12 étoiles d’or sur fond bleu marial

drapeau_union_europenne

 

Je n’ai pas de carte d’identité. Je n’en ai jamais eu. En revanche, j’ai un passeport. C’est ma seule pièce d’identité. Sur la couverture est écrit Union Européenne. C’est un choix. Je suis d’abord européen. Mais avec quelle Europe ? Cet après-midi, le Parlement français se prononcera sur le troisième plan de soutien à la Grèce. L’occasion de se poser les bonnes questions…

 

« Libéral, social, européen », depuis mon premier engagement politique en 1981, à l’âge de 16 ans, je crois en ce triptyque. Etre Européen, à l’époque, c’était espérer en une promesse.

Je me souviens d’avoir demandé, dans les années 84 à Francisque Collomb, sénateur maire de Lyon, de hisser le drapeau européen sur la façade de l’Hôtel de Ville. Il m’avait répondu par courrier qu’il refusait de mettre « un drapeau étranger » sur la maison commune des Lyonnais. Il était membre de l’UDF, le parti de l’Europe ! Depuis, pas un hôtel de ville qui ne soit pavoisé à l’année. Le monde change…

Avec la complicité de Robert Batailly, alors maire du 8e arrondissement où se trouvait le stock de drapeaux de la ville, nous avions piqué un immense drapeau européen pour le hisser, au petit matin, sur une tour de la piscine du Rhône. Escalade dangereuse, sous l’objectif de Lyon Figaro qui en avait fait sa Une. Le jour de l’anniversaire de la signature du Traité de Rome, le 25 mars, le drapeau aux 12 étoiles flottait sur Lyon. Depuis, il n’a pas bougé. Le monde change…

Je me souviens qu’avec les Jeunes Giscardiens, nous avions également planté notre drapeau sur le toit de l’Europe. Plus osé, nous avions lancé une opération illégale pour tronçonner les barrières des frontières avec nos voisins européens. Depuis, quasiment plus de frontières physiques. Le monde  change…

Le monde change. Cette Europe qui nous faisait rêver et qui, étudiants, était notre espace de jeu ne fait plus fantasmer personne. Le monde est l’espace de jeu des jeunes qui, dans leur grande majorité, ne croient plus en une Europe distante, désincarnée. Une Europe qui, le jour où elle a décidé, à l’initiative de Jacques Chirac, de refuser dans sa constitution la mention de ses « racines chrétiennes » a tourné le dos à une partie de son identité. Une identité longuement citée à l’heure du choix grec.

L’Europe doit faire face depuis des années à un profond malaise concernant le fonctionnement de ses institutions. Son élargissement à marche forcée rend le système de plus en plus ingouvernable. Pire, en accentuant les disparités culturelles, il stimule le retour aux préférences nationales. Enfin, depuis la fin du second mandat de Mitterrand, nous assistons quasi impuissants à la disparition du récit européen qui, progressivement, devient absent des campagnes électorales et du discours politique. Une bonne partie des politiques français considèrent comme une voie de garage le Parlement européen, là où les autres pays européens envoient une partie de leurs élites !

Giscard avait lancé il y a quelques années « Il faut un président à l’Europe ». L’objectif était d’incarner cette Europe que nous trouvons tellement éloignée de notre quotidien, et pourtant si proche… Depuis des temps immémoriaux, les pièces de monnaie étaient frappées du visage du souverain. Qui est le véritable « souverain » de l’Europe ?

 

 

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Face aux souverainistes, dont une partie à gauche comme à droite a dit son admiration pour Alexis Tsipras, le premier ministre d’extrême gauche grec, je reste farouchement fédéraliste. Cette menace écartée (à quel prix) de Grexit oblige les politiques à réfléchir à l’après. Crise, en japonais, veut dire aussi opportunité pour l’action. Go ! Faute de quoi le pire est devant nous…

L’Eurogroupe, qui dirige de facto l’Europe économique, « ne peut plus se contenter d’être un instrument hybride, mi-politique mi-technocratique. L’exécutif de la zone Euro devrait être composé de figures démocratiquement élues, dont les choix sont débattus en toute transparence et contrôlés par une assemblée parlementaire qui pourrait être l’émanation du Parlement de Strasbourg. (…) Nous devons faire un saut démocratique en passant de la méthode Monnet qui a eu ses mérites à John Locke et Montesquieu », comme le relevait l’eurodéputée de notre région Sylvie Goulard dans Le Point (la région Sud-Est a la chance d’avoir trois députés européens fortement engagés, outre Sylvie, Michel Dantin et Françoise Grossetête – Les Républicains- et Sylvie Guillaume – Socialiste).

Car enfin, la construction de l’Euro était ni plus ni moins la préfiguration de la construction d’un Etat fédéral. Et depuis, nous sommes restés au milieu du gué, sans avancer dans un sens comme dans l’autre. Le principe du fédéralisme, c’est la subsidiarité. C’est-à-dire déléguer les seules responsabilités qu’il est pertinent de faire porter par une instance supérieure. Avec un contrôle démocratique, c’est-à-dire parlementaire. Regardons simplement le fonctionnement de l’Allemagne fédérale. L’entité supérieure dispose des moyens d’action pour assurer ses missions. Elle est soumise au contrôle démocratique. Exemple : Angela Merkel doit consulter son Parlement pour toute initiative, notamment européenne. Le représentant français au Conseil européen ne rend compte qu’au Gouvernement. Pas à la représentation nationale. Sacré changement de culture que le fédéralisme !

