »…
J’ai envie de dire Nicolas (Bays, pas Sarkozy), si vous permettez que je vous appelle Nicolas, moi j’aime les personnes militantes et engagées. Je l’ai toujours été depuis mon premier collage d’affiche à 14 ans.
Or le monde des entreprises n’a peut être jamais été aussi éloigné du monde politique. Faisons un pas l’un vers l’autre. Nous aussi sommes des réformateurs, nous nous battons d’abord pour nos clients, pour nos salariés, pour nos boites et, soyons clairs, pour la France. Nous sommes bien loin du slogan « Salauds de patrons ». D’ailleurs, dans votre circo, vous en rencontrez tous les jours des patrons de PME, de TPE, d’ETI ou de sites industriels d’envergure. Et tous vous crient leur désespoir et leurs espoirs aussi.
Nos attentes sont simples. Elles obéissent à la règle des 5S : Simplification, Stabilisation notamment fiscale pour plus de lisibilité et de Sérénité, plus de Souplesse sociale (arrêtons les tabous) et Sécurité juridique.
En fait, la compétitivité, c’est affaire de marges bien sûr, mais aussi de confiance… Et la confiance, ça se construit. La France doit être plus « business friendly » !

J’ai la chance d’avoir des collaborateurs géniaux, qui aiment leur job et se défoncent pour leur boite, et ils sont optimistes. J’ai la chance d’être à la tête d’entreprises (des TPE) qui marchent, ont des clients et dégagent des marges. En retour, et c’est légitime, l’entreprise partage et les associe.
Pour l’immense majorité des entrepreneurs, les salariés ne sont pas une variable d’ajustement. Pour l’immense majorité des entrepreneurs, leur boîte, c’est le risque de leur vie. Pour l’immense majorité des entrepreneurs, entreprendre c’est d’abord être optimiste. Alors STOP au dénigrement systématique, aux entrepreneurs bashing. Sans nous, la France ne peut plus vivre.
L’idée à la mode est d’obliger les parlementaires à effectuer un stage long en entreprise. Histoire de découvrir la vraie vie. Celle de millions de français. Chiche ?

 *

 

La réforme (la fameuse réforme) mais qui pour l’imaginer et la mettre en œuvre ? Un chef d’entreprise me racontait il y a deux jours, en marge d’un déjeuner avec Pierre Gattaz, que la politique, c’était la droite et la gauche. Et qu’en substance, on ne pouvait pas mettre sur un pied d’égalité une politique de droite et une politique de gauche. Ce à quoi je lui ai répondu que les réformateurs étaient dans les deux camps, les hommes intelligents aussi, et, à contrario…

Je ne crois pas qu’il y ait une bonne politique (dite) de droite et une mauvaise politique (dite) de gauche. Malheureusement, les élites françaises répondent quasiment toutes au même logiciel. Les parcours sont standardisés, la vie professionnelle réduite à néant, la connaissance des entreprises rares, et les solutions souvent copié-collé (cf les prélèvements cités plus haut). La faute à qui ? Sûrement au système, mais aussi aux entrepreneurs eux mêmes. Je me souviens d’un débat au Printemps des Entrepreneurs où tous se liguaient pour dire que c’était « la faute aux politiques qui ne comprennent pas notre monde ». Mais « notre monde » a-t-il cherché à faire le premier pas ? Combien d’entrepreneurs dialoguent régulièrement avec leurs élus locaux ou leurs parlementaires ? Combien leurs proposent de venir découvrir le terrain, pas dans une visite calibrée par les communicants, mais dans la vraie vie ? Et combien ont le courage de s’engager ?

Sur 577 députés, seuls 18 sont recensés comme « chefs d’entreprises industrielles ».  Le Sénat fait un peu mieux avec 21 entrepreneurs sur 348 sénateurs. Au plan local, les « artisans, commerçants et chefs d’entreprise » représentaient 7,3 % des conseillers municipaux, 3,1 % des maires, 6,1 % des conseillers généraux et 6,4 % des conseillers régionaux en 2014 (des chiffres en baisse depuis 2007).

« Le changement c’est maintenant » affirmait un ami de Nicolas Bays, et s’il ne dépendait que de nous et de notre capacité à nous engager ? Entrepreneurs militants donc !

Les Commentaires ( 4 )

  1. de Marc Stefanini
    posté le 5 déc 2014

    Rien à ajouter, tout est dit ! J’attends la réponse du député…

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  2. de Arabelle
    posté le 5 déc 2014

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  3. posté le 5 déc 2014

    Et si on renversait le système. La France est un pays certes, mais c est aussi » l entreprise France, » qui a des dépenses et des recettes que lui apporte les français. Cette entreprise n est pas dirigé par des managers ou entrepreneurs mais par des hommes politiques qui connaissent mal l entreprise (hormis monsieur Macron). Toute entreprise se doit d’innover , imaginer, pour capter de nouvelles sources de clientèle et se développer. Qui est directeur de l innovation dans l entreprise France.? Une entreprise est représentée par une marque, qui est le responsable de la marque France, marketinguement parlant? Une entreprise doit connaitre ces clients (les français), qui est le sociologue de service qui apprend ce que sont les français,leurs évolutions non pas en general, mais dans la realité. La France fait du commerce, qui en est le directeur commercial?L entreprise France est contrainte comme toute entreprise à s’adapter, qui est la personne responsable de l adaptation de l entreprise France au turbulences du monde? Et puis une entreprise a une stratégie, quelle est la stratégie de l entreprise France?????

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  4. de Courgenoux Arnaud
    posté le 5 déc 2014

    Bonjour
    La situation du pays et de nos entreprises/entrepreneurs sans arrêt dénigrés par des ignorants encore figés aux temps de germinale est devenue intolérable. Malgré le manque de temps, et pour cause, de plus en plus d entrepreneurs, dont je suis, semblent vouloir s impliquer pour changer le cours des choses.
    Ce n est pas dans ma nature mais je me lance dans l’action au mieux de mes possibilités et votre article est une pierre de plus d’autant que vous avez une bonne visibilité.
    Pour ma part, je pense que le meilleur moyen de rompre le dialogue de sourd avec les esprits restés congelés au temps de la révolution industrielle est d’asséner des exemples concrès argumentés de façon très courte et non contestables.
    ça demande beaucoup de temps, c’est sur.

    Je retweet et attends la réponse du député

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