Il y a les hommes de lettres et il y a les hommes de mots. Plus joueurs, forcément, car ils ont en permanence un syntagme dans la tête. Pour une fois pas de politique, de coup de gueule ou d’économie dans ce billet, mais un coup de cœur pour un livre ovni, rédigé entre Lyon, Paris et Strasbourg.
« Les prisons mobiles », c’est un thriller poétique, le journal d’un prisonnier du quotidien enfermé entre les quatre murs de ses propres cellules : le temps, l’espace, la langue, l’autre. Limites humaines, trop humaines… Il raconte, jour après jour, sa réclusion (l’ordinaire), son évasion (la cavale) et sa rédemption (sujet du verbe). « Réduit à son espace vital, soumis au temps, interminable de la peine, coupé de l’autre et du monde, le prisonnier n’a que le verbe pour se sauver. Alors il raconte sa réclusion et se rend à l’évidence : ce n’est pas tant le cachot qui l’emprisonne que sa façon de l’habiter. Il s’évade de l’ordinaire et démarre sa cavale. »
L’auteur, Jean Hansmaennel, nous envoie des messages, mois après mois, avec des mots (pas) sages. Des tranches de vies qui parfois ont une sale tronche. Comme ses nuits sans sommeil où il pense (ou panse) sa vie comme une bête de somme. En somme.
« Les choses existent parce qu’on les nomme ». Partant du constat, il empile, classe, range et dérange ses impressions, ses pensées, ses joies, ses peines et ses envies. Comme un collectionneur qui aurait décidé d’abattre les murs en y scotchant des clichés. Clichés ou portes ouvertes sur le jeu de l’esprit. Donc sur le Je.
Aphorismes, acrostiches, haïkus, épigrammes, historiettes, mémoires vives et autres mots à mots, comme d’autres font du bouche à bouche, composent ce livre élégant, parce que sincère. Sa vie défile, il se regarde comme nous le lisons. L’œil le suit avec cette curiosité qui nous fait observer l’insecte se débattant sous la lumière.
« Ecrire est un acte manuel », véritable onanisme du cerveau, et Jean joue avec ses sentiments. Pour lui, les mots sont habités de sons, de sens, d’illusions et de relations. D’amour aussi. Sorte de journal de bord, avec et sans débords selon les jours, qui raconte la réclusion d’un homme, son évasion puis sa rédemption. La vie d’un homme de mots qui revendique son humaniste. Un homme de l’être et un sujet du verbe !
Billet paru dans Tribune de Lyon du 23 avril 2015.
« Les prisons mobiles », de Jean Hansmaennel (Le cherche-midi, 17 euros). Sortie le 30 avril.
Excellente critique qui a attiré mon attention. Je vais donc, de ce pas, m’empresser d’acquérir cet ouvrage afin de pouvoir en apprécier la lecture.
Merci pour ce conseil précieux.
Amitiés littéraires,
Anne
C’est un très bon ouvrage en effet que je recommande fortement! Merci à mon ami Daniel de me l’avoir référé!!