 

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Bien entendu, l’Union européenne ne peut avancer sans (ou contre) les peuples des Etats qui la composent. Christian Makarian, dans sa chronique de L’Express, note que « Les Etats-Unis, qui  connaissent de très sérieuses disparités entre Etats, n’ont cessé de renforcer, depuis la crise des années 1930, les institutions et les règles qui lient entre elles toutes les composantes de la Fédération. Qui doute aujourd’hui du fait que les Etats-Unis soient synonymes d’Etat nation fédéral ? »

Et nous, savons-nous encore ce qu’Union Européenne veut dire ? Notre histoire politique est récente, mais nous sommes un dans un ensemble de 28 pays. Trop vaste sûrement, trop rapide dans ses intégration successives, mais c’est ainsi. Et notre union économique et monétaire (les deux mots sont indivisibles et malheureusement trop souvent divisés) compte 19 pays, trop vaste sûrement par rapport à notre organisation, mais c’est aussi un rempart face aux crises mondiales.

Quelle Europe demain ? Pour ma part, je reste persuadé que le temps est venu de refonder l’Europe sur des bases politiques et économiques. Quitte à démarrer ce projet autour de quelques pays fondateurs. Sorte de prototype de véritable union politique, économique et monétaire où la subsidiarité serait la règle. Les nations d’aujourd’hui seraient les Etats composant l’Union.

Bien entendu, il ne s’agit pas de se dissoudre dans un « machin » et de tout uniformiser, mais bien de construire une nouvelle espérance. Et de la partager avec les européens, reprendre le cours du récit…

L’Europe, j’en suis persuadé, est notre avenir. Reste à créer la confiance et l’envie. Tout reste donc à faire… Giscard, dans Europa (paru chez XO) dresse une perspective. Ce pourrait être une base de travail pour la classe politique.

 

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Europa-la-derniere-chance-de-l-europeDans Europa, paru en octobre 2014 et préfacé par son complice Helmut Schmidt, VGE avec la clairvoyance d’analyse qu’on lui connaît, trace les grandes liges d’Europa, le nouveau projet européen (la synthèse du projet et le livre à parcourir en ligne d’un clic ici). « Nous appelons à la construction urgente d’un ensemble fort et fédéré, comprenant, dans un premier temps, douze nations de l’Union européenne.

Ce projet, baptisé Europa, ne demande aucune modification des traités européens. Création d’un Directoire, instauration d’un seul et même budget, fiscalité et droit du travail communs, il permettra au continent européen de redevenir puissant et solidaire face aux deux géants de la mondialisation, les Etats-Unis et la Chine.

Sans Europa, dans vingt ou trente ans, l’Europe et chacun des pays qui la composent ne compteront plus sur la scène mondiale », estime l’ancien Président de la République. Un seul bémol, son projet est plus économique que politique. Mais il vaut quand même le coup d’y réfléchir…

Pour lui, Europa permettra de créer sur le sol de l’Europe une puissance économique capable de rivaliser avec ses grands concurrents, comme la Chine ou les Etats-Unis ; de stabiliser et développer ses emplois ; de conserver ses valeurs culturelles et sociales.

Europa est une base de travail. La classe politique osera-t-elle dans les mois qui viennent dépassionner le débat et (enfin) parler de l’Europe de demain ?

 

 

Les Commentaires ( 5 )

  1. de jerome manin
    posté le 15 juil 2015

    Toujours un plaisir de te lire et de comprendre que le chemin parmi les étoiles d’or est entre les douze tribus d’Israël et les douze apôtres.

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  2. de hrb
    posté le 15 juil 2015

    Utopie quand tu nous tiens…
    Les politiques sont morts depuis longtemps et l’idéal Européen a commencé son agonie le week-end dernier aux mains des pense petits.
    Ne rêvons plus.

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  3. de Erick Roux de Bézieux
    posté le 15 juil 2015

    Cher Henri, je pense qu’il faut continuer à rêver. Cette citation de Thomas More à méditer : “Réaliser cent utopies pour que les espoirs dépassent enfin la nostalgie.” Bises. Erb

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  4. de Christiane Granger
    posté le 15 juil 2015

    Quelle réaliste et belle analyse.
    Bises

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  5. posté le 20 juil 2015

    Superbe post, bien écrit et ça traduit parfaitement ce que je penses en plus!
    Mais détruire tout espoir et utopie, n’est-ce pas là la stratégie principale de Babylone pour assurer son emprise sur nous? Tous nos rêves deviennent possibles lorsqu’ils sont réellement les nôtre et non pas ceux qu’on essaye de nous implanter depuis notre enfance via un matrice qui s’éloigne de plus en plus de la réalité…

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