Le mystère Barnier

Michel-Barnier-Laurent-Wauquiez

 

 

 

C’est officiel. Ce matin, à un jet de pierre du futur siège de la région Rhône-Alpes-Auvergne, Laurent Wauquiez a dévoilé un secret de polichinelle : sa candidature pour présider la région. En l’écoutant, je pensais à Michel Barnier. Et l’évidence s’est imposée. Ces deux là rejouent l’épisode 1 d’Amicalement Vôtre…

Barnier-Wauquiez. La course à l’investiture pourrait être belle. Elle me fait penser au générique d’Amicalement vôtre, série mythique de mon adolescence (à voir et à revoir d’un clic !)…

D’un côté Lord Bret Sinclair, british jusqu’au bout des ongles ; de l’autre Dany Wilde, américain bousculant tout sur son passage. Tout les sépare et pourtant, ils finiront amis inséparables dès la fin de l’épisode 1. De la télé à la politique, il n’y a qu’un pas que la plupart des élus franchissent avec gourmandise. Résumons les parcours, et pensez au générique d’Amicalement Vôtre…

A tout seigneur, tout honneur. Démarrons par Michel Barnier, alias Lord Bret Sinclair.
Il manie une discrétion toute lyonnaise et une élégance british. Homme de réseaux (notamment patronaux), il affiche le parcours des hommes de goût qui connaissent leur monde et le monde. Jugez plutôt… Fils d’un entrepreneur, il nait en Isère en 1951. Militant dès son adolescence (tendance gaulliste social), il fait Sup de Co Paris (eh oui, il n’est pas énarque !), avant de consacrer une bonne partie de sa vie politique à la Savoie, à Rhône-Alpes et à l’Europe. Plus jeune député de l’hémicycle (27 ans) en 1978, il porte en 1992 la candidature aux JO de la Savoie avec Jean-Claude Killy. Plusieurs fois ministre (environnement, affaires européennes, affaires étrangères, agriculture), il est nommé commissaire européen aux politiques régionales en 1999 puis en 2010 au marché intérieur.

Laurent Wauquiez,  c’est Dany Wilde. Parka rouge, visible de loin, il  affiche le sourire carnassier de l’ambitieux, de celui qui est prêt à renverser les montagnes pour remporter la manche. Aussi issu d’une famille d’entrepreneurs, il est abonné aux prix d’excellence dès son plus jeune âge (lycées Louis Le Grand puis Henri IV, Normale Sup, agrégé d’histoire, Sciences Po Paris puis major de promotion à l’ENA, bref le parcours « classique » de l’élite française). Fils spirituel du centriste Jacques Barrot, il est élu député à 29 ans, en 2004. Il est alors lui aussi le benjamin de l’assemblée ! Plusieurs fois ministre (emploi, affaires européennes, enseignement supérieur), il est aujourd’hui député maire du Puy en Velay et secrétaire général de l’UMP à seulement 40 ans.

 

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Ce début de campagne (pour la candidature, car rien n’est joué) ne passionne pas les foules, et c’est bien normal : l’élection est prévue pour décembre 2015. Mais dans le microcosme, elle est observée et commentée. Deux méthodes s’affrontent en coulisses comme en public. Et l’une semble porter ses fruits…

En politique, le savoir-faire, c’est bien, mais faire-savoir est aussi important. A fortiori dans ce monde où l’image, la communication et la forme ont pris le dessus. Souvent au détriment du fond. Autant dire que sur la forme et la médiatisation, Wauquiez sort aujourd’hui vainqueur aux poings, dès le premier round. L’homme sait séduire et convaincre et il a réussi le tour de force de rassembler autour de sa candidature 45 parlementaires UMP de la région sur 50 et 80% des maires UMP des villes de plus de 10 000 habitants !

Et l’offensive se poursuit, ne négligeant pas le plus petit conseiller d’arrondissement. Coups de fils, déjeuners, rencontres, chez Wauquiez la porte est toujours ouverte, l’attention soutenu, le petit mot personnalisé. Nombreux sont ceux qui ne savent pas résister au sentiment fugace de se sentir important, voire indispensable. Bref, cet homme sait séduire et convaincre. Et tous les arguments sont bons, de la jeunesse à l’expérience en passant par l’ambition. Ca nous change de Jean-Jacques Queyranne qui semble porter avec lui son ennui… Ce matin, Wauquiez a exposé une ambition « apporter un nouveau souffle et une nouvelle dynamique à la région » en misant notamment sur le tissu économique et l’emploi.

Dans le camp de Michel Barnier, la campagne est plus feutrée. Les réseaux patronaux sont mis à contribution, la communication est parcimonieuse, on est dans le bon goût. Plus Old England que Jean-Paul Gaultier ! En fait, on a presque l’impression que Barnier se trompe de campagne. A l’heure où il faut séduire le militant de l’UMP et fédérer son camp autour d’une envie, il néglige à la fois l’appareil, ses élus et les adhérents. Comme si sa stature suffisait à emporter le morceau. On a déjà vu pareille méthode dans le passé (Balladur, Perben notamment).
L’image est d’ailleurs forte, d’un côté Wauquiez affiche clairement une équipe sur les photos, de l’autre Barnier est seul au milieu de la place Bellecour.

