L’adjectif a progressivement remplacé celui de « fasciste ». « Populiste ! », le mot fait insulte, alors parlons-en…
Le populiste, pour l’Académie Française, c’est « une attitude. Le comportement d’un homme ou d’un parti politique qui, contre les élites dirigeantes, se pose en défenseur du peuple et en porte-parole de ses aspirations, avançant des idées le plus souvent simplistes et démagogiques. »
Dans son dernier ouvrage « Le crépuscule de la France d’en haut »*, Christophe Guilluy estime que la méthode des élites est connue comme le loup blanc : « fasciser ceux qui donnent à voir la réalité populaire ». Et même les « penseurs du temps », comme Bernard Henri-Lévy font part de leur mépris, vouant aux gémonies lors du vote du Brexit « la victoire de la crétinerie sur l’esprit ».
Comment en sommes-nous arrivés là ? Pour le politologue Olivier Costa, « les gens ont le sentiment que l’avenir est noir et que les vieilles recettes des partis établis ne fonctionnent pas. Beaucoup ont la tentation de s’en remettre à des nouveaux venus qui proposent de nouvelles solutions. Les ficelles sont souvent un peu grosses mais d’une certaine manière, les gens s’en fichent. Il y a ceux qui croient à ce que proposent ces nouveaux venus en se disant que ça n’a pas été essayé, et ceux qui sont dans une logique protestataire, de ras-le-bol. »
Le phénomène Trump en est d’ailleurs la criante caricature. Il a inauguré la parole politique qui va directement du producteur au consommateur, sans filtre. Il bouleverse les codes, fabrique de l’émotion et en joue à son avantage, comme dans une série de téléréalité dont il fut l’une des vedettes. De la surprise, des rebondissements, un sens de la formule, ne zappez pas ! « Je n’ai pas le temps d’être politiquement correct, et le pays non plus », clame-t-il. Résultat, la primaire Républicaine s’est jouée sans adversaire !
Et en France ? Nous n’échappons pas au phénomène, certes avec moins d’excès qu’aux USA. Certains se réclamant du peuple, parlent au nom du peuple et aiment flatter les bas instincts de la population ; être dans le registre purement émotionnel. Les solutions simplistes à des problèmes complexes envahissent les médias, soumis à la dictature des 140 signes de Twitter. La communication politique suit l’évolution du monde. Cogne, exagère, simplifie à outrance, pas grave, c’est la condition pour que l’on parle de toi. Sachant que l’information pousse l’information, seule la petite phrase a des chances d’être reprise.
Malheureusement, la montée du populisme a de beaux jours devant elle. Nous sommes confrontés à des défis démographiques, culturels et économiques d’envergure. Les systèmes partisans épuisés ne permettent pas d’articuler clivages et enjeux. Devenus exclusivement au service de l’ambition d’un homme ou d’une faction, les partis ont abandonné toute idéologie, toute colonne vertébrale. Ils ne disposent plus d’une pensée politique capable de les orienter dans la période que nous traversons, ils sont incapables de se réformer, ils déçoivent, ils fédèrent contre.
On nous dit que la recomposition est en marche, que la réforme du système se fera sur la ligne de fracture idéologique entre réformateurs et conservateurs. Sera-t-elle d’actualité à l’issue de la présidentielle de mai prochain ?
Le mot de la fin appartient à Laurent Wauquiez, souvent traité de populiste. Il écrivait en 2007 dans la revue Commentaire « A l’ère de la transparence, cette dictature de la formule représente un véritable danger. » Maintenant qu’il est patron de parti, saura-t-il conduire la (sa) transformation ?
* Flammarion
Dessin © Yvon Doffagne pour http://www.politique-actu.com
Ce billet est paru dans Tribune de Lyon ce matin, 13 octobre 2016.
Chantal Delsol l’a très bien décrit dans son livre sur le populisme « Populisme, les demeurés de l’histoire » : « le populisme est le symptôme de la volonté du peuple de retrouver son droit à la parole ».
Répondre