 

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Et le projet dans tout ça ? S’il est encore trop tôt. Laurent Wauquiez a esquissé ce matin à la fois la méthode de travail et les priorités. La méthode, c’est le terrain, le terrain, le terrain, au contact, cahier de notes en main comme cet après-midi dans la vallée de l’Arve en Haute-Savoie. Ses premiers objectifs : soutenir ceux qui créent des emplois, être une région modèle en terme d’apprentissage, retrouver des marges d’investissement par une gestion exemplaire. Pourquoi le croire ? C’est simple, il demande à être jugé sur ses actes, comme ministre mais surtout comme maire du Puy : «  Ma ville du Puy-en-Velay était ruinée il y a sept ans quand j’en suis devenu maire. Aujourd’hui, elle a retrouvé une capacité d’investissement. Pour la troisième année, nous baissons le taux de la fiscalité locale et l’emploi progresse depuis deux ans ».

Du côté de Michel Barnier, la priorité est également l’emploi et le refus d’augmenter les impôts. Déjà deux points d’accord. Pour le reste, attendons une conférence de presse ou une déclaration officielle… On en saura plus à ce moment là. Question de méthode, sûrement.

 

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Si dans l’entourage de Laurent Wauquiez, on souhaite que la désignation du candidat de l’UMP se fasse au plus vite (certains espèrent d’ici 15 jours), il se pourrait que Nicolas Sarkozy laisse du temps au temps, histoire de jauger des véritables rapports de force, dans lequel il faut bien entendu faire entrer l’UDI dont une partie des cadres a pris fait et cause pour Barnier. En échange de quoi ? Nul ne le sait (encore). Une primaire pour départager les deux hommes ? « Pourquoi pas, répond Wauquiez sourire gourmand aux lèvres. Mais nous n’avons pas de temps ni d’énergie à perdre. Que la décision soit prise rapidement ». Au final, la commission nationale d’investiture de l’UMP tranchera.

Un Laurent Wauquiez qui tend la main à Michel Barnier. « Nous nous parlons, nous avons l’habitude de travailler ensemble. C’est une personnalité très importante de notre famille politique. Je lui tends la main. Je souhaite qu’il rejoigne notre équipe. Il n’y a pas de place pour la division. » Une affirmation en forme de vœu (pieux) ?

 

 

 

 

Les Commentaires ( 5 )

  1. de Serge F
    posté le 15 jan 2015

    Wauquiez veut faire du terrain et Barnier dans Le Figaro en appelle à Sarkozy ! Militant face à marquis de cour…

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  2. de Alexandrine Baizin
    posté le 15 jan 2015

    J’ai lu dans Lyon Mag que Wauquiez souhaitait que le choix reste au niveau local et que Paris entérine la décision du terrain. Avec autant de soutiens, ça semble plié pour Barnier ! Sauf si le Roitelet Sarko s’en mêle (s’emmêle?)

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  3. de gnafron
    posté le 15 jan 2015

    Il y a un domaine au moins qui différencie très très très nettement les deux hommes, c’est la culture, la compréhension des enjeux sociaux; la capacité à ne pas « cliver » sur tous les sujets de société possible…Et là, en dehors de tout calcul d’efficacité politique, il n’y a pas photo ! Et Dany Wilde avait grand coeur …lui!

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  4. de Jonathan
    posté le 15 jan 2015

    Bonsoir Erick,

    C’est toujours un grand plaisir de te lire. Même si nous ne sommes pas toujours d’accord sur tout, tes analyses sont pertinentes.

    Tu l’as bien décrit: Barnier est très isolé au niveau des réseaux d’élus. Dans ces élections là, le poids des barons locaux est déterminant. Barnier ne pourra pas s’imposer avec uniquement les réseaux savoyards et quelques députés comme Damien Abad ou Michel Voisin. Son absence prolongée en Rhône-Alpes depuis 15 ans lui a fait beaucoup de mal politiquement.

    De plus, même si on respecte le travail accompli par Michel Barnier, nous avons besoin de renouveler nos élus et Barnier incarne tout sauf le renouvellement (élu pour la 1e fois à la fin des années 70 comme Juppé!).

    Enfin, je vois très mal Nicolas Sarkozy désavouer son propre secrétaire général à moins de déclencher une crise au sein de l’UMP. De plus, le positionnement de l’UDI a agacé pas mal de monde notamment à Lyon. Je pense que Philippe Cochet fera tout pour favoriser Laurent Wauquiez et écarter les centristes au 1e tour.

    Amicalement

    Jonathan

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  5. de Le lecteur
    posté le 16 jan 2015